L’analyse de Cyril Ferey, operating partner chez I&S
Adviser
Les chefs d’entreprise s’accordent sur un point : l’IA est autant une chance qu’un défi. Sur ce sujet, la majorité se rejoint pour dire que l’enjeu est de mettre leurs sociétés en condition de s’emparer des opportunités créées par l’IA pour les projeter dans l’ère économique qui s’ouvre.
C’est la position tenue en particulier par les
chefs d’entreprise qui ont vécu les bouleversements des années 2000 liés à
l’avènement des technologies Internet.
Pour l’heure, la
plupart des dirigeants utilisent l'intelligence artificielle principalement
pour améliorer la productivité à court terme. Les projets se concentrent
souvent sur des domaines comme la relation client, où des chatbots répondent
aux demandes 24h/24. Dans la supply chain, l'IA optimise la gestion des stocks,
automatise les commandes et planifie les itinéraires de livraison de façon
efficace. Elle joue aussi un rôle clé dans le contrôle de conformité, en
identifiant les risques et en s'assurant que les processus respectent les
normes éthiques et sociales spécifiques à chaque pays. Enfin, dans les
ressources humaines, l'IA accélère le tri des CV, facilite l'organisation
d'entretiens quasi instantanés et génère des comptes rendus de réunion.
Les gains observés
avoisinent les 8 à 10% et sont précieux. Mais l’IA apporte bien plus que cela
et va bouleverser les entreprises en profondeur.
Quand l’IA impacte la
stratégie de l’entreprise pour créer de la valeur
Dans les cas les plus
marquants, l’IA est au cœur de la création de nouvelles activités, qu’il
s’agisse de filiales ou de start-up innovantes. Des entreprises comme Mistral
AI (traitement de données massives), Photoroom (montage photo assisté par IA),
ou encore Kanop (optimisation énergétique via l’IA) illustrent cette tendance.
De son côté, Generix a racheté Kenyo pour développer des solutions SaaS
innovantes destinées au commerce de détail, en s’appuyant sur les capacités de
l’IA.
Dans d’autres cas, l’IA
a conduit à retravailler la structuration opérationnelle de l’entreprise :
une fois les sources de gains de productivité identifiées, le dirigeant
s’attèle à ventiler autrement ses forces vives et ses investissements pour que
l’entreprise soit en mesure de délivrer. Par exemple, Amazon utilise l’IA pour
optimiser sa chaîne logistique, notamment en prévoyant la demande et en
automatisant la gestion des stocks. Cette intégration a conduit à une
réallocation des ressources humaines vers des tâches à plus forte valeur
ajoutée comme des postes en maintenance et robotiques mieux rémunérés.
Enfin, l’IA peut
conduire à une évolution du business model. Un exemple marquant dans le secteur
industriel est celui de Siemens qui a intégré l’IA dans ses systèmes. Avec la
solution MindSphere, une plateforme IoT industrielle, Siemens propose désormais
des services de maintenance prédictive et d’optimisation des processus. Ce
modèle « as-a-service » permet aux industriels d’améliorer leur
productivité tout en réduisant leurs coûts d’exploitation, transformant ainsi
Siemens d’un modèle de vente à un modèle d’abonnement pour aller au-delà de ses
services d’origine.
Dépasser l’optimisation
opérationnelle
Une certitude est qu’il
va falloir dépasser les projets à finalité purement opérationnelle et envisager
l’IA comme un levier au service de la stratégie de l’entreprise. Plusieurs
événements peuvent justifier de se lancer : la transformation digitale de l'entreprise,
un projet de fusion/acquisition, un repositionnement stratégique avec la
volonté de conquérir de nouveaux marchés, etc.
Plus facile à dire qu’à
faire ? Oui, bien sûr. Mais au-delà du « y ‘a-qu’à-faut-qu’on », la
nécessité est réelle. Et les défis sont pluriels : prioriser les chantiers et
les investissements en se demandant la place que doit occuper l’IA dans les
choix stratégiques, décider de maintenir sa vision initiale ou de l’adapter,
adopter un business model qui génère autant de valeur tout en captant de
nouvelles sources de revenus. Ou encore trouver l’équilibre entre prendre le
temps de construire un projet solide pour l’avenir et ne pas trop tarder à se
lancer face à son écosystème en effervescence.
Dans toutes ces
situations, la réflexion sur l’IA gagne à être confrontée et complétée par le
point de vue d’un entrepreneur aguerri ou un operating partner. Parmi les
points d’action sur lesquels il sera en mesure d’épauler le dirigeant en
apportant des perspectives stratégiques, techniques et opérationnelles :
l’alignement stratégique pour que l'IA serve les objectifs stratégiques ;
l’identification des opportunités de déploiement de l’IA sur la base d’une
analyse des coûts/risques/bénéfices ; la structuration des données et de la
gouvernance ; la gestion du changement en interne ; et la mise en place du
suivi des performances ou de l'innovation.
L’IA est bien plus qu’un accélérateur de productivité, c’est une opportunité de se réinventer et de projeter l’entreprise dans ce qui fera le XXIe siècle. Un enjeu structurant face auquel il est prudent de ne pas avancer seul.