Tribune de
Laurent Chaudeurge, Porte-Parole de la Gestion de BDL Capital Management
Inexistante dans les années 80, la gestion indicielle ou passive est désormais aussi importante que la gestion active sur les marchés actions. Elle a fortifié le rôle des indices en les utilisant comme le socle de son allocation de capital. Plus ses encours ont augmenté, plus l’influence des indices s’est accentuée. Aujourd’hui, le poids de la gestion passive est devenu systémique, celui des indices aussi.
Dans l’inconscient collectif, investir dans un indice c’est avoir l’assurance
d’investir dans un grand nombre de valeurs et de secteurs, le tout étant bien
réparti pour limiter les biais usuels de la gestion active comme le risque de
concentration ou de style (exemples : poids trop importants des principales
valeurs en portefeuille, style trop marqué « growth » ou « value »).
Aujourd’hui, certains indices comme le S&P500 remplissent de moins en moins
cette promesse, au moment où de plus en plus de monde veut s’exposer à la
croissance de l’économie américaine.
Le S&P500 affiche
au moins 4 sources de « fragilité » quant à la promesse initiale de
diversification.
- Premièrement, il est devenu plus
concentré que beaucoup de fonds de gestion active. La capitalisation boursière
des 23 premières valeurs représente 50% de l’indice.
- Deuxièmement, l’augmentation du
poids du secteur technologique dans l’indice a fortement modifié les
caractéristiques factorielles de l’indice de telle sorte que le S&P500 est
aujourd’hui devenu un indice essentiellement « croissance » plutôt qu’un indice
équilibré (« blend »). Si l’on regarde la corrélation actuelle entre le S&P
500 et le facteur croissance, elle est à un niveau extrême (95ème percentile
sur les 25 dernières années).
- Troisièmement, les profits
disproportionnés et les valorisations élevées des plus grandes valeurs de
l’indice font que le secteur technologie représente 40% de l’indice, une
concentration sectorielle qui n’a jamais été aussi élevée depuis les années 50
et le pic du secteur énergétique.
- Enfin, le S&P500
présente aussi un biais de valorisation sur les plus grandes valeurs. Aujourd’hui, les dix
premières valeurs ont une prime de valorisation en PE (ratio cours sur
bénéfices) de 40% alors que cette prime était en fait une décote il y a 10 ans.
La dernière fois qu’il y a eu une telle prime de valorisation sur les 10
premières valeurs remonte aux années 2000 avec la bulle TMT.
Qui répondrait « oui » à la question suivante : Souhaitez-vous acheter un fonds très concentré sur seulement quelques valeurs, très biaisé « croissance », essentiellement investi dans le secteur technologique et qui s’attache à ce que ses valeurs principales soient bien plus chères que les autres ? Peut-être quelques investisseurs à la recherche d’un fonds thématique agressif mais la réponse serait
« non » pour
toute personne qui souhaite une exposition diversifiée et équilibrée à
l’économie américaine dans son ensemble.
La conclusion est
évidente, le S&P500 remplit de moins en moins bien sa promesse initiale. Et cela est dû à une
fragilité intrinsèque de la gestion passive. Elle ne « rebalance pas ». Si une
gestion active démarre avec deux actifs équipondérés et que le premier double
elle va en vendre une partie pour que son poids ne devienne pas trop important.
On dit qu’elle « rebalance » pour équilibrer le portefeuille. La gestion
passive fait l’inverse : plus le cours de bourse d’une valeur monte, plus elle
achète cette valeur. C’est exactement ce principe qui mène aux bulles
spéculatives.
La gestion passive permettait de s’exonérer de tout travail d’analyse tout en étant assuré de ne pas mettre ses œufs dans le même panier et d’avoir une exposition à la croissance économique dans sa globalité. Ce n’est plus le cas de certains des indices les plus utilisés comme le S&P500. Aujourd’hui, contrairement aux idées préconçues, la solution à la diversification ne passe plus que par la gestion passive mais aussi par une gestion active qui sait prendre en compte intelligemment les risques de concentration, de style et de valorisation.