Par
Fabrice Lombardo, Directeur des activités immobilières et Bruno Blavier,
Directeur ESG Immobilier chez Swiss Life Asset Managers France.
Afin de mieux intégrer
les paramètres de durabilité dans les business plans et les expertises
immobilières, Swiss Life Asset Managers France a mené une étude pilote avec les
cabinets Cushman & Wakefield et Wüest Partner.
Améliorer les
performances environnementales et sociales des actifs immobiliers permet de
créer de la valeur pour les investisseurs. Ce constat encourageant ressort de
l’étude pilote que nous avons menée avec Cushman & Wakefield et Wüest
Partner au second semestre 2024. Celle-ci permet de montrer que, dans le cadre
d’un exercice d’expertise immobilière intégrant un scénario d’amélioration des
paramètres ESG (Environnement, Social, Gouvernance), les variables d’expertise
telles que la valeur locative, les autres paramètres locatifs (durée de
commercialisation par exemple) et les taux de rendement, évoluent souvent
positivement. L’étude montre que ceci permet, dans la plupart des cas, de
compenser dans la valeur nette de l’actif, le coût des investissements ESG
projetés. Dans certains cas, le scénario ESG aboutit même à une création de
valeur supérieure au scénario « business as usual ».
Les défis écologiques,
en particulier les changements climatiques à l’œuvre, imposent, en effet, une
véritable transformation des actifs immobiliers, et représentent pour la
gestion un important enjeu financier. Le secteur immobilier est un émetteur
majeur de gaz à effet de serre (35% des émissions mondiales) que ce soit lors
de la construction des bâtiments (25% des émissions du cycle de vie), ou dans
l’utilisation de ceux-ci (75% des émissions du cycle de vie).
La nécessaire réduction
des impacts de l’économie sur l’environnement, dans le cadre de l’Accord de
Paris et des règlementations européennes et locales, expose donc
particulièrement les actifs immobiliers au « risque de transition ». A cela
s’ajoute la nécessité de gérer les risques physiques climatiques grandissants,
ainsi que les risques sociaux et de gouvernance. Si les performances
environnementales et sociales des actifs sont de mieux en mieux connues, de
même que le potentiel technique de décarbonation, la capacité à mettre en œuvre
la transformation réside dans la capacité à montrer la faisabilité économique
et financière de celle-ci.
Or, d’après l’étude, les travaux d’amélioration ESG permettraient une amélioration de valeur locative jusqu’à +15%, expliquée notamment par un report des économies de charges, une réduction de
20 à 50% des durées moyennes de relocation ainsi que
la fidélisation des locataires (réduction de la probabilité de départ) et la
sécurisation à long terme des baux. Parallèlement, les taux de rendements
deviennent parfois plus intéressants. Dans les faits, l’amélioration de la
valeur nette d’immeuble découlant de ces investissements, atteint couramment 5
à 10%. C’est donc une démarche potentiellement profitable aussi bien pour
l’investisseur que pour le locataire, qui bénéficiera de l’optimisation des
charges issues des travaux d’adaptation.
Prépondérance des
aspects énergie-carbone
L’intérêt d’une telle
étude pilote montre qu’il est possible de dialoguer plus efficacement avec la
profession de l’expertise immobilière sur les sujets de durabilité : sous
réserve de fournir l’information adéquate sur le profil ESG des biens
immobiliers, les experts en valorisation sont à même de se positionner, et
d’intégrer la composante ESG dans leurs avis de valeurs. Les paramètres ESG
ayant le plus d’influence sur les variables d’expertise sont au moins pour
moitié les performances énergie-carbone. La réduction des consommations
d’énergie, notamment dans le cadre de la conformité décret tertiaire, peut dans
certains cas expliquer plus de 50% de la survaleur.
D’autres sujets plus
techniques sont également regardés de près, comme l’installation de systèmes de
pilotage des bâtiments (GTB), notamment dans le cadre du décret BACS. La mise
en place de sources d’énergie décarbonées (géothermie, pompes à chaleur, photovoltaïque
en toiture etc.) sera également privilégiée pour valoriser un actif immobilier
durable à long terme. Les certifications environnementales continuent également
d’avoir une influence. En outre, l’investisseur et l’expert regarderont actif
par actif la résilience aux risques physiques climatiques.
Dans une moindre
mesure, la mobilité, notamment en lien avec la loi LOM (solutions pour
mobilités douces et vestiaires, bornes de recharge pour les véhicules
électriques), ainsi que l’accessibilité du bâtiment aux transports en commun et
aux personnes en situation de handicap, ont une influence sur la valorisation
ESG. Enfin, d’autres aspects d’attractivité tels que les toits végétalisés et
façades bioclimatiques, la modularité des espaces, l’offre de services (salles
de sport, restauration etc.) seront également pris en compte, tout comme la
gestion de l’eau, des déchets et de la biodiversité.
Cette analyse fine
prend ainsi toute sa légitimité dans un contexte où les investisseurs ne
regardent plus uniquement la conformité réglementaire des produits financiers
(règlement SFDR, label ISR etc.) pour jauger le degré de durabilité des
portefeuilles sous-jacents, mais peuvent descendre sujet par sujet afin
d’évaluer les qualités ESG des actifs : consommation énergétique de l’actif,
empreinte carbone, exposition aux risques climatiques etc.
Chez Swiss Life Asset Managers France, nous sommes convaincus que ce constat ouvre des perspectives majeures en ce qui concerne l’évolution des pratiques de modélisation financière et d’expertise immobilière, les paramètres ESG étant de mieux en mieux intégrés dans la rentabilité attendue d’un actif immobilier sur une longue période. Celle-ci résultera des optimisations permises par les transformations réalisées.