Par
Cédric Gaillard, operating partner chez I&S Adviser.
Les évolutions du
contexte économique (baisse des taux d’intérêt, tendances observées sur le
marché du capital investissement, etc.) et l’évolution de certains secteurs
rendent le build-up intéressant à mener. Le succès de cette stratégie de
développement demande toutefois le respect de prérequis et un accompagnement
adapté.
Les derniers mois,
plusieurs entreprises ont annoncé des acquisitions, confortant leur stratégie
de développement basée sur le build-up. Peuvent être cités : la PME
marseillaise Onet Technologies a annoncé le 30 septembre accélérer son
développement en finalisant l’acquisition de SDMS. Le groupe de BTP Tommasini
basé en Hauts-de-France a quant à lui racheté début octobre la société Cabre.
Ou encore le réseau SoluSons dont le siège est en Auvergne a annoncé fin
septembre l’acquisition d’Audition Balet après avoir opéré plusieurs autres
intégrations de centres indépendants d’aides auditives.
Une conjoncture propice
au build-up
Ce regain d’intérêt
pour ce modèle de développement s’explique. La croissance étant redevenue
faible après la phase de rattrapage post-Covid (en dehors de quelques rares
secteurs), le build-up permet de gagner rapidement des parts de marché, de
conserver sa position concurrentielle ou en tout cas de ne pas se laisser
distancer.
La tendance à la baisse
des taux d’intérêt en Europe et aux États-Unis permet quant à elle de jouer sur
l’effet de levier de l’endettement bancaire pour lancer certains projets dont
l’intérêt était moindre ces dernières années du fait des taux élevés.
Du côté de l’offre, il
est possible de racheter des cibles pour un montant très correct car les
multiples de valorisation ont baissé. Cela s’explique par l’atonie qui a touché
le secteur M&A ces dernières années, combinée aux diverses échéances qui conduisent
actuellement les fonds à vendre un nombre important de leurs participations.
Qui plus est, un « stock » de cibles à racheter est déjà disponible,
sans doute parce que des cessions ont été reportées en attendant de meilleures
conditions de marché.
S’ajoutent les risques
accrus de défaillance dans les prochains mois qui vont conduire à la mise en
vente d’entreprises soit à la barre du tribunal de commerce, soit juste avant
ce stade, à des valorisations proches de zéro. Les récentes études prévoient
une augmentation conséquente des défaillances, la Banque de France ayant
annoncé en juillet le nombre de 63 000, avec une tendance plus forte chez les
PME de 50 à 99 salariés.
Sauter le pas
Si les cibles sont là,
reste à voir si l’approche est pertinente dans le cas de l’entreprise pour
accélérer la croissance. Plusieurs signaux devraient inciter un dirigeant à
s’interroger sur une stratégie de croissance par acquisition.
Le premier est le
ralentissement ou la restructuration de son secteur. Si l’entreprise rachète un
de ses concurrents elle doit être consciente que des investissements seront
nécessaires pour passer à une taille critique. Il s’agit de savoir qui, à
terme, seront les consolideurs et les consolidés. C’est par exemple le cas dans
le secteur de la sous-traitance aéronautique : pour accéder aux grands
donneurs d’ordres, il faut changer de dimension, se diversifier sur les
métiers, etc.
Autre indicateur à
regarder :
l’impact des pénuries et hausses de prix comme celles survenues
post-Covid sur
l’activité et la rentabilité de l’entreprise. Elles conduisent certains chefs d’entreprise
à revoir leur stratégie en faisant des acquisitions verticales afin d’être
moins dépendants de fournisseurs stratégiques.
Enfin les difficultés
rencontrées par un concurrent peuvent inspirer une stratégie de build-up,
surtout si le projet de consolidation fait apparaître des synergies évidentes
et rapides à mettre en œuvre. Toutefois, il sera plus difficile (voir
impossible) de lever de la dette pour financer la restructuration, si la
société cible présente des pertes élevées. Le projet nécessitera un
accompagnement particulier.
Respecter plusieurs
conditions pour se lancer dans le build-up
Une fois actée, une
stratégie de build-up requiert quelques préalables et de l’accompagnement pour
transformer l’intention et la vision en pleine réussite.
Avant de se lancer, il
est tout d’abord fondamental que l’entreprise soit en bonne santé financière et
ait les moyens de ses ambitions. Le build-up doit dépasser la seule opportunité
financière, servir le projet de croissance et concourir à l’atteinte des
objectifs de développement. Un travail amont, sur la partie intégration et
structuration du nouvel ensemble, trop souvent négligée dans ce genre de
projet, doit donc impérativement être mené, idéalement en étant épaulé non
seulement par des experts techniques et juridiques mais aussi et surtout par
des personnes expérimentées « qui l’ont déjà fait » comme les operating
partners. C'est dans cette étape et dans cet accompagnement du dirigeant que se
cachent les plus gros leviers de création de valeur.
Dans le cas de chefs
d'entreprise qui auraient à gérer des situations compliquées, ils peuvent
envisager de faire du build-up dans une optique de fusion plutôt que de rachat
/ vente. Cette approche a pour but de préserver l'outil de travail et d'éviter
une faillite. C’est certainement une option qu’un operating partner, pour
l’avoir déjà vécue, sera tenté de recommander quand l’entreprise affiche un
potentiel et qu’un rapprochement permet non seulement de valoriser les actifs
mais aussi de donner naissance à un projet renouvelé de société.
Adopter une stratégie de build-up redevient donc une des pistes pertinentes pour sécuriser et accélérer le développement d’une entreprise. Mais le dirigeant devra être vigilant à la fois en amont et en aval pour que cette stratégie donne les résultats escomptés.