Une cinquantaine d’acteurs des ENR alertent sur la règlementation encadrant l’autoconsommation collective.
La loi d’accélération
de la production d’énergies renouvelables est-elle bien nommée ? La question
mérite d’être posée, si juste parce qu’on vend quelques électrons à son voisin
il faut désormais avoir une licence, comme pour vendre du tabac ou acheter une
arme à feu.
L’article 86 de la loi
relative à l’accélération de la production d'énergies renouvelables
(loi APER
n°2023-175 du 10 mars 2023) impose que les producteurs concluant un contrat de
vente directe d’électricité avec des consommateurs finals doivent être titulaires
d’une autorisation délivrée par l’autorité administrative. Le décret n°
2024-613 du 27 juin 2024 précise les modalités d’application de cette
disposition.
Autrement dit, les
producteurs des opérations d’autoconsommation collective doivent être
titulaires de la même autorisation de fourniture que les fournisseurs
d’électricité, comme si tout le monde pouvait être EDF.
La France a pourtant
été précurseur à l’échelle européenne en intégrant l’autoconsommation
collective dans le droit national, dès 2016. Le principe est défini à l’article
L.315-2 du code l’énergie : un ou plusieurs producteurs fournissent de
l’électricité en circuit-court à un ou plusieurs consommateurs. Cette
électricité transite par le réseau public de distribution. L’équivalent existe
pour le gaz.
Une obligation
superfétatoire
L'autoconsommation
collective est soumise à un régime juridique spécifique, composé de nombreuses
contraintes. Elle est par exemple limitée par un critère géographique. Son
terrain de jeu est un cercle dont le rayon d’un kilomètre peut être étendu
jusqu’à dix kilomètres en zone rurale sous certaines conditions. Elle s’inscrit
par ailleurs dans un cadre conventionnel multipartite, s’organisant autour
d’une « personne morale organisatrice ».
Pourquoi alourdir
encore ce régime déjà fortement réglementé ? Certes, l’autoconsommation
collective se développe à bon rythme ces derniers mois. Le nombre d’opérations
a même doublé en un an. Quelques 550 opérations totalisent environ 50 MW ; cela
représente 100 kW par opération en moyenne. Une goutte d’eau dans le lac
énergétique français !
Si le problème est de
s’assurer de réguler la croissance de ce segment de marché, l’Etat peut
toujours le faire en maîtrisant le curseur de la puissance maximale par
opération, qui est décidé par arrêté ministériel.
Par essence, qui dit
autoconsommation collective, dit assurer une adéquation entre production et
consommation lors de l’implantation de petites centrales d’énergies
renouvelables et ainsi aider à équilibrer le réseau. L’autoconsommation
collective, c’est aussi favoriser les retombées économiques et de solidarité de
ces centrales au sein des territoires.
C’est de plus permettre
une réappropriation des enjeux énergétiques par les citoyens, les petites
entreprises et les collectivités locales qui, en jouant le jeu d’être ainsi des
consomm’acteurs, parviennent à maîtriser leur facture d’énergie.
Malheureusement, ces
modestes projets ne sont pas outillés pour assumer le fardeau administratif
qu’implique l’obtention de l’autorisation de fourniture désormais exigée. Quant
à trouver un délégataire pour porter l’autorisation à leur place, c’est risquer
de grever ces projets.
Une dispense est
indispensable.
Voulons-nous que
l’autoconsommation collective se limite à de l’entre soi, à des opérations
patrimoniales, sans vente ou don à autrui ?
Dans un contexte
d’austérité budgétaire, ce résultat serait contre-productif. Nous verrions
alors un retour au guichet des tarifs d’obligation d’achat, financés par
l’Etat, des projets prévoyant initialement une commercialisation de leur
production dans une boucle locale.
Voulons-nous que
l’autoconsommation collective se vide du sens de communauté souhaité par
l'Union Européenne ?
Le droit européen
prévoit de faciliter le partage d’énergie en évitant les freins
disproportionnés (Directive RED II). La licence dont il est ici question n’est
rien d’autre qu’un frein disproportionné.
Espérons que le
législateur se rendra compte dès que possible qu’une dispense est
indispensable. Celle-ci devrait s’appliquer à tous les projets
d’autoconsommation collective et, pour éviter d’être qualifiée de
discriminatoire, s’appliquer aussi aux contrats d’achat d’énergie dits PPA,
quand ce sont de petits PPA multi-acheteurs.
Rappelons que la
Commission de Régulation de l’Energie était favorable à écarter les opérations
d’autoconsommation collective de ce régime d’autorisation de fourniture, dans
sa délibération
n°2024-03 du 18 janvier 2024.
La France a besoin d’accélérer la production d’énergies renouvelables. L’autoconsommation collective est un formidable outil pour y parvenir, un outil qui permet de donner un sens sociétal aux projets. Ne bridons pas cet élan !