L’analyse d’Arnaud Marquant, Directeur des opérations chez KB Crawl SAS
En 2024, le secteur de
la veille stratégique a traversé une année marquée par l’innovation
technologique, une adoption accrue de l’intelligence artificielle et une
transformation culturelle des professionnels. Le tout au cœur d’une conjoncture
pour le moins floue…
« L’incertitude n’est
pas un défaut de la science économique, mais une donnée essentielle des choix
économiques. »
Prix Nobel d’économie en 1988 et spécialiste de la prise de décision sous
incertitude, Maurice Allais nous lègue une pensée particulièrement d’actualité.
Qu’il s’agisse du contexte international (guerre en Ukraine, conflit au
Proche-Orient…) ou national (dissolution de l’Assemblée nationale), le moins
que l’on puisse dire est que l’année 2024 a été marquée par les doutes,
l’imprévisibilité et le flou. C’est dans ces conditions que le secteur de la
veille stratégique s’est signalé par des outils toujours plus performants,
l’intégration des solutions d’intelligence artificielle générative et la
redéfinition des pratiques professionnelles.
Des outils de veille
toujours plus sophistiqués
Premier axe majeur de
cet exercice rétrospectif : le perfectionnement des plateformes de veille.
En
2024, les éditeurs ont intensifié leurs efforts pour répondre aux besoins d’un
marché toujours exigeant – notamment en lien avec l’infobésité et les fake news.
Désormais, les outils de veille sont en capacité de produire une indexation des
données plus efficiente, ce qui permet aux entreprises de bénéficier de
statistiques plus complètes et plus détaillées. Celles-ci facilitent le suivi
des performances et des impacts des campagnes d’information. À titre d’exemple,
la capacité à analyser l’interaction des cibles avec les livrables a gagné en
finesse : taux d’ouverture, temps de lecture ou encore partage des newsletters
sont suivis avec précision.
La cybersécurité est
aussi devenue l’un des prérequis des solutions proposées. Relativement
invisible par les clients, elle relève pourtant bien des investissements
consentis par les éditeurs de solutions de veille, ceci pour garantir la
confidentialité des données dans un contexte de menaces croissantes. Cette
sophistication permet aux entreprises de naviguer efficacement dans un
environnement où l’information est surabondante et souvent contradictoire.
L’essor de l’IA
générative : vers une veille augmentée
Second axe : 2024 a
marqué une accélération dans l’usage de l’IA générative au sein des processus
de veille. Jusqu’alors perçue comme une option (un « Nice to have »), cette
technologie est devenue un incontournable (un « Must have »). Ainsi, l'IA
permet aujourd’hui des synthèses rapides, des traductions de qualité et des
résumés pertinents, le tout en des temps records. Elle libère très clairement
les veilleurs des tâches répétitives pour se concentrer sur des analyses
stratégiques.
Cette omniprésence de
la performance permet aux organisations de mieux détecter les innombrables
signaux faibles et de leur donner de la cohérence. En surveillant des sources
de plus en plus variées – forums, réseaux sociaux ou think tanks – les outils augmentés
par l’IA permettent de repérer des tendances émergentes bien avant que
celles-ci ne deviennent dominantes. Grâce à ces analyses enrichies, nous nous
situons de plus en plus aux frontières de la prédictibilité, même si l’on ne
peut actuellement parler que de tendance. Quoi qu’il en soit, une telle
connaissance permet aux organisations d’être plus vigilantes, de prévenir
certains risques de crises et d’ajuster très rapidement leurs stratégies
marketing ou logistiques.
Une culture de la
veille en pleine transformation
En parallèle des
multiples évolutions technologiques, 2024 a également vu un changement culturel
au sein de la communauté des veilleurs. C’est notre troisième axe de réflexion.
Certes, l’adoption de l’IA a suscité de longs débats depuis deux ans, ainsi que
des peurs. Cette dynamique a nettement évolué au cours des douze derniers mois.
Désormais, nous observons au sein des organisations une acceptation croissante,
nouvelle, des outils numériques comme partenaires essentiels plutôt que comme
menaces. C’est tellement vrai que de nombreux managers, longtemps hostiles à
l’IA, en sont devenus d’âpres défenseurs. Et pour cause : de plus en plus de
grandes entreprises ont déployé cette année leur propre IA générative, à telle
enseigne que la différence ne se fait pas entre l’homme et la machine, mais
entre le professionnel non augmenté et celui qui sait travailler avec
l’intelligence artificielle.
Le bilan 2024 de la
veille stratégique illustre un secteur en pleine mutation. Les progrès
technologiques redéfinissent les pratiques, tandis que la profession elle-même
adopte des approches plus tournées vers l’usage de l’IA générative, sur fond
d’usages plus collaboratifs et transversaux. Ces évolutions répondent à une
demande croissante d’efficacité et de précision dans un monde marqué par des
crises de plus en plus présentes.
Dans un tel contexte d’incertitudes, en 2025, le défi consistera à maintenir l’équilibre fécond entre innovation et expertise humaine, afin de continuer à apporter une réelle valeur ajoutée aux organisations.