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[Tribune] Walter France - Arrêts maladie : le casse-tête chinois des nouvelles règles de congés payés

Pour mettre en conformité le Code du travail avec le droit européen, nos institutions ont dû faire voter une nouvelle loi concernant les congés payés acquis durant un arrêt maladie. Estelle Trichet, co-responsable du groupe de travail Social de Walter France, publie une synthèse des nouvelles règles qui s’appliquent.

 

Cette loi, entrée en vigueur depuis le 24 avril 2024, concerne l’acquisition et le report des congés en cas d’arrêt maladie ou accident du travail.

 

1/ Les arrêts maladie donnent désormais droit à congés payés

 

Dorénavant, l’ensemble des arrêts pour maladie ou accident constituent des périodes assimilées à du travail effectif pour l’acquisition des congés payés, quelle que soit leur durée.

Ces absences doivent donc être prises en compte pour calculer les droits à congés annuels du salarié.

-      --Si la maladie est d’origine non professionnelle, le salarié acquiert 2 jours ouvrables de congés par mois d’absence, soit 24 jours ouvrables s’il a été absent toute la période d’acquisition.

-      --Si la maladie est d’origine professionnelle ou si le salarié est arrêté à cause d’un accident du travail, celui-ci acquiert 2,5 jours ouvrables de congés par mois d’absence, dans la limite de 30 jours ouvrables par période de d’acquisition.


Ces règles s’appliquent sauf si une convention collective ou un accord collectif d’entreprise prévoit des dispositions plus favorables.

Il est important de préciser que l’acquisition rétroactive de congés payés au titre d’un arrêt pour maladie ou accident ne peut conduire le salarié à bénéficier de plus de 24 jours ouvrables de congés payés par période d’acquisition, compte tenu des jours déjà acquis sur ladite période à d’autres titres.

 

Mais cette précision ne concerne que l’application rétroactive de la loi (soit la période du 1er décembre 2009 au 23 avril 2024) mais pas l’application « classique » du texte depuis le 24 avril 2024. Ainsi, un salarié qui n’est malade qu’une partie de la période d’acquisition peut donc acquérir plus de 24 jours ouvrables de congés payés comme dans l’exemple ci-dessous.

 

Exemple de calcul :

Si le salarié a été en arrêt maladie en partie sur la période de référence, l'employeur doit déterminer :

- les jours de congés payés acquis hors période de maladie ;

- et les jours de congés payés acquis pendant l'arrêt maladie.

Un salarié est en arrêt maladie d'origine non professionnelle pendant 2 mois, du 1er août au

30 septembre 2024.

Il bénéficiera de 2 jours ouvrables par mois (soit 4 jours ouvrables) au titre de l'arrêt maladie.

Le salarié aura droit en totalité à 29 jours de congés payés (congés payés acquis pendant l'arrêt maladie et congés payés acquis hors période d'arrêt maladie) :

Du 1er juin au 31 juillet 2024 : 2 x 2,5 jours = 5 jours

Du 1er août au 30 septembre 2024 (maladie) : 2 x 2 jours = 4 jours

Du 1er octobre 2024 au 31 mai 2025 : 8 x 2,5 jours = 20 jours

 


2/  Le nouveau calcul de l’indemnité de congés payés

 

L'indemnité de congés payés est calculée par comparaison entre deux modes de calcul :

La première méthode dite du 1/10e : l'indemnité de congés payés est égale à 1/10e de la rémunération brute totale perçue au cours de la période de référence. La seconde méthode dite du maintien de salaire : l'indemnité de congés payés est égale à la rémunération perçue si le salarié avait continué à travailler.

Concernant l’application de la 1ère méthode : désormais, en cas d'arrêt pour maladie d'origine non professionnelle, la rémunération pendant la période d'arrêt de travail sera prise en compte à hauteur de 80%.

 

En revanche, pour les arrêts de travail d’origine professionnelle, la rémunération sera prise en compte à hauteur de 100% (acquisition de 2,5 jours ouvrables de congés).

 

Dans les deux cas, c'est le montant le plus avantageux entre les deux méthodes qui sera versé.

 


3/ C’est compliqué et en plus… c’est rétroactif
 !

 

Pour les salariés encore en poste, toute action en vue d’obtenir des congés payés supplémentaires, concernant la période d’application rétroactive de la loi, doit être introduite dans un délai de deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi, soit le 24 avril 2026.

 

Pour les salariés dont le contrat de travail a pris fin, la prescription des salaires de trois ans s’applique.

 

Elle prévoit également l’obligation pour l’employeur de prouver l’information transmise au salarié du nombre de congés payés et la période de report dont il bénéficie à son retour dans l’entreprise.

 

Le principe du report des congés payés : 15 mois…

 

En principe, le salarié doit prendre ses congés sur la période prévue à cet effet. Aux cas de report déjà prévus par le Code du travail, comme le cas du congé de maternité, la loi ajoute désormais les arrêts maladie.

Le salarié peut désormais bénéficier d’une période de report de 15 mois afin de profiter des congés payés acquis qu’il ne peut pas prendre au cours de la période « normale » de prise, en raison d’un arrêt de travail pour maladie ou accident, d’origine professionnelle ou non professionnelle.

Cette durée de 15 mois est un minimum légal qu’un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche, peut augmenter.

 

… sauf si le salarié peut effectivement prendre ses congés sur sa période de prise

 

Cette période de report de 15 mois ne s’applique que dans les cas où le salarié « ne peut pas prendre au cours de la période normale de prise » ses congés payés, au retour de son arrêt maladie.

 

De ce fait, le salarié doit être dans l’impossibilité objective, pour cause de maladie ou d’accident (professionnel ou non) de prendre au cours de la période de prise des congés tout ou partie des congés payés acquis.

 

Pour Estelle Trichet, cela suppose une analyse au cas par cas afin de statuer sur la nécessité ou non de prévoir une période de report. Il faudra prendre en considération plusieurs éléments, notamment :

- le nombre de congés payés acquis,

- la date de reprise et le nombre de jours restant sur la période de prise,

- l’organisation et la charge de travail dans l’entreprise, etc.

 

Si le salarié n’est pas dans l’impossibilité objective de prendre ses congés payés avant la fin de la période de prise de congés, la période de report de 15 mois ne s’applique pas. L’employeur doit lui préciser à son retour qu’il devra prendre les jours de repos restants avant la fin de cette période (généralement le

31 mai).

 

Pour le cas particulier des salariés en arrêt maladie depuis au moins un an au moment où la période d’acquisition se termine et uniquement pour les congés acquis au titre de cette même période, le délai de report de 15 mois commence non pas à la date d’information par l’employeur au retour de la maladie, mais à la fin de la période d’acquisition des congés s’il n’a pas repris le travail. L’instauration de cette période de report a ainsi pour effet de limiter le nombre de congés payés que peut acquérir un salarié durant un long arrêt maladie. 

 

Il existe de nombreux cas différents, par exemple pour les salariés qui reviennent après la fin de la période d’acquisition, mais avant l’expiration de la période de report de 15 mois. Les modes de calcul de ces périodes de report sont assez complexes et nécessitent de faire appel à des spécialistes du droit du travail.

 


4/ L’employeur a de nouvelles obligations d’information

 

Après un arrêt pour maladie ou accident, quelles que soient sa durée et son origine (professionnelle ou non professionnelle), l'employeur est désormais tenu d'informer le salarié :

- du nombre de jours de congé dont il dispose ;

- et de la date jusqu’à laquelle ils peuvent être pris.

 

Cette information doit intervenir dans le mois qui suit la reprise du travail par un moyen qui donne une date certaine de réception. Cette information est, dans le cas général, déterminante pour fixer le point de départ du délai de report des congés payés.

 

Pour Estelle Trichet : « Les nouvelles règles de cette loi sont certes précises, mais les cas de figure sont nombreux et le sujet complexe. Ainsi par exemple, la Cour de cassation, dans un arrêt du 2 octobre dernier, est venue préciser que, malgré la non-rétroactivité de la loi du 22 avril 2024 sur l'obtention de congés payés durant l'intégralité d'un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, le salarié peut invoquer la jurisprudence du 13 septembre 2023 et le droit de l'UE pour obtenir rétroactivement la régularisation de sa situation. Il est fortement recommandé de faire appel à des spécialistes, experts-comptables ou experts en droit social. »

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