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[Tribune] L’IA, moteur d’une véritable révolution du secteur de l’assurance ?

L’analyse de Patrick Soulignac, Manager Conseil Solutions, Guidewire.

 

Les assureurs IARD, à l’image des autres secteurs, se sont demandé, depuis la sortie de ChatGPT, comment tirer parti de l’IA générative et anticiper l’arrivée de potentielles nouvelles opportunités futures qu’il reste encore à définir précisément.

 

Les applications potentielles de l'IA générative dans la chaîne de valeur de l'assurance sont vastes, englobant des domaines tels que les ventes, la conception des produits, la tarification, les décisions de souscription, la prévention et la gestion des sinistres. En effet, l’IA générative peut aider à évaluer les risques, en simulant divers scénarios et en fournissant des éclairages pour la souscription ; elle permet d’automatiser le traitement des sinistres, grâce à la génération et l’évaluation des documents de sinistres, ce qui permet d’accélérer le processus et de réduire les erreurs ; enfin, l’IA améliore le service client, en générant des réponses aux demandes des clients et en aidant à gérer les tâches routinières.

 

Les premiers prototypes se focalisent souvent sur le « gestionnaire augmenté ». L'objectif est de permettre aux gestionnaires de prendre des décisions automatisées à partir d'évaluations intelligentes. Des expérimentations ont déjà été menées pour analyser des documents complexes et restituer, de façon plus synthétique, des informations sur les sinistres ou les contrats aux gestionnaires.

 

L’IA fait évoluer la façon de trier les sinistres, d’évaluer les risques d’aggravation et les risques de perte de souscription dans des domaines tels que les ventes, la conception de produits, la tarification, les décisions de souscription, la gestion des sinistres ou encore la prévention des pertes, en produisant une analyse avancée qui prend en compte de nombreux facteurs.

 

Dans un avenir pas si lointain, il est tout-à-fait envisageable que l’IA contribue directement à produire des décisions de gestion ou des documents destinés aux clients et fournisseurs des assureurs. Cela dépend surtout des degrés de confiance et de sécurisation qui garantiront la pertinence des usages. Par exemple, l'IA générative n'a pas de critère pour distinguer les données personnelles des autres données, car elle travaille surtout avec des informations non structurées. Il faut donc renforcer les mesures de sécurité pour protéger les données personnelles des utilisateurs. L'IA générative reste aussi sujette aux "hallucinations", une situation dans laquelle le modèle produit des sorties ou des prédictions qui ne correspondent pas aux données d'entraînement, et qui peuvent causer des résultats complètement déconnectés des attentes.

 

Ces problématiques sont liées à l’outillage disponible actuellement dans le traitement par intelligence artificielle : au rythme actuel des innovations dans ce domaine, il n’est pas inimaginable qu’un niveau de risque acceptable soit atteint à horizon de quelques petites années.

 

L’adoption de l’IA s’avère problématique sur un autre plan, qui tient à la capacité des écosystèmes assurantiels à en retirer des avantages compétitifs. L’utilisation de l’IA générative par les assureurs IARD se heurte à trois défis :

 

La transparence

Pour garantir le respect des règles d’éthique, il faut pouvoir exposer les mécanismes de décision, et fournir des protections et une capacité d’audit.

Plusieurs questions se posent, auxquelles il faut pouvoir répondre : quelles sont les données ou variables qui ont une influence sur les résultats de l’IA ? Quel modèle utilise-t-on lors de la gestion ? Quel mécanisme permet de protéger les données sensibles ? Quelle sensibilité le modèle a-t-il à des informations non vérifiées ou sujettes à caution ?

 

L’efficacité

L’enjeu d’automatisation et d’insertion de l’IA dans les processus est clé pour que l’IA ne reste pas une innovation « gadget ». Une question fondamentale est d’anticiper les efforts que les utilisateurs auront à fournir : faut-il manipuler plusieurs applications pour couvrir un processus métier de bout en bout ?

Quel développement faut-il réaliser pour ingérer les réponses de l’IA, ou pour l’alimenter en données exploitables ? Enfin, comment contrebalancer le coût de l’IA par des bénéfices tangibles ?

 

La flexibilité

Les outils d’intelligence artificielle sont appelés à évoluer très fréquemment, suivant le rythme de la technologie. Il faut repenser le cycle de vie des applications pour intégrer les plateformes d’IA générative au sein des processus d’assurance, surtout dans un contexte d’interconnexion accrue.

Cela conduit à s’interroger sur les points suivants : quelle est la capacité d’accès aux données (pour entraîner les modèles, pour produire des analyses, etc.) ? Quelles sont les modalités d’interfaçage, et leur résilience en cas de changement d’outils d’IA ? Quelle est la flexibilité des processus, si l’IA permet une adaptation ou une refonte radicale ?

 


Ces questions sont essentielles pour toute DSI qui se projette sur sa vision stratégique : l’assurance dommages de demain ne sera peut-être pas radicalement différente de celle d’aujourd’hui, mais l’informatique permettant de servir assurés et équipes métier, quant à elle, sera sans doute bien différente !

C’est une démarche de transformation permanente qui s’annonce, où innovation technique et innovation métier vont se nourrir réciproquement. Gageons que cela devrait conduire à des réflexions en profondeur sur les écosystèmes informatiques des assureurs IARD, pro-activement pour innover, ou de façon réactive, sous la pression de nouveaux besoins métiers.

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