Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025,
le Sénat a adopté, à l’unanimité, un amendement pour mettre fin aux pratiques
frauduleuses d’arbitrages de dividendes.
Ces opérations,
couramment appelées montages « CumCum », reposent sur des opérations
financières complexes qui permettent à des résidents étrangers titulaires de
titres de sociétés françaises d’échapper à toute imposition lors du versement
des dividendes.
Le Sénat s’était emparé
du sujet dès 2018, en réaction aux révélations de ces pratiques lors de
l’affaire dite des « CumEx Files ». Il avait adopté, dans le cadre du projet de
loi de finances pour 2019 un dispositif anti abus visant à mettre fin à ces
pratiques, finalement vidé de sa substance en cours de navette parlementaire.
Comme le Sénat le craignait, six ans plus tard, force est de constater que ce
dispositif n’a pas permis d’enrayer les « CumCum ». Ces montages continuent de
prospérer, entrainant chaque année plusieurs centaines de millions d’euros de
pertes de recettes fiscales pour la France.
Le rapporteur général
de la commission des finances, Jean-François Husson, a déploré en séance
publique que les
« bénéficiaires de ces dispositifs jouissent d’un sentiment d’impunité, se
pensant protégés par la complexité et l’opacité des montages qu’ils mettent en
œuvre ». Il a toutefois rappelé la volonté maintes fois exprimée par le
Sénat de mettre fin à ces pratiques, en affirmant que « la complexité
n’implique pas l’impunité ».
Face à ce constat,
l’amendement adopté par le Sénat à l’initiative du rapporteur général de la
commission des finances et repris dans les mêmes termes par les groupes
socialiste, communiste et centriste, vient donner aux services fiscaux une base
légale robuste pour lutter contre les « CumCum ». Il précise en effet, comme
d’autres États plus avancés dans la lutte contre la fraude fiscale l’ont fait
avant la France, que la retenue à la source opérée sur le versement du
dividende s’appliquera désormais à son bénéficiaire effectif, afin de faire
échec aux montages en cascade dans lesquels interviennent une multitude de
bénéficiaires de façade et permettant in fine au bénéficiaire réel du dividende
d’éviter l’impôt. Par ailleurs, l’amendement du Sénat englobe dans son
dispositif anti abus l’ensemble des produits dérivés complexes utilisés sur des
marchés réglementés.
Soucieux d’adopter la
législation la plus exhaustive et la plus large possible, au vu des mutations
rapides des techniques de fraude, le Sénat a repoussé très largement le
sous-amendement du Gouvernement dont l’adoption aurait conduit, comme en 2018,
à vider de sa substance la proposition sénatoriale. Résumant la position
défendue par l’ensemble des sénateurs, le rapporteur général a souligné que la
mise en œuvre de la proposition du Gouvernement aurait pour effet « ni plus
ni moins, que de laisser les banques poursuivre leurs pratiques de fraude
fiscale ».
Cet apport majeur du Sénat pourrait bien mettre un terme définitif à la pratique d’arbitrage de dividendes, à condition qu’il soit conservé en commission mixte paritaire.