Dans un contexte où le marché immobilier entrevoit de meilleures perspectives pour 2025, les annonces du gouvernement concernant la hausse des droits de mutation sont perçues comme un mauvais calcul court-termiste qui pourrait gripper la reprise et bien plus encore. Et ce, malgré les précisions apportées dans un second temps par Matignon sur l’exclusion des primo-accédants (qui risque d'être un casse-tête administratif) et des acquéreurs de logements neufs.
En effet, les
conséquences d’une telle mesure semblent sous estimées et surtout pourraient
avoir des effets négatifs sur le marché immobilier et aussi au-delà.
L’immobilier représentant 55% du patrimoine des ménages français, il est
légitime d’y chercher des solutions pour assainir les finances publiques.
Cependant, une autre fiscalité est possible, permettant de ne pas gripper une
reprise qui est déjà fragile.
Une taxe qui pèse sur
la reprise du marché
Pour justifier
l’augmentation des DMTO, l’argument principal tient au fait que, pour une
transaction moyenne de 250 000€, ce +0,5 point supplémentaire renchérit l’achat
de seulement 1250€. Pas de quoi grever le pouvoir d’achat immobilier des
Français. C’est oublier un peu vite qu’ils s’ajoutent au 20 175€ que coûtent
déjà les DMTO aux acquéreurs, pour cette transaction standard. Si bien qu’au
niveau actuel, sur un crédit de 20 ans, un emprunteur passe déjà les 18
premiers mois à ne rembourser que cette taxe.
« En renchérissant
ainsi le coût d'une transaction, ces frais participent tout simplement à rendre
des projets immobiliers, et donc de vie, impossibles. Penser que les augmenter
n’aurait aucune conséquence nous semble une erreur. D’autant que les expériences
passées en France et ailleurs nous le prouvent ! », s’alarme Thomas
Lefebvre, Vice-Président data de SeLoger.
Selon une étude de
Guillaume Bérard et Alain Trannoy, l'augmentation de +0,8% de cette taxe en
2014 a fait baisser les ventes de -6%. Et ce constat ne se résume pas à la
France. Par exemple, au Canada, une augmentation de +1,1% a eu pour effet une
baisse de -15% sur le nombre de transactions. A l’inverse, au Royaume-Uni, la
baisse de -1% des taxes a permis une augmentation de plus de +20% des
transactions.
Un gain incertain pour
les finances publiques
Penser que cette
augmentation de 4,5 à 5% de la part des DMTO destinée aux départements se
traduira mécaniquement par une hausse de +10% des recettes qu’ils en tireront
c’est totalement ignorer l’effet négatif que cette mesure pourrait avoir sur le
nombre de ventes. Certes, il faudrait que les transactions soient 10% moins
nombreuses que ce qu’elles auraient été en l’absence de hausse pour que les
départements soient perdants. En revanche, l’Etat et les communes, qui
perçoivent respectivement 2,37% et 1,2%, perdront des recettes dès la première
vente qui ne se fera pas à cause de cette hausse dont ils ne profitent pas.
Au global, 6% de
transactions immobilière en moins
- ce qui semble crédible aux vu des expériences passées - suffirait à
rendre cette hausse contre-productive du point de vue même des recettes
fiscales.
« Les départements ont sûrement plus intérêt à miser sur le rebond du marché, dont on anticipe qu’il se traduira par +14% de ventes supplémentaires en 2025, par rapport à 2024, et éviter de gripper cette reprise en renchérissant le coût d'acquisition pour les Français », note Thomas Lefebvre.
Une autre fiscalité est
possible
Le Conseil des
Prélèvements Obligatoires (Cour des Comptes) proposait il y a un an une réforme
de la fiscalité du logement basée sur la suppression progressive des DMTO,
compensée par une hausse de la taxe foncière. Une évolution qui serait
souhaitable pour Thomas Lefebvre : « Les collectivités
profiteraient de revenus plus stables et moins dépendants des cycles
immobiliers, et les acheteurs verraient leur contribution au financement des
services de proximité lissée tout au long de leur durée de détention du bien ».
Moins taxer l’immobilier au moment de l’achat c’est également faciliter les mobilités et donc les parcours de vie des actifs. On pourrait donc également espérer d’une telle réforme des effets positifs sur le marché de l’emploi. Cependant, pour être acceptée, elle impliquerait une mise à jour du calcul de la taxe foncière, aujourd’hui bien trop décorrélée de la valeur des biens immobiliers.