Par Clément Chenut, auteur de Génération Circulaire
Alors que les Français
sont sans cesse à la recherche de bonnes affaires, surtout en période de
récession économique, le Black Friday semble fait pour eux. Mais en réalité,
cette époque de l’année est surtout le symbole du dysfonctionnement de notre
société de surconsommation et souligne la nécessité d'un modèle alternatif : le
“White Friday”.
White Friday :
donner une nouvelle vie aux objets inutilisés pour générer de la croissance
Depuis l’ère
industrielle, notre modèle d’économie linéaire dite du “tout jetable” repose
sur le productivisme de chaînes d’approvisionnement mondiales et la réduction
des coûts de production, reléguant tout produit au rang de simple commodité. Ce
système fondé sur l’extraction et la consommation n’est pas sans contrepartie :
les foyers ont aujourd’hui amassé un grand nombre de produits inutilisés. Par
exemple, en moyenne chaque foyer en Europe possède 13 appareils électroniques
non utilisés, au moins 50% des vêtements de nos garde robes ne sont pas
portés, ou encore 59% des Français détiennent des parfums dans leurs placards
qu’ils ne mettent pas. Ces nouveaux gisements, connus sous le concept de “mines
urbaines”, représentent une valeur économique et environnementale significative
encore trop inexploitée.
Il est donc aujourd’hui
temps de remplacer le Black Friday par le White Friday, une période dédiée au
tri et à la création de valeur grâce à l’utilisation de ces objets peu ou pas
utilisés plutôt qu’à l'accumulation de nouveaux. C’est aussi une opportunité
pour les citoyens de faire du bien à leurs portemonnaies et à la planète en
faisant jouer le levier de l’économie circulaire. Comment ? En valorisant les
produits qui dorment dans nos placards en leur donnant une seconde vie :
revente, seconde main, don, recyclage.
Pourquoi “white” et pas
green ou blue… ? Parce que derrière ce concept, l’objectif est d’obtenir une
trêve temporaire à la surconsommation par une approche innovante et plus
raisonnée pour limiter la détérioration de la planète (extraction des
ressources, perte de la biodiversité, pollution, gaspillage…).
White Friday :
plus qu’un symbole, un catalyseur de la chaîne de valeur circulaire
Les dernières études
montrent que plus de la moitié des consommateurs refusent de revoir leurs
habitudes s’ils doivent transiger sur leur confort. Pour que le White Friday
puisse se faire une place, il faut donc penser à la manière dont il pourrait
être mis en pratique. Si l’on regarde le marché français, certaines solutions
existent déjà pour aider à consommer mieux ou à revaloriser les objets
non-utilisés comme : BackMarket, Vinted, Leboncoin, Emmaus…
L’adoption de modèles
comme le White Friday dépend donc plus d’un changement culturel que d’une
évolution technologique. En générant plus de transactions et d’usages pour
chaque objet déjà produits et acheminés sur le territoire, les bénéfices de
cette démarche sont multiples :
1. Pour vous (bien-être,
solidarité, récupération d’espaces)
2. Pour les autres (accès
à des produits à un prix abordable pour des consommateurs qui en auraient
l’utilité)
3. Pour l'économie
(création d'emploi sur les métiers de l'après-vente, du réemploi et de la fin
de vie, pouvoir d'achat et nouvelles sources de revenu)
4. Pour la planète
(préservation des ressources naturelles, réduction de la production de déchets)
Conclusion
Consommer mieux ce
n’est pas consommer moins mais plutôt créer de la valeur en se posant les
bonnes questions : Ai-je utilisé tous les produits que je possède durant les 12
derniers mois ? Ai-je envisagé tous les modèles alternatifs comme la location
ou la seconde main ? D’après le philosophe Hartmut Rosa, cela revient à
confronter l’hyper contrôlabilité du monde (en tant qu’humains, tout nous
appartient) à sa véritable exploitabilité (en tant qu’humains, nous faisons
partie d’un écosystème et nous devons respecter les limites de notre planète).
L’urgence d’un monde plus circulaire invoque la création d’un nouveau modèle de société offrant davantage de services, d’expériences personnalisées et d’écosystèmes vertueux allant à l’encontre des pratiques traditionnelles fondées sur le culte de la propriété. Ainsi, la mise en place de symboles comme le White Friday étaient l'avènement d’un changement culturel plus profond au travers d’une figure nouvelle de l’individu : l’homo circularus.