L’analyse de Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne.
Octobre, mois
damné pour le Livret A et le Livret de Développement Durable et Solidaire
(LLDS).
De 2015 à 2024, le
Livret A a enregistré dix décollectes consécutives en octobre. Depuis 2009,
première année de la base statistique de la Caisse des dépôts, la collecte n’a
été positive en octobre qu’en 2012 (+7,35 milliards d’euros). Cette collecte
exceptionnelle et atypique s’expliquait par le relèvement, au
1er octobre, du
plafond du Livret A de 15 300 à 19 125 euros.
De son côté, le LDDS
n’a connu une collecte positive qu’à deux reprises depuis 2009 : en 2012
(+13,84 milliards d’euros grâce à un relèvement de son plafond de 6 000 à 12
000 euros) et en 2022 (+290 millions d’euros, dans un contexte d’inflation et
d’incertitudes liées à la guerre en Ukraine).
En 2024, pour le Livret
A, la tradition se maintient avec une décollecte de 2,58 milliards d’euros, en
ligne avec la moyenne des mois d’octobre de la dernière décennie (-2,1
milliards d’euros). En 2023, elle avait atteint -3,77 milliards d’euros, un
chiffre élevé lié au relèvement du plafond du Livret d’Épargne Populaire à 10
000 euros.
Le LDDS a également
enregistré, en octobre 2024, une décollecte de 640 millions d’euros, légèrement
supérieure à la moyenne des dix dernières années (-430 millions d’euros).
Atterrissage pour le
Livret A et le LDDS après des années fastes
Depuis le début de
l’année 2024, les collectes du Livret A et du LDDS se normalisent, marquant la
fin d’une période faste liée à une succession de chocs (Covid-19, guerre en
Ukraine, inflation, relèvement du taux de rémunération). L’effet "taux"
ne joue plus, les ménages anticipant même la baisse prévue en février prochain.
En octobre, les
épargnants propriétaires, confrontés à la taxe foncière, ont puisé dans leur
Livret A ou leur LDDS pour s’en acquitter. Par ailleurs, la baisse de
l’inflation s’accompagne d’une légère reprise de la consommation, entraînant un
arbitrage défavorable à l’épargne de court terme.
Le second semestre est
traditionnellement plus favorable aux produits d’épargne de long terme, comme
l’assurance-vie ou le Plan d’Épargne Retraite (PER). Les versements se
concentrent sur les derniers mois de l’année. Le PER bénéficie notamment d’un
effet fiscal attractif, la fin d’année étant synonyme de déductions pour
l’impôt sur le revenu à payer en 2025. La baisse annoncée du taux du Livret A
en février 2025 pourrait également inciter à des arbitrages en faveur des fonds
en euros de l’assurance-vie.
La résilience du Livret
d’Épargne Populaire (LEP)
En octobre, le LEP a
enregistré une collecte positive de 210 millions d’euros, en nette baisse par
rapport à octobre 2023 (+4,7 milliards d’euros, sous l’effet du relèvement de
son plafond à 10 000 euros). Sur les dix premiers mois de 2024, la collecte cumulée
atteint 5,91 milliards d’euros, contre 15,87 milliards sur la même période en
2023.
Le maintien d’une
collecte positive s’explique par l’attractivité du taux de rémunération du LEP
(4%). Les ménages modestes, souvent locataires et moins touchés par la taxe
foncière, continuent de privilégier ce placement dans un contexte économique
incertain.
Le taux du LEP devrait
toutefois baisser au 1er février 2025, pour s’établir autour de 3%.
Le retour des cycles de
l’épargne réglementée
La fin de l’année est
marquée par une augmentation des dépenses des ménages, notamment pour les fêtes
de Noël et les vacances. Le Black Friday, fin novembre, lance la saison des
achats de Noël, poussant souvent les ménages à puiser dans leurs Livrets A pour
financer ces dépenses.
À partir de janvier, le cycle s’inverse. Les primes de fin d’année et les étrennes relancent la collecte, avec un pic habituel en janvier.