La 14e édition du Baromètre Palatine-METI du financement des ETI, à laquelle nous avons pour la première fois intégré une mise en perspective des indicateurs depuis plusieurs trimestres, confirme une dégradation de la situation des ETI qui voient se multiplier les difficultés : à l’échelle internationale d’une part, avec un ralentissement macroéconomique assorti de très fortes incertitudes politiques et géopolitiques, à l’échelle nationale d’autre part, avec une situation politique et budgétaire des plus préoccupantes pour les ETI.
Alors que l’activité est déjà sévèrement affectée, que les perspectives à court
terme sont en berne, le projet de budget pour 2025 et les débats qui
accompagnent son examen au Parlement promettent une augmentation significative du
niveau de prélèvements obligatoires sur les ETI. Si celle-ci venait à être
confirmée, il serait à prévoir des conséquences potentiellement redoutables sur
la capacité des ETI à continuer de créer des emplois, investir dans
l’innovation et dans la transformation, ce qui compromettrait celle du pays à
continuer de cueillir le fruit des mesures de compétitivité initiées ces
dernières années, mais aussi à redresser ses finances publiques.
1. Les principaux
indicateurs d’activité virent au rouge
L’activité affiche une
dynamique franchement baissière : près d’1 ETI sur 2 fait état d’un repli sur
un an (vs 1sur 4 en juin 2024) et anticipe une diminution de son chiffre
d’affaires sur l’ensemble de l’année 2024. Il en va de même pour la situation
sectorielle : plus de 2 ETI 3 estiment que celle-ci s’est dégradée par rapport
à octobre 2023. Une proportion similaire indique un carnet de commandes plus
dégarni qu’il y a un an. Enfin, plus de 6 ETI sur 10 ont subi une dégradation
de leur rentabilité sur la période (vs 44% en juin). Dans ce contexte, les perspectives
ne sont pas réjouissantes : plus de 58% des ETI nourrissent de l’inquiétude
pour la fin de l’année et près de 3/4 des ETI font de même pour le T1 2025.
N.B.
Ces indicateurs
amplifient une trajectoire de dégradation qui s’est installée dès 2022 en
raison de de la pression inflationniste, avant de s’accentuer sous l’effet de la très
forte incertitude générée par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin
2024. Ainsi :
- depuis décembre 2022, la part des ETI dont
le chiffre d’affaires a diminué sur un an a augmenté de +166%
- depuis septembre
2023,
la part des ETI dont la rentabilité s’est dégradée sur un an a augmenté de
+137%.
2. La situation
financière reste fragilisée mais se stabilise sur un trimestre
La trésorerie des ETI
demeure sur une tendance plutôt baissière : plus de 4 ETI sur 10 sont en effet
concernées par une dégradation sur un an. Le recours aux lignes de crédit court
terme est globalement stable. Il en va de même pour l’endettement et les difficultés
de remboursement : 1/4 des ETI en rencontrent ou redoutent d’en rencontrer
prochainement. En revanche, l’impact de ces difficultés sur le respect des
covenants bancaires s’accroît et concerne désormais près d’1 ETI sur 3 (vs.
22,6% en juin). Le même constat s’impose pour les ratios financiers, qui
entravent l’accès au financement de près d’1 ETI sur 2 (vs. 1 sur 3 en juin).
3. Les coûts de
production pèsent toujours sur les perspectives de croissance Les principaux postes
de coûts ayant subi la dynamique inflationniste depuis plus de deux ans tendent
à se stabiliser mais exercent toujours une pression importante sur l’activité :
c’est le cas pour 84% des ETI. Elles sont encore plus nombreuses (95%) à faire
mention d’un impact sur leur rentabilité. Également, elles sont désormais 71% à
estimer que cela affecte leurs projets d’investissements (vs. 65% en juin).
Dans le même temps, les difficultés de recrutement se situent toujours à un
niveau très élevé : plus de 9 ETI sur 10 se disent concernées, la contrainte se
desserrant à peine depuis juin (98%). Ces difficultés s’accompagnent de la
pression exercée par la hausse de la masse salariale, pointée du doigt par 97%
des ETI. Pour faire face à ces multiples contraintes, les ETI sont de plus en
plus nombreuses à réduire les charges d’exploitation (76,4% vs. 71,7%).
4. Les projets
d’investissements s’effritent mais témoignent d’une volonté de « tenir bon »
Les ETI sont désormais
moins de 2/3 à avoir initié ou penser initier au moins un projet de croissance
organique en 2024 (vs. 3/4 en juin). Le recours aux ressources propres, pour
les financer, est en légère perte de vitesse. Les enveloppes ainsi que les créations
d’emplois associées restent à peu près semblables à celles du trimestre
précédent. S’agissant de la croissance externe, elles sont désormais moins d’1
sur 2 à avoir initié au moins un projet cette année, ou à envisager de le faire
d’ici la fin d’année. Là aussi, le recours à l’endettement pour financer la
croissance externe est moins massif que dans les précédentes éditions du
Baromètre. Les enveloppes allouées sont comparables à celles affichées en juin
mais le nombre de créations d’emplois est pour sa part en repli. Sur deux ans,
le repli est d’autant plus net puisque les volumes d’investissements ont
diminué de 83%, selon les données de Trendeo. Enfin, il est à noter que les ETI
ne sont désormais plus qu’1/3 à envisager une recomposition capitalistique dans
les deux ou trois ans (vs. plus d’1/2 en juin).
Analyse de Nathalie
Bulckaert-Grégoire, directrice générale adjointe de la Banque Palatine : Les entreprises de
taille intermédiaire constituent le cœur battant de notre tissu économique.
Elles traversent des difficultés conjoncturelles dans un environnement en
pleine mutation. Selon les dernières données, près de 50 % d'entre elles
constatent un recul de leur chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente,
tout en anticipant une stabilisation pour 2024. Ce constat ouvre la voie à une
opportunité de reconfiguration stratégique potentiellement bénéfique.
D’un point de vue
financier, la trésorerie des ETI ressent une certaine pression, mais on observe
une stabilisation par rapport aux trimestres précédents. Cela témoigne d’une
gestion proactive et d’une capacité d’adaptation qui sont, faut-il le rappeler,
des marqueurs intrinsèques de ces entreprises. L’inflation, quant à elle,
impacte les coûts de production, mais elle incite également les ETI à explorer
de nouvelles pistes d’optimisation. Ce défi, loin d’être insurmontable, peut
devenir un véritable levier d’innovation durable.
Face à ces enjeux, les
ETI montrent une volonté de « tenir bon ». En somme, elles s'engagent dans une
phase d’adaptation où les défis ouvrent de nouvelles perspectives. Plus que
jamais, les ETI devront faire preuve de résilience et d'innovation, les qualités
souvent reconnues aux ETI françaises. Celles-ci sont des atouts cruciaux pour
naviguer dans ce paysage économique à la fois dynamique et turbulent. Il est donc
essentiel de continuer à accompagner ces acteurs, qui, malgré le contexte,
continuent de jouer un rôle fondamental dans la croissance de notre économie.
Analyse de Frédéric Coirier, PDG du groupe Poujoulat et co-président du METI : Les craintes que nous formulions à l'issue du précédent Baromètre se sont hélas concrétisées : l’activité des ETI est sévèrement ébranlée à l’issue du troisième trimestre de l’année et les principaux indicateurs dessinent des perspectives particulièrement préoccupantes pour la fin 2024 comme pour le début 2025. Si cette dégradation s’explique principalement sous l’effet cumulé d’éléments conjoncturels défavorables (ralentissement économique mondial, tensions géopolitiques, incertitudes politiques et budgétaires en France), il est à redouter que la teneur des débats actuels, si elle devait présager des arbitrages budgétaires finaux, ne fasse qu’aggraver, et durablement, la situation des ETI et donc leur capacité à investir, à créer des emplois, à se transformer et à gagner des parts de marché. Ce qui serait catastrophique pour le pays, y compris pour l’impératif de redressement des finances publiques. C’est pourquoi il est crucial et, à l’aune de ces résultats, urgent, de prendre résolument le parti de l’activité dans notre pays afin libérer le fabuleux potentiel des ETI. Leurs projets de croissance organique et externe prouvent en effet une fois de plus que, alors que les éléments adverses se multiplient, les ETI continuent de croire en l’avenir. Donnons-leur raison en prenant les bonnes décisions !