Choisir où
implanter une multinationale est une décision stratégique cruciale. Une étude
impliquant Helen-Shanqing DU, enseignante-chercheuse de NEOMA Business School,
met en avant un compromis entre l’envie de co-localiser les activités d’une
même entreprise et celle de s’approcher de clusters industriels. Elle montre
comment la connectivité internationale des grandes villes influence les
stratégies.
Dans notre paysage
mondialisé, la localisation des entreprises internationales constitue une
véritable décision stratégique qui peut impacter leur compétitivité.
L’implantation géographique détermine les coûts de production, l’attractivité
des talents ou encore, les risques naturels et sociopolitiques. Jusqu’à
présent, les multinationales préfèrent disperser leurs activités pour
bénéficier de divers avantages locaux. Mais cela augmente leurs coûts de
coordination. Elles doivent donc trouver un équilibre entre le fait de
regrouper leurs activités pour des avantages internes et celui de s'installer
dans des clusters industriels pour profiter d’avantages externes.
L’étude menée par la
chercheuse de NEOMA et ses co-auteurs s’est attachée à comprendre les décisions
de localisation des différentes activités de la chaîne de valeur des
multinationales. Comment celles-ci jonglent-elles entre les avantages internes
et externes apportés par leur géolocalisation ? Comment la connectivité
internationale de leur ville d’implantation influence-t-elle leur stratégie ?
Agglomération interne
vs externe
Les chercheurs se sont
intéressés à deux stratégies : l’agglomération interne et l’agglomération
externe. Dans le premier cas, la multinationale regroupe plusieurs de ses
activités au même endroit. Cela peut la rendre plus vulnérable, par exemple en
cas d’interruption dans sa chaîne d'approvisionnement. Toutefois, cette
approche renforce la communication et les flux de connaissances au sein de ses
différents maillons. De plus, la diversité des activités regroupées et les
coûts partagés permettent d’attirer, de retenir ou de réorienter plus
facilement les travailleurs. Les frais liés au transport d’intrants sont par
ailleurs réduits.
L’agglomération externe
vise quant à elle à localiser certaines activités dans des clusters
industriels.
Cela facilite l’accès à des fournisseurs spécialisés et à de la
main d’œuvre qualifiée. Ce rapprochement engendre également des échanges avec
des entreprises du même secteur qui font face aux mêmes problématiques. Pour
les multinationales, cette stratégie peut néanmoins augmenter le risque de
perdre des talents dans un cadre concurrentiel accru.
Au final, l’étude
montre que ces deux stratégies s’opposent. En d’autres termes, il n’est pas
intéressant pour une société de regrouper toutes ses activités près d’un
cluster industriel. Auquel cas le transfert de connaissances internes est
confronté à un risque plus élevé de diffusion non désirée vers des entreprises
rivales.
Redistribution des
cartes dans les villes mondiales
L'attraction des
multinationales vers certains lieux dépend aussi de leur connectivité
internationale. L’étude s’est concentrée uniquement sur les investissements de
sociétés dans des villes mondiales.
Ces dernières sont de véritables pôles de
commandement économique à l’image de Paris, New York ou Singapour.
L’étude montre que
l’intégration de ces villes dans un réseau international réduit fortement
l’importance de la proximité physique recherchée dans les deux stratégies
susmentionnées. En effet, la connectivité mondiale facilite les flux de
personnes, de connaissances et de services à travers le monde entier. Les
grandes villes s’apparentent aujourd’hui à des clusters industriels
géographiquement très étendus. Les multinationales n’ont donc plus vraiment
besoin de se trouver à côté d'autres entreprises ou de regrouper toutes leurs
activités pour bénéficier des avantages des grandes agglomérations.
L’importance du secteur
d’activité
Les chercheurs notent
que les effets de la connectivité des villes mondiales diffèrent selon le type
d’activités menées par les multinationales. Pour les sièges sociaux et les
activités de service comme la vente et le markéting, où les échanges sont principalement
immatériels, la connectivité joue un rôle essentiel. Elle réduit les coûts
associés à la coordination à distance et facilite les interactions avec des
partenaires externes ou des unités internes éloignées. Les entreprises peuvent
notamment opter pour des interactions temporaires, telles que des visites
d'affaire, plutôt que de dépendre d'une agglomération interne plus coûteuse.
En revanche, la
connectivité joue un rôle moins prépondérant dans les activités de production,
comme la R&D et la fabrication. Le transfert de connaissances et de
matières premières sur de longues distances est coûteux. Il nécessite aussi des
échanges plus approfondis et intensifs. La proximité physique reste donc ici
privilégiée.
Cette étude apporte de nouvelles pistes aux entreprises qui réfléchissent à la meilleure manière de minimiser leurs coûts, de maximiser leurs profits et leur compétitivité, en travaillant sur la répartition géographique de leurs activités.