La construction
immobilière a subi ces dernières années de profondes transformations,
accentuées par les modifications structurelles en cours (remontée brutale des
taux, augmentation des coûts des travaux, enjeux climatiques, évolutions de la
société et de ses usages…). C’est dans ce contexte que Les Promoteurs du Grand
Paris, réseau regroupant 6 promoteurs immobiliers indépendants franciliens, ont
décidé de mener une réflexion sur les métiers de la construction de la ville de
demain. Il s’agit pour eux, au travers d’un comité Prospective, d’étudier les
changements du métier de promoteur et des rôles afférents aux acteurs de la
fabrique de la ville, afin de les anticiper dans leurs pratiques quotidiennes.
« Les promoteurs sont prêts à se transformer, à faire évoluer leurs métiers, leurs pratiques, et à proposer des prestations nouvelles. Notre réflexion vise à nous inscrire pleinement dans ces évolutions et à les anticiper pour être des acteurs de la construction de la ville de demain », souligne Philippe Jarlot, président des Promoteurs du Grand Paris.
Penser la ville dans sa
globalité et l’aborder dans une démarche partenariale
Si le manque de foncier
pèse depuis plusieurs années sur les promoteurs immobiliers, l’un des freins
essentiels à la production de logements neufs est la faible tolérance des
habitants à la construction neuve. Un dernier obstacle reste celui du financement,
pour les Collectivités, des équipements publics induits par la production de
logements, d’autant plus accentué par la fin de la taxe d’habitation.
Avec la réduction des
dotations de l’État, l’émergence de projets urbains complets prend de
l'ampleur. Réalisés en collaboration avec les élus et en concertation avec les
riverains, ils intègrent des logements, mais aussi des services, des
équipements et des espaces publics. Cela permet de partager le coût entre les
acteurs publics, souvent plusieurs collectivités impliquées, et les acteurs
privés, tels que les promoteurs et les opérateurs.
Une première expérience
de ce type d’intervention est en cours de réalisation à Voisins-le-Bretonneux
(Yvelines).
Résidence Vicinia –
Écoquartier « Le Parc du Lac »
© MDH / Paris Ouest
Promotion / Pierre Etoile
La Municipalité et la
Communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines ont souhaité créer un
projet urbain, l’écoquartier « le Parc du Lac », comprenant plus de 500
logements, 1 700 m² de commerces de proximité ainsi que des équipements
sportifs (un parcours BMX, un centre aquatique) et publics, comme une crèche et
un centre paroissial. Le groupement des Promoteurs du Grand Paris a réalisé au
total 265 logements en accession libre, répartis dans 5 résidences, au sein de
cette opération d’envergure.
Dans ce cadre, les
dispositifs urbains tels que les Orientations d’Aménagement et de Programmation
doivent permettre aux promoteurs de mieux comprendre les besoins et les
ressources des territoires afin d’imaginer de nouvelles démarches collectives
visant à y répondre. Ce processus d’élaboration des futurs programmes se
généralisera et amènera à acquérir de nouvelles compétences.
De plus, pour mener ce
type d’opérations, une régulation du prix du foncier devient primordiale. En
effet, son coût, aujourd’hui trop élevé, contribue à créer des projets et des
logements qui ne conviennent pas aux réels besoins de la population. Une piste
serait que le promoteur sollicite l’accompagnement de la Collectivité au cours
de la négociation pour parvenir à un juste prix du foncier et ainsi rendre
abordable le prix de vente du logement. Par ailleurs, les Collectivités, très
souvent propriétaires de leur foncier, ont le pouvoir d’agir sur le prix à ce
titre. Depuis la réglementation sur le Zéro Artificialisation Nette (ZAN), les
opportunités de développement futur des villes sont plus encore qu’auparavant
sur les friches, les entrées de villes, les parcs d’activités ou centres
commerciaux, les bâtiments de centre-ville à restructurer ou reconvertir.
Anticipation et
innovation
Outre l’anticipation
des besoins futurs, les promoteurs doivent plus que jamais miser sur les
innovations techniques et technologiques. L’industrie immobilière n’a pas
encore fait sa mue (faible productivité, R&D quasi nulle, service à faible
valeur ajoutée…) dans un contexte pourtant de changement climatique et de
troisième révolution industrielle. Mais des initiatives voient le jour autour
des matériaux (béton bas carbone, bois, terre crue…) ou des économies d’énergie
(capteurs solaires en façade, panneaux solaires, géothermie, végétalisation).
Les Promoteurs du Grand Paris s’investissent de plus en plus dans cette
démarche, l’un des membres s’est déjà engagé à atteindre dans ses opérations un
objectif de 30% de bois et de matériaux biosourcés d’origine française, et à
utiliser impérativement du bois issu de forêts gérées durablement. De même,
certaines opérations du groupement sont labellisées Passivhaus. Enfin le
groupement est adhérent de l’association Filière Hors Site France.
« Il est aujourd’hui nécessaire de s’inscrire dans les changements en cours et futurs, et, plutôt que de les subir, d’avoir une démarche proactive et progressive dans une économie réelle de projet. Cela concerne par exemple tout d’abord la maîtrise de la RE2020 niveau 2025 avant d’atteindre par anticipation les niveaux 2028 et 2031 de la RE2020, qui vont constituer une rupture dans la manière de construire. De même, nos entreprises doivent accentuer leur démarche RSE, qui deviendra un critère déterminant côté banques pour financer nos opérations dans le futur », prédit Philippe Jarlot.
Changer le métier de
promoteur
L’ensemble de ces
réflexions doivent amener les promoteurs à faire évoluer leur métier et leur
approche. Si aujourd’hui le recyclage urbain est déjà un axe de développement
pour nombre d’entre eux, ils pourraient également se positionner sur certaines
niches telles que les centres de santé, la logistique, le coworking ou le
coliving qui prennent une place de plus en plus prégnante dans la société.
Les Promoteurs du Grand
Paris ont déjà amorcé la tendance en opérant des transformations d’actifs
usagés par exemple à Argenteuil (transformation de locaux industriels en parc
d’activités et hôtel), Cormeilles-en-Parisis (transformation d’une clinique en
logements), Gentilly (transformation d’une tour de bureaux en résidence
étudiante) et à Saint-Ouen (transformation d’un bâtiment industriel en
co-working).
Résidence Vicinia – Écoquartier « Le Parc du Lac »
© MDH / Paris
Ouest Promotion / Pierre Etoile
De même, le
vieillissement de la population n’est actuellement pas suffisamment anticipé
par les Municipalités. Pourtant, la France comptera deux fois plus de personnes
de 85 ans en 2035 qu’aujourd’hui. Les promoteurs immobiliers doivent donc
accompagner les Villes dans l’accueil et l’habitat des seniors. Il appartient
aux promoteurs d’imaginer de nouveaux modes d’habitat adaptés à la population
vieillissante. Les Promoteurs du Grand Paris ont développé la société
Adéqualog, qui permet de maintenir une population âgée à domicile dans un
certain nombre de lots d’une copropriété classique, en offrant un service de
conciergerie mutualisée.
Enfin, les promoteurs
devront à présent accompagner leurs clients au-delà de l’achat d’un logement,
par exemple en proposant une offre servicielle permettant de les suivre dans la
durée. Cette orientation sera renforcée par le fait qu’une partie de la production
sera réalisée à partir de la transformation de bâtiments existants, et
exploitée après la livraison, nécessitant une capacité financière plus forte
(notamment de fonds propres immobilisés sur un temps long 25%/30% versus 10/15%
auparavant). Ce qui les incitera à devenir des promoteurs - investisseurs -
exploitants à travers des partenariats stratégiques publics et privés ou en
développant une structure mixte permettant de louer (foncière) ou d’acheter
(promoteur) les logements construits.
L’ensemble de ces réflexions doivent amener les promoteurs à faire évoluer leur métier et leur modèle économique.