Les usages numériques ont un très
fort impact sur l’environnement. Lors du dernier salon Produrable, des experts
du sujet ont expliqué les enjeux et exposé trois axes immédiats d’amélioration
pour les entreprises, au cours d’un atelier animé par Yveline Pouillot, chargée
de la RSO au sein de Walter France.
Lorsque les nouvelles
technologies ont commencé à se développer, il était courant de penser que les
impacts sur l’environnement pourraient être réduits. Force est de constater que
c’est tout l’inverse qui se produit.
> Des chiffres
vertigineux
Quelques chiffres significatifs illustrent parfaitement l’ampleur du problème. Chaque Français possède en moyenne huit équipements numériques. 588 kilos de matières doivent être extraites pour fabriquer un seul PC. Chaque année dans le monde, 400 millions de smartphones et 35 millions de PC sont jetés. La consommation de videos représente plus de 80% de la bande passante mondiale. En France, seulement 44% des déchets électriques et électroniques sont collectés alors que ce sont des déchets classés comme dangereux. Et 70% des équipements en fin de vie ne sont pas recyclés.
> Des entreprises encore trop passives et mal informées
Pour Eric
Solomampionona, associé Walter France, les entreprises sont très insuffisamment
engagées dans une politique du numérique responsable. Elles sont encore trop
nombreuses, par exemple, à ignorer qu’entre l’équipement des utilisateurs, le
stockage des données et les réseaux, ce sont les équipements des utilisateurs
(PC, téléphones, etc.) qui ont le plus d’impact négatif puisqu’ils représentent
60 à 70% de l’empreinte carbone du système d’information.
Il faut également
savoir que selon le secteur d’activité de l’entreprise, les nouvelles
technologies peuvent représenter entre 1% (pour certaines usines, contrairement
aux idées reçues) et 50% (pour les sociétés de services par exemple) de leur
impact global.
> Etablir des
business plans environnementaux en complément des business plans financiers
Beaucoup d’entreprises
ont créé un poste de Directeur Numérique Responsable et ont défini un plan
d’actions. Peu d’entre elles ont vraiment réduit l’empreinte des SI en
conséquence.
Par exemple, quand un
nouveau projet est envisagé, les dirigeants et les services financiers
établissent un business plan uniquement financier. Laurence Jumeaux,
vice-présidente de Capgemini Invent, responsable de l’offre mondiale «
numérique responsable », explique comment les entreprises peuvent évoluer :
« Je tente de convaincre mes clients d’établir, parallèlement, un business
plan environnemental, en réfléchissant en quoi telle ou telle solution va
augmenter ou réduire leur impact environnemental. »
Certes, mais ce sont
des calculs complexes, qui nécessitent des compétences et du temps… ce qui
freine les bonnes intentions. Sans parler du changement de paradigme que cela
implique en termes de gestion des priorités et de prises de décision.
> Une démarche de
réduction de l'impact en 4 étapes
Pour réduire l’impact
environnemental de leurs nouvelles technologies, les entreprises peuvent agir à
quatre niveaux : l’organisation de l’entreprise – le matériel – les
utilisateurs – les serveurs. Elles auront tout intérêt, lorsqu’elles établiront
leur plan d’action, à prioriser les actions faciles à mettre en œuvre pour
embarquer les équipes dans les démarches et obtenir des premiers résultats.
1/ L’organisation du
travail
L’entreprise devra
réfléchir à la digitalisation des processus de travail et au télétravail. Par
exemple, comment optimiser la gestion et le flux des données ? Comment limiter
le stockage dans les boîtes mails ? Comment optimiser le partage et le stockage
des données avec les clients ? Il est recommandé d’indiquer un délai de mise à
disposition de ces données, et de planifier leur suppression, au bout de deux
ans par exemple.
Il est également très
important d’intégrer l’éco-conception dans les critères d’achat du matériel ou
des solutions logicielles.
2/ Le matériel
Rappelons que les PC et
les téléphones représentent 60 à 70 % de l’empreinte environnementale des
entreprises. Des automatismes aussi simples qu’éteindre son ordinateur
lorsqu’il n’est pas utilisé ne devraient plus être un sujet.
Le plus important :
s’organiser pour augmenter la durée de vie du matériel. Cela commence lors de
l’achat, en prêtant une attention toute particulière à l’indice de
réparabilité, sachant qu’actuellement c’est le score de 7 (sur 10) qui est
considéré comme le minimum à avoir. Certains fournisseurs de matériel
informatique sont plus en avance que d’autres, mais plus chers.
Malheureusement, force est de constater que, si les entreprises mettent bien
des critères de durabilité dans leurs appels d’offre, au final, elles se
décident souvent pour la proposition la moins chère… Acheter du matériel
reconditionné doit également être privilégié quand cela est possible.
Ensuite, les
entreprises devront mettre en œuvre des moyens de réparation, en anticipant le
choix des réparateurs, les équipes internes ou les prestataires externes
capables de réparer, etc. Quand on sait que garder son ordinateur cinq ans au
lieu de quatre ans permet de baisser l’empreinte environnementale de 25%, on
comprend mieux l’importance vitale (pour la planète) de tout mettre en œuvre
pour faire durer le plus possible tous les matériels.
Enfin, quand le
matériel arrive en fin de vie, il s’agira d’organiser son recyclage, par le don
à des associations, ou à des entreprises spécialisées.
3/ L’usage et les
utilisateurs
Les entreprises doivent
inciter les utilisateurs à changer de culture et à adapter leur matériel aux
véritables usages qu’ils en font. Par exemple, les portables devront
progressivement remplacer les PC fixes, beaucoup plus polluants.
Elles devront également
étudier précisément quels sont les véritables besoins des différents
utilisateurs. Par exemple, un monteur vidéo devra évidemment disposer d’un
matériel performant. En revanche, pour une personne n’utilisant que des
logiciels bureautiques de base, un bureau virtuel suffira : tout est dans le
cloud, l’équipement physique pourra être minimal donc moins rapidement
obsolète, et moins coûteux en terme environnemental.
La mutualisation du
matériel doit également être étudiée, entre les équipes internes, mais
également avec les sous-traitants, qui pourront, dans certains cas, utiliser
leur propre matériel plutôt que de mobiliser un matériel de l’entreprise.
En ce qui concerne les
téléphones, il est inutile de disposer de deux téléphones, un téléphone
personnel, et un téléphone professionnel, alors que, par exemple,
l’installation de deux cartes SIM règle le problème. L’économie d’un téléphone,
multipliée par le nombre de salariés concernés, permettra de réduire
sensiblement l’impact global de l’entreprise. Il est également possible de
proposer aux salariés de n’avoir qu’un seul téléphone, mais offert par
l’entreprise.
Quand les exigences de
sécurité le permettent, les salariés peuvent aussi avoir un seul ordinateur,
professionnel et personnel.
Enfin, d’autres
réflexes doivent être instaurés : par exemple, l’utilisation de la Wifi sera
toujours plus vertueuse que la connexion via la 4 ou la 5G.
4/ Les serveurs
En comparaison à son
propre serveur, le cloud permettra de réduire l’empreinte environnementale de
l’entreprise. En effet, les hébergeurs savent comment faire en sorte que les
bâtiments soient le moins polluants possible. En revanche, attention à l’endroit
où sont implantés les serveurs ; en Allemagne, le mix énergétique n’est pas
bon, celui de la France est bien meilleur ! Et les data centers doivent être le
plus près possible des utilisateurs.
Pour sélectionner son
hébergeur, une entreprise devra se renseigner sur le seul critère intéressant,
le PUE (Power Usage Effectiveness), un ratio qui évalue le rendement d’un
datacenter entre l’énergie totale qu’il utilise par rapport aux équipements informatiques
dont il est pourvu. C’est un indicateur d’efficacité énergétique. La moyenne se
situe à 1,8 alors qu’un provider qui gère bien ses datacenters se situera entre
1 et 1,2. Les équipes informatiques pourront s’appuyer sur le « GreenOps » (Ops
pour Operations), qui propose aux entreprises une méthodologie et des
indicateurs pour réduire leur empreinte carbone due à leur consommation en
cloud computing.
> Les PME doivent
établir leur plan d'actions
Compte tenu de la
croissance exponentielle de l’utilisation des données, toutes les entreprises
sont concernées. Les moyens mis en œuvre par les grandes entreprises sont
parfois considérables, mais les PME peuvent, à leur mesure, initier un plan
d’actions. Pour s’orienter, le guide le plus complet est celui de l’AFNOR qui
propose plus de 200 actions via des fiches pratiques.
Les économies réalisées
peuvent être une source de motivations : si l’on ne prend en compte que le
critère des matériels, allonger leur durée de vie de trois à six ans évite
d’importants coûts d’achat.
Attention en revanche à
l’effet rebond : les efforts de réduction d’impact environnemental des
nouvelles technologies ne doivent pas être annihilés par l’augmentation de
l’utilisation…
Yveline Pouillot conclut : « La mise en place
d’une stratégie du numérique responsable est très liée à la maturité
personnelle du ou des dirigeants. Il faut s’appuyer sur des personnes
convaincues pour diffuser les bonnes pratiques et entraîner les équipes. »
_________________________________
Les bonnes pratiques
incontournables
- Diminuer le nombre de
matériels : adapter les achats aux vrais besoins en travaillant sur les profils
des utilisateurs
- Allonger le cycle de
vie
- Acheter des matériels
certifiés (label EPEAT Gold et TCO Certified)
- Recycler le matériel
et privilégier l’achat de matériel reconditionné
- Mutualiser les
équipements professionnels et personnels
- Interroger
l’écoconception des composants logiciels dans les critères d’achat
- Utiliser des outils
de suivi de la performance du parc informatique
- Favoriser
l’utilisation de bureaux virtuels pour certains utilisateurs
- Accompagner les
utilisateurs dans la démarche d’éco-responsabilité
- Diminuer la qualité
des photos et des vidéos, ne pas faire circuler trop de données, par exemple
sur le cloud, éviter les pièce jointes lourdes dans les messages
- Rationaliser les impressions.