Par Yoann Gautier-Fouquet, Directeur Business Unit
Automotive de Bontaz
Alors que l’Union
européenne a récemment annoncé pendant l’été vouloir instaurer une taxation à
l’encontre des véhicules électriques chinois, la question de l’innovation -
régie par la course contre la montre engagée à horizon 2025 - se fait de plus
en plus pesante. Une pression accrue se porte sur les acteurs européens afin
qu’ils accélèrent encore leurs cycles d'innovation et de développement. Si les
constructeurs automobiles sont en alerte, leurs partenaires que sont les
équipementiers automobiles n’échappent pas à cette injonction de performance.
Dans une logique
exigeante mais nécessaire de résultats, on peut se demander quels sont les
moyens qui s’offrent à l’industrie pour faire front, alors que les concurrents
chinois ont développé une productivité inégalée qui fait certes recette mais
qu’il est impensable de dupliquer en Europe, sans remettre en question un
modèle social voire de société (capacités de main d’œuvre et d’investissement
en tête).
De nos jours, la
conception d’un produit en série s’établit plutôt autour de 6 à 12 mois. Et
l’enjeu est encore d’accélérer alors que nous en sommes pourtant à trouver un
équilibre. Rappelons qu’il y a encore 3 ans, la norme était plutôt autour de 24
à 36 mois ! La question du timing est cruciale même si elle ne doit pas nous
aveugler.
Comment alors rester
compétitif et embrasser un modèle de développement viable et crédible
d’innovation ?
En réalité, nous devons
d’abord nous attacher à réviser collectivement nos process métiers et
paradoxalement arrêter de nous concentrer sur l’innovation produit, qui a déjà
eu lieu.
Car ce n’est qu’au prix d’une réduction des temps de développement (permise par
une révision des process !) que s’opérera une accélération, porteuse de
compétitivité.
La gestion de projet
s’articule autour d’un triptyque bien connu : qualité, coût, délai.
Naturellement quand un des volets est dégradé, c’est l’équilibre de l’ensemble
qui souffre. Dans cette optique, si les délais de développement sont
raccourcis, ce sont les coûts qui vont fortement être impactés. Et aujourd’hui
encore le déclenchement d’investissements est très largement conditionné par
des levées de risques. Ne serait-il pas souhaitable d’échelonner ces
investissements de manière progressive, proportionnellement à la baisse des
risques, de sorte à accroître notre capacité d’investissement dès les prémices
des projets ? Cela permettrait de gagner en flexibilité.
Deux pistes s’offrent à
nous pour repenser notre modèle :
- D’abord, dans une industrie
établie depuis plus d’un siècle qui a perdu en capacité de réflexion absorbée
par le « faire », réinterroger des process devenus obsolètes et rechallenger le
sens de nos métiers est une nécessité. Dans les méthodes de management de projet,
il est possible de s'éloigner des modèles très itératifs et linéaires pour
adopter des modèles plus agiles. Pour ce faire, c’est toute la chaîne de
valeurs qui doit être associée pour que l’ensemble de la profession se
transforme. À commencer par les clients qui sont les donneurs d’ordre et qui
nous demandent logiquement d’honorer leurs contraintes de temps et de
production. Sans oublier les sous-traitants, pierre angulaire de la qualité
opérationnelle du service rendu.
Miser sur la
technologie seule ne suffira pas à nous sortir de cette passe, c’est un
changement de paradigme qu’il nous faut adopter pour inventer une nouvelle
méthodologie tant dans la gestion de projet que dans notre mode de coopération.
- Ensuite, en France notre
relation au business est historiquement très ancrée gagnant/perdant sur un mode
plutôt conflictuel. Pour le dire simplement, le client doit avoir la sensation
qu’il a « gagné » face à un fournisseur qui doit, lui, se mettre en position d’infériorité.
Au contraire, dans les pays anglo-saxons, l’assurance et l’aplomb du
fournisseur sont valorisés. Ils sont des signaux forts et rassurants pour le
client qui sait pouvoir compter sur un partenaire robuste, sur un mode plus
coopératif.
La clé se trouve dans
des relations pacifiées et respectueuses, où chacun doit pouvoir gagner à son
échelle.
La concurrence n’en cessera pas moins d’exister, certes. Toutefois, former un
ensemble d’acteurs cohérent face à l’Asie grâce à des dynamiques de business
renouvelées ne pourra être que bénéfique pour nous offrir un avantage
concurrentiel de taille. C’est non seulement ce en quoi nous croyons chez
Bontaz mais ce que nous défendons en tant qu’ETI familiale. Nos valeurs de
proximité, d’humain, d’audace et d’excellence guident, à cet effet, notre
vision en nous servant de ligne de conduite.
L’industrie automobile
se structure autour d’un écosystème qui doit se mettre simultanément en
mouvement. Notre rôle en tant qu’équipementier n’est pas de déplorer une
situation réglementaire sur laquelle nous n’avons aucune prise mais de proposer
des solutions pour y répondre dans un contexte de crise inédit.
Nous devons, en tant qu’équipementier, apporter de la sérénité dans le business en étant des facilitateurs et en étant certain de notre valeur et de nos capacités collectives à relever le défi d’un modèle de production plus efficace.