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L’encadrement des loyers : l’avant-dernière décision avant le blocage complet

 

Par Pierre Alberola, Omnium Finance

La crise du logement en France ne résulte pas de l’appauvrissement des ménages ou d’un phénomène conjoncturel. Ses véritables causes sont les barrières légales au bon fonctionnement du marché qui découragent la construction de nouveaux appartements pour répondre à la demande accrue des dernières années.

L’annonce, par le Ministre du Logement, d’un encadrement des loyers à la relocation comme au renouvellement du bail, arrive donc au pire moment pour compléter un arsenal règlementaire, déjà particulièrement dissuasif et aggraver une situation préoccupante. En voulant bien faire, le nouveau gouvernement va provoquer une crise qui aggravera encore la pénurie sur une bonne partie du territoire.

La parution du décret dès le 1er aout et l’annonce d’un dispositif bien plus complet en 2013 va dissuader les investisseurs potentiels de prendre le risque d’acquérir un logement en vue de le louer. Sans incitation fiscale, et avec une rentabilité locative inférieure à un cout du crédit pourtant bas, le placement pierre, déjà cerné par tant de taxes et de réglementations, attirera de moins en moins les investisseurs soucieux de compléter leur retraite. 

La chute de la commercialisation des logements neufs locatifs entrainera, par voie de conséquence, celle de la production. Ce sont les secteurs de la construction, de la commercialisation, de la gestion et du crédit qui en pâtiront, avec les conséquences prévisibles sur l’emploi de dizaines d’entreprises. Déjà, les mises en chantier de nouveaux logements ont chuté de 20 % au dernier trimestre, la commercialisation de logements neufs a baissé de 25 %, le nombre de permis de construire s’enfonce dans le rouge. La non-reconduction de la loi Scellier, qui a pourtant permis de loger plus de 230 000 foyers en 4 ans, ne semble pas, pour l’instant, faire la place à un nouveau système d’incitation.

Paradoxalement, cette chute de l’offre pénalisera les ménages les plus modestes, car elle maintiendra la classe moyenne dans des logements qu’elle libérerait normalement au profit de nouvelles constructions. Ce sera obligatoirement l’une des conséquences de la réglementation, déjà constatée dans le logement social, que de maintenir sur place des résidents, dont la condition économique s’améliore.

C’est ainsi que l’on verra des foyers, dont le niveau de vie aura augmenté, préférer rester dans leur logement loué à loyer régulé et choisir d’économiser pour s’acheter une résidence secondaire, pendant que des jeunes couples devront se contenter d’appartements trop petits ou même continuer à vivre dans leur famille.

L’encadrement des loyers provoquera aussi la création d’un marché noir de la sous-location. Le nombre des appartements occupés illégalement par des sous-locataires augmentera rapidement, et on observera avec étonnement, des occupants qui mettront le nom de l’occupant légal sous la sonnette d’entrée et recevront leur courrier dans une boite postale, tout en évitant d’avoir leurs coordonnées dans l’annuaire. Des sous-locataires qui, pour le coup, ne bénéficieront d’aucune protection, même en plein hiver.

De plus, en fixant les locataires dans les logements anciens, c’est toute la mobilité professionnelle qui s’essoufflera. En effet, pourquoi saisir l’opportunité d’un emploi mieux payé que l’indemnité de Pôle Emploi, mais exigeant un déménagement, pour se retrouver locataire d’un logement neuf dont le loyer est plus élevé ?

Depuis le début de l’année 2012, les loyers du secteur privé ont baissé dans 52 % des villes de + 60 000 habitants. Dans les autres, ils ont légèrement augmenté (en moyenne de 1 %). Depuis 2006, contrairement à des idées fausses, les loyers n’ont progressé en moyenne que de 1,5 % par an, moins que l’inflation annuelle (1,8 %) et selon l’Insee, moins que le revenu des ménages (3 % par an sur la même période).

Non seulement le décret annoncé va stopper net ce mouvement naturel, mais il va de plus se révéler inutile. En effet, en contraignant les propriétaires de biens anciens à régler l’augmentation du loyer sur l’IRL (Indice de Référence des Loyers), il semble ignorer que l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages est nettement inférieure à l’augmentation du coût de la vie, il ne jouera donc pas le rôle protecteur attendu.

Le décret s’applique à 4 % des communes françaises, rassemblant 24 500 000 habitants, soit 38 % de la population. Il prétend cerner les zones tendues, il n’en est rien. Il rassemble simplement la totalité des agglomérations de plus de 400 000 habitants et un certain nombre de communes de 50 000 à 400 000 habitants qui ne partagent ni un même niveau de vacance ni une évolution démographique identique, ni surtout un rythme de construction comparable, c’est à n’y rien comprendre.

Selon le projet, les travaux d’un montant au moins égal à la moitié de la dernière année de loyer ne permettront qu’une hausse de loyer de 15 % du cout des travaux. Bloqué par ce seuil trop faible, le propriétaire sera empêché d’engager des travaux importants visant à rendre décent un logement devenu vétuste.

6,7 millions de propriétaires louent aujourd’hui un logement à autant de foyers. Ce parc privé locatif pèse pour 25 % du parc français total des résidences principales. Les taux d’inoccupation que nous connaissons aujourd’hui, 6,5 % en moyenne, soit près de 2 millions de logements vides (hors résidence secondaire bien sûr), prouvent à quel point la réticence des propriétaires ne fait que s’accroître.

Entre le 1er aout, date d’application du décret et l’annonce de la future loi-cadre de 2013 des milliers d’entre eux rejoindront les 2 millions de biens déjà retirés du marché.

Il ne restera plus alors au gouvernement qu’à franchir l’ultime étape sur la voie de la règlementation étatique : surtaxer les propriétaires de logement vide pour les contraindre à louer.

 

Que le lecteur ne lève pas les yeux au ciel, le cadre législatif existe déjà depuis qu’un décret a été pris en décembre 1998 par le gouvernement de Lionel Jospin et mis en application dès 1999 !

Perçue par l’ANAH, la TLV (Taxe sur les Logements Vacants) s’applique aujourd’hui à un peu plus de 700 communes regroupées dans 8 grandes zones d’urbanisation. Il suffira donc au gouvernement d’en élargir les conditions d’éligibilité et de l’appliquer aux 43 agglomérations déjà visées pour prétendre apporter une solution aux 500 000 Français dans l’attente d’un logement ou permettre à l’état de percevoir un nouvel impôt.

Le blocage sera alors complet.

Dans ce contexte de crise, si le gouvernement est prêt à faire confiance aux acteurs du marché, il y a un autre chemin à prendre pour inciter les Français les plus aisés à venir au secours des ménages les moins fortunés. Plutôt que de construire de nouveaux logements subventionnés ou de réglementer les loyers du parc privé, il serait mieux inspiré de créer toutes les conditions d’une forte croissance du parc locatif libre en augmentant le soutien financier direct à ces ménages afin qu’ils puissent se loger par eux-mêmes sur le marché privé, en accordant des prêts sans intérêt aux investisseurs pour compenser la différence entre le coût de location d’un appartement et son cout réel de construction, en exonérant de taxe foncière le logement acheté pour être loué, en permettant aux nouveaux bailleurs de déduire la totalité de leurs revenus fonciers de leur revenu imposable et en les autorisant à revendre leur bien avant même la fin du remboursement de leur crédit, sans payer d’impôts sur la plus-value réalisée.

En prenant ce type de décisions qui toutes concourront à développer l’offre, le gouvernement ira au-delà de son objectif de régulation, sans restreindre le champ des libertés : les loyers baisseront, mais surtout des centaines de milliers de Français supplémentaires pourront enfin se loger.

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