L’analyse de Pierre Evrard, directeur associé de Synergiec.
Principale aide à la
rénovation énergétique, MaPrimeRénov est au cœur de toutes les attentions et
attentes dans le contexte d’élaboration du projet de loi de finances marqué par
la nécessité de rigueur budgétaire.
Mais alors que
MaPrimeRénov monopolise l’attention, il est impératif de ne pas négliger
l’avenir d’un autre dispositif clé de la rénovation énergétique : les
certificats d’économie d’énergie (CEE).
Malgré des résultats incontestables et une aura confirmée par un récent
rapport de l’Inspection générale des finances, ce dispositif se retrouve
aujourd’hui sous le feu des critiques. En effet, deux rapports, l’un du Conseil
d’analyse économique publié cet été et l’autre de la Cour des comptes, le
fustigent, appelant à sa suppression ou, a minima, à une réforme d’ampleur.
Les CEE, un dispositif
simple et efficace !
Les CEE se distinguent
par leur universalité. Contrairement à d’autres aides, ce dispositif est très
facile d’accès pour les bénéficiaires mais c’est également et surtout le seul
qui s’applique à l’ensemble des maîtres d’ouvrage (secteur public et privé,
professionnels et particuliers), sans condition de ressources. Un avantage
essentiel et crucial dans le contexte actuel où la transition énergétique doit
être accélérée.
A l’heure où l’ensemble
du secteur de la réhabilitation a besoin de lisibilité dans le temps, c’est
finalement le dispositif national le plus stable en place car il est encadré
par une directive européenne jusqu’en 2030 et, de fait, non remis en question à
chaque session budgétaire.
Dans les faits, entre
2006 et 2021, les CEE ont permis de réaliser des économies d’énergie
considérables : 3 336,3 TWhCumac, avec un objectif de 3 100 TWhCumac pour la
période 2022-2025.
Quand on sait que 100 TWhCumac correspondent à la consommation énergétique résidentielle d’un million de Français pendant 15 ans, l’efficacité du dispositif est évidente : les 3 336,3 TWhCumac économisés depuis le lancement du dispositif correspondent ainsi à la consommation de 33,363 millions de Français pendant 15 ans, soit 48,79% de la population française.
Comment expliquer alors
que l’on puisse envisager de se priver d'un tel outil ?
Un modèle pourtant
envié par nos voisins européens
Le paradoxe est
d’autant plus troublant que certains de nos voisins européens ont adopté ce
dispositif stricto sensu. L’Espagne a notamment fait un « copier-coller » du
dispositif français. Ce qui explique d’ailleurs que certains délégataires CEE
français soient maintenant présents sur la péninsule Ibérique, preuve que ce
modèle français fait école au-delà de nos frontières.
Alors que la France
s’interroge sur la pertinence de conserver les CEE et envisage leur suppression
radicale ou une refonte, d’autres pays européens continuent donc d’y voir une
solution efficace pour répondre aux défis climatiques.
Un dispositif à
améliorer, pas à supprimer
Après de très
nombreuses années d’exercice (depuis 2005 !), il est indéniable qu'il doit
encore évoluer pour répondre aux défis actuels. Mais il doit être amélioré et
non supprimé. C’est d’ailleurs ce que semblent suggérer le ministre de
l’Économie mais aussi un récent appel à programmes de la Direction générale de
l’énergie et du climat. Ce qu'il faut, c'est une réforme ambitieuse,
constructive, qui renforce l’efficacité du dispositif tout en préservant ses
fondements.
Synergiec, acteur
majeur du secteur, préconise :
1/ Un contrôle renforcé
pour fermer définitivement la porte à l’éco délinquance,
2/ Un parcours simplifié
pour le client final ainsi que pour toute la filière, gage préalable à toute
ambition climatique,
3/ Une validation des
économies d’énergie et de CO2 réalisées et financées par les aides publiques,
4/ Une réduction du délai
entre la fin des travaux et le dépôt des CEE associés. Le but est d’avoir plus
de visibilité sur la production de CEE et le pilotage du dispositif pour éviter
des chutes de valorisation assez fréquentes,
5/ Une possibilité de
pouvoir recourir à ce dispositif pour tout type d’opération. Aujourd’hui, si le
dispositif s’adresse à tous les maîtres d’ouvrage, il est en revanche
impossible d’y recourir pour rénover en transformant un bâtiment tertiaire en
logement malgré l’urgence,
6/ Une annulation de
l’intégration des CEE dans MaPrimeRénov « rénovation d’ampleur ». Cette
décision a en effet déstabilisé un secteur entier en le détournant du
résidentiel individuel pourtant si prioritaire. La gestion par l’État des CEE
générés par ces travaux détruit en effet tout modèle économique viable pour les
acteurs privés.
À l’heure où l’urgence
climatique impose des actions fortes et concertées, il serait contreproductif
de démanteler un dispositif aussi vertueux et pérenne que les CEE. La
transition énergétique n’a pas besoin de plus de complications, elle a besoin
d’outils clairs, stables et accessibles à tous. Les CEE ont prouvé leur
efficacité et leur adaptabilité. Ils doivent être préservés et améliorés, non
supprimés. Ne faisons pas de l'urgence climatique une victime de débats
budgétaires court-termistes. Le temps est à l’action, pas à la régression.
Pour mémoire sur les
CEE : le “Certificat blanc” Made in France
Pour mémoire, initié
par le Protocole de Kyoto en 2005, le dispositif des « certificats blancs » a
été instauré à l’échelle de l’Union Européenne à travers la Directive
Européenne sur l’Efficacité Energétique afin d’encourager les économies
d’énergie face à l’urgence climatique. En France, le dispositif a été mis en
place dès 2005, à travers la loi de Programmation fixant les Orientations de la
Politique Énergétique (Loi POPE du 13 juillet 2005).
En France, le
dispositif des CEE repose sur une obligation de réalisation d’économies
d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux vendeurs d’énergie appelés les
"obligés" (électricité, gaz, GPL, chaleur et froid, fioul domestique
et carburants automobiles). Ceux-ci sont ainsi incités à promouvoir activement
l’efficacité énergétique auprès des consommateurs d’énergie. Ils prouvent leurs
actions à travers ces certificats remis par les pouvoirs publics en
contrepartie de la réalisation de travaux d’économie d’énergie.
Dès que nous réalisons des travaux d’économie d’énergie (isolation, système de chauffage performant, double vitrage), nous allons économiser des kilowattheures pendant toute la durée de vie des matériaux et matériels installés. Pour chaque type de travaux, une « fiche CEE » indique les économies cumulées dans le temps en tenant compte de l’évolution (actualisation) du niveau de performance des matériaux et matériels dans le temps : soit des kilowattheures « Cumac » contraction de cumulé et actualisé.