Quand les employeurs ont recours aux heures
supplémentaires, en cas de litige, ils doivent faire preuve d’une extrême
vigilance, pour respecter la loi et, au-delà, être en capacité d’apporter des
preuves.
Estelle Trichet,
co-responsable du groupe de travail Social de Walter France, tire ici les leçons
d’une récente jurisprudence.
Les dispositions
légales donnent la possibilité d’adapter le rythme de travail aux besoins des
entreprises. C’est le cas des heures supplémentaires. Mais attention au respect
des obligations en matière de suivi de la charge de travail et aux bonnes pratiques
à mettre en œuvre pour limiter le risque financier en cas de contentieux
judiciaire.
Pour rappel, les heures
supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée légale du
travail, soit au-delà de 35 heures par semaine, ou en cas d’aménagement du
temps de travail, au-delà de la durée afférente à la période de référence (1 607
heures annuelles par exemple).
1/ Attention à la
demande tacite de l’employeur
Les heures
supplémentaires sont effectuées à la demande (écrite ou orale) de l’employeur.
Mais la demande de l’employeur peut parfois être implicite :
- lorsque l’employeur a tacitement admis la
réalisation des heures supplémentaires ;
- lorsque les heures supplémentaires sont le
résultat de la quantité du travail ou de la nature du travail demandé au
salarié.
Obligation et
précaution de l’employeur
- Lorsque les salariés
occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire
collectif, l’employeur est tenu d’établir les documents nécessaires au décompte
de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective,
pour chacun des salariés concernés. Si le décompte des heures de travail
accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement
automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
- Dans l’hypothèse où
les heures supplémentaires n’ont pas été expressément demandées par
l’employeur, ce dernier doit soit prouver qu’il a refusé l’accomplissement de
ces heures, soit que ces heures supplémentaires n’étaient pas indispensables à
la réalisation des tâches confiées.
En cas de litige
relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur
fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement
réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments
et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa
conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures
d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces
dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de
travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa
demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il
prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le
contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre de manière pertinente
en produisant ses propres éléments.
2/ Un tableau pourtant
non détaillé a suffi pour donner raison au salarié
Dans une récente
affaire, un salarié licencié a demandé le paiement d’heures supplémentaires.
Dans un premier temps,
la Cour d’appel a débouté le salarié, au motif que celui-ci produisait un
tableau correspondant à une addition des heures supplémentaires qu'il
prétendait avoir effectuées hebdomadairement, durant trois ans, sans décompte
quotidien, et sans aucune amplitude horaire de ses journées ou même de ses
semaines. Selon la Cour, le salarié ne produisait pas d'éléments suffisamment
précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies afin
de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail
effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Toujours
selon elle, la liasse de mails produite ne pouvait pallier cette insuffisance.
Mais dans un deuxième
temps, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel et a donné
raison au salarié. Selon la Cour de cassation, le salarié présentait des
éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre ; elle
estime que la Cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul
salarié, n’a pas respecté la loi.
La simple fourniture
d’un tableau sans détail et d’une liasse d’e-mails est donc un commencement de
preuves suffisant pour la Cour de cassation.
Selon Estelle Trichet : « L’employeur doit veiller à prendre toutes les dispositions lui permettant d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail. Ce sera pour lui le seul moyen de se défendre ! »