2e volet du Baromètre Fondation MMA des
Entrepreneurs du Futur & Bpifrance Le Lab « Forme et état d’esprit des
dirigeants de TPE, PME et ETI » - 10e édition
Les dirigeants de TPE
PME face au cancer : comment la maladie longue devient une épreuve partagée par
toute l’entreprise
Alors que débute
Octobre Rose, mois de mobilisation nationale contre le cancer du sein, la
Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur et le Lab de Bpifrance dévoilent les
enseignements d’une enquête menée auprès de dirigeants de TPE PME confrontés à
la maladie longue et en particulier au cancer. Un cycle d’entretiens qui permet
de mieux comprendre l’impact de la maladie sur le quotidien professionnel des
dirigeants, sur leur entreprise et sur leurs collaborateurs.
Comment mener de front
le parcours de soins et le quotidien de dirigeant ? Comment cette équation
–
parfois impossible à résoudre – se répercute sur le dirigeant et son activité ?
Comment l’entreprise parvient-elle à s’adapter ? Quelle place pour la prévoyance
et la prévention ? Autant de questions auxquelles différents femmes et hommes
chefs d’entreprise qui ont dû faire face à la maladie, ont accepté de répondre.
Repères - Les
dirigeants face à la maladie longue : chiffres du 1er volet du Baromètre
- 4% des 1500
dirigeants interrogés sont ou ont été touchés par une maladie longue
- 87% des dirigeants
malades ont choisi d’en parler à leur environnement professionnel
- 19% ont même choisi
de communiquer publiquement sur leur état de santé
- 44% ont craint pour
l’avenir de leur entreprise
- 21% ont constaté une
baisse de leur chiffre d’affaires pendant qu’ils étaient malades
- 84% ont choisi de
conserver leur fonction de dirigeant même après la maladie
Capacité de travail et
temps disponible diminués : la maladie stoppe la trajectoire du dirigeant
Démarches
administratives, transmission des dossiers, réorganisation de l’activité : les
dirigeants confrontés à la maladie témoignent des nombreuses contraintes qui
viennent immédiatement peser sur leur quotidien. Et s’il n’est pas rare que le
cancer ne laisse plus de place à l’activité professionnelle, pour certains,
l’arrêt n’est pas une option.
« Je passe des heures au téléphone pour
comprendre ce que l’on attend de moi »
« Là, il faut que
je trouve quelqu’un pour travailler avec moi et que je le forme’
‘Avec l’opération et la
chimiothérapie, il n’y avait pas le choix, il fallait changer tous les plannings »
« Je n’avais pas
le choix, si j’arrêtais de travailler il n’y aurait plus rien pour mes enfants.
Donc j’ai continué. Les médecins m’ont chargée de médicaments comme un cheval
de course, et je ne sais pas comment mais on a réussi. »
Le dirigeant reste la
ressource clé de l’entreprise. Lorsqu’il est diminué, la vie de l’entreprise
s’adapte, mais avec ses limites
Le dirigeant, d’autant
plus lorsqu’il est fondateur, est une ressource clé de l’entreprise. Les
décisions les plus stratégiques lui restent dévolues, le plus haut niveau
d’expertise technique (ou l’identité créative ou artistique de l’entreprise)
repose parfois entièrement sur ses épaules. L’intégration de nouvelles
personnes pour l’aider n’est pas toujours simple.
« Les clients, ils
viennent aussi pour ma patte. Là, heureusement, j'ai ma sœur qui a un style un
peu comme moi, et qui a pu m'aider, mais sinon, je ne sais pas comment j'aurais
fait. »
(une/un graphiste)
« J’ai essayé de
m'associer, avec une amie. A un moment je ne me reconnaissais plus dans ma
boutique. C'est devenu très difficile et on a dû arrêter. A la sortie j'étais
plus épuisée qu'avant. »
Le cancer du chef
d’entreprise devient une épreuve partagée par le dirigeant et toute son équipe.
Il peut parfois aboutir à une remise à plat de l’organisation du travail au
sein de l’entreprise
Selon l'impact de la
maladie, et en fonction de l'aide qu'ils vont pouvoir trouver, les
dirigeant(e)s sont généralement amenés à réorganiser l'activité… ou de la
laisser se réorganiser. Les adaptations se font au cas par cas, parfois
durables et parfois strictement ponctuelles (remplacement). Cependant, cette
épreuve peut aboutir à une remise en question structurelle des process en
interne.
« Le chef d’entreprise,
il est seul. Je pensais avoir une entreprise très autonome avec un management
très décentralisé. Mais sur des éléments plus stratégiques qui appellent des
décisions difficiles, je n’ai eu aucun soutien. »
« Mon associé a pris
des tournées les lendemains de chimio, mais il ne pouvait pas tout prendre ».
« [Suite à ma maladie],
on a décidé de proposer un collectif d'agence pour pouvoir travailler d'une
manière plus fluide, moins stressante. On partage même un chargé de
communication. Et quand il y en
a un qui est malade, en vacances ou quoi que ce
soit, on peut récupérer le projet et le travail ».
« On ne rentre pas dans
les cases ! » le casse-tête administratif des dirigeants pour trouver des aides
En parallèle du
parcours de soin et alors que l’état de santé physique et mentale se trouve
dégradé, les démarches administratives pour maintenir l’entreprise et les
revenus se révèlent particulièrement lourdes pour les dirigeants.
« Vous passez un temps
infini à essayer de comprendre ce qu’on veut de vous, à poser des questions,
se
documenter, refaire des dossiers, des photocopies »
« Tout le monde me donnait des réponses toutes prêtes qui ne correspondait pas à mon cas.
Sur
certains dossiers, ça ne fonctionnait pas parce que j’étais en création, ou à
cause de nos revenus,
ou autre chose»
« Avec Cap Emploi, ça
avance, mais la pauvre elle est débordée, là ça fait un mois et demi qu’elle me
dit je vous rappelle en fin de semaine pour qu’on se voie. »
La prévoyance reste un
sujet impensé alors que la prévention n’est pas alignée avec les réalités du
quotidien d’entrepreneur, en particulier pour les femmes
La prévoyance n’est pas
un enjeu prioritaire pour les décideurs qui évoquent : l’absence de sensibilisation auprès des
créateurs d’entreprises, le coût des solutions prévoyance, la défiance envers
les assureurs et une règlementation jugée peu avantageuse.
« Mais de toute façon,
on n’est sensibilisés à rien, on peut ouvrir une entreprise en 5 min, mais on
n’est pas formés. »
« Au début, quand vous
vous battez pour faire rentrer les sous, qu’il y aussi un crédit, le reste,
vous y réfléchissez à deux fois avant d’y mettre 100 euros tous les mois. »
D’autant que la
prévention a ses limites. Maintenir une hygiène de vie exemplaire n’est pas
toujours compatible avec le quotidien de dirigeant. Et la situation peut
d’autant plus se compliquer pour les femmes, avec une ‘intersection’ de
stéréotypes qui peuvent conduire parfois à un retard de diagnostic.
« Le surmenage, les
excès alimentaires et alcools qui peuvent être la réaction face au stress et à
la surcharge de travail… ça fait un combo pas très sympathique. Ce qui fait que
l'idée même de prévention n'est pas vraiment accessible. Parce que j'avais trop
de pression. »
« J’ai toujours été
très active, j'étais très sportive, je continuais de tout mener de front, de me
maquiller, de maintenir l’apparence, et peut-être à cause de ça, on ne me
prenait pas au sérieux. Pendant 2 ans et demi, on m’a dit que c’était
psychosomatique, que j’avais une dépression, alors que j’avais un cancer ORL. »
Sylvie Bonello,
Déléguée générale de la Fondation MMA Entrepreneurs du Futur, rappelle :
« Depuis 10 ans, la
Fondation des Entrepreneurs du Futur interroge les femmes et les hommes
dirigeants d’entreprises sur leur perception de leur état de santé et comment
ils s’approprient la gestion de leur santé. Cette étude nous permet année après
année de lever le voile sur de vrais tabous sociétaux. Après le risque de
burnout, l’équilibre de la vie perso & pro, le renoncement au soin et même
à la parentalité, nous voulons comprendre comment ces femmes et ces hommes font
face lorsque la maladie comme le cancer vient les frapper. Ce cycle
d’entretiens nous livre un témoignage bouleversant sur les réalités, les
difficultés rencontrées par les dirigeants qui restent indéfectiblement
attachés à leur entreprise et leur équipe. »
Élise Tissier, Directrice du Lab de Bpifrance, poursuit : « En ce mois d'Octobre Rose, qui sensibilise au cancer du sein chez les femmes, on peut souligner que les femmes entrepreneures atteintes d'une maladie grave ont accepté de témoigner plus facilement que leurs homologues masculins. Preuve que les tabous sont inégalement levés. »