Réalisée par l’IEIF en partenariat avec l’IFPIMM
Depuis 2019, l’IEIF
mène une étude annuelle sur le marché du financement de l’immobilier des
professionnels en France, à l’instar des études déjà existantes sur les marchés
anglais et allemand.
En 6 éditions, cette
étude unique est devenue une référence permettant d’analyser la place centrale
que représente le marché du financement des acteurs professionnels de
l’immobilier dans un secteur très capitalistique.
→ Elle en décrit les
différentes caractéristiques, distinguant les financements d’actifs,
destinés aux investisseurs professionnels, les financements des corporates du
secteur immobilier et le financement de la promotion immobilière sur le
territoire.
→ Elle synthétise les
anticipations des contributeurs sur les évolutions de ce marché, aussi bien en
termes conjoncturels (volumes, niveaux des taux, caractéristiques des
opérations financées…) que structurels (impacts de la réglementation, prise en
compte de la dimension environnementale des projets…).
→ Le panel mis à
contribution regroupe aussi bien des BFI (Banques de Financements et
d’Investissements), que des banquiers de réseau et des prêteurs dits «
alternatifs » au travers des fonds de dettes et des assureurs.
Un marché du financement de l’immobilier des professionnels de 200 milliards d'euros
A fin 2023, le stock
d’encours du périmètre de l’étude représente un total de crédits aux
professionnels de l’immobilier de 111,4 milliards d’euros (74 milliards d’euros
pour les financements d’actifs et corporates et 37 milliards d’euros pour ceux
de la promotion).
« Suite aux discussions poussées que nous avons avec la place, nous estimons que le marché du financement de l’immobilier des professionnels représente un total d’encours de l’ordre de 200 milliards d’euros, c’est dire le poids de ce marché ! », note Denis Moscovici, Senior Advisor IEIF.
La production du panel
interrogé par l’IEIF représente quant à elle 28,7 milliards d’euros de
production (16 milliards d’euros pour les financements d’actifs et corporates
et 13 milliards d’euros pour la promotion immobilière).
A périmètre constant,
c’est-à-dire, en excluant les nouveaux contributeurs afin de ne pas avoir
d’effet de périmètre, la production de financements est en recul pour la
seconde année consécutive. Après avoir baissé de -13% entre 2021 et 2022, la
production de crédits recule de -12% entre 2022 et 2023.
Ce repli relatif du
marché du financement notamment en comparaison avec le marché de
l’investissement, divisé par deux entre 2022 et 2023, s’explique par la force
de l’activité de refinancement de plus en plus prégnante chez les prêteurs.
En 2023, le
refinancement a ainsi représenté en moyenne 46% de leur activité (contre 26% en
2022).
Des classes d’actifs impactées : Zoom sur le bureau et la promotion résidentielle. Sans surprise, le regard par classe d’actifs permet de mettre en avant que ce sont les bureaux qui souffrent le plus du contexte. Le recul des bureaux est-il inexorable ?
Le désaveu des
investisseurs pour une classe d’actifs sur laquelle ils sont historiquement le
plus exposés et dont les actifs les moins centraux subissent une décote
significative explique ce constat. Cela marque une vraie dichotomie sur ce
marché entre les bureaux non prime, essentiellement en périphérie de Paris et
les bureaux prime, localisés dans le centre de Paris, dans quelques communes de
l’ouest parisien et dans les grandes métropoles dynamiques.
→ Pour les bureaux non
prime,
on constate des taux de vacance élevés et des reports d’un marché à l’autre
avec des conditions de financement et de refinancement peu favorables quand ces
actifs arrivent à se faire financer.
La Défense demeure un grand marché qui absorbe, grâce à sa desserte, à la qualité de ses immeubles et aux avantages accordés pour les nouveaux preneurs, pour autant le taux de vacance y reste très élevé et il faudra des années pour le résorber, cela sans doute au détriment des marchés de la boucle Nord qui interrogent sur leur devenir. Pour ces crédits, portant sur des immeubles de périphérie, les difficultés pourraient se présenter au moment des mises en location ou des relocations de surfaces vacantes, des tests sur les ratios de covenant ou bien à l'arrivée à la date de maturité. L'exercice de refinancement risque alors de s'en trouver perturbé.
→ Pour les bureaux
prime,
l’attractivité reste soutenue grâce à un ajustement des taux de rendement.
Pour ces actifs, les conditions de financement et de refinancement sont plus
ouvertes, les prêteurs se disputant parfois les dossiers les plus sécurisés.
De son côté, la crise
du secteur de la promotion résidentielle est loin d’être terminée et le creux
de la vague n’est probablement pas atteint. L’accumulation des difficultés pour
le secteur année après année a fait chuter le marché à des niveaux inférieurs à
ceux connus durant la très grave crise des années 1990 de la production et de
la commercialisation de logements neufs en France. Les opérations admissibles
au financement par les banquiers du secteur ont fait l’objet de revues
complètes et seules celles pré commercialisées auprès des acheteurs en bloc,
c’est-à-dire pour l’essentiel les grands acteurs du logement social et
intermédiaire sur le territoire, sont financées et accompagnées dans le temps.
« Alors que nous
commencions à entrevoir des scénarios de sortie de crise à mi-2024 à horizon
mi-2025, aussi bien sur le cycle de l’inflation et des taux que sur celui des
valeurs d’actifs, la situation géopolitique et politique nationale a plongé les
acteurs dans la perplexité et l’attentisme, repoussant les espoirs de reprise
plutôt à fin 2025 ou début 2026 », explique Christopher Puyraimond, Analyste
au sein du Pôle fonds immobiliers de l’IEIF.
L’ESG, critère clé des
dossiers éligibles au financement
Convaincu de la prise
de conscience des prêteurs de l’importance de l’ESG dans leur activité sur les
dernières années, le marché est rentré dans une phase dite d’« implémentation
». La montée des défis pour accompagner la transition climatique, mais également
et surtout les pressions réglementaires qui s’accumulent en France et en
Europe, poussent les prêteurs à développer leurs compétences et à investir dans
des outils pour intégrer l’ESG dans leurs conditions d’octroi de crédits.
Ce constat sur la prise
de conscience des prêteurs se traduit dans l’étude IEIF par une meilleure
qualification de leur activité vis-à-vis de l’ESG. Il ressort des indicateurs
de l’étude que les prêteurs favorisent les grilles de scoring interne et les pôles
dédiés dans leurs effectifs. Sur le plan des informations collectées dans le
cadre des financements, les DPE, labels et certifications environnementales
sont les plus demandés par les prêteurs.
« Le grand défi,
aux côtés du développement des compétences des équipes, consiste désormais à
intégrer ces critères extra-financiers dans les systèmes d’informations des
prêteurs, au même titre que les critères financiers le sont afin d’intégrer
pleinement le processus des financements et pas uniquement à l’octroi », analyse Denis
Moscovici.
L’attitude des pouvoirs
publics et des autorités de régulation sur cette thématique sera essentielle
pour que les efforts payent sur la durée.
Prospectives 2024 …et au-delà
Les prêteurs financent
moins de nouvelles opérations, accompagnent leurs clients dans la durée et se
préoccupent de la gestion de leurs encours.
L’IEIF anticipe une
stabilité des encours prêtés dans la durée, à horizon de 2 ou 3 ans, et une
nouvelle baisse de la production en 2024 pour la 3ème année consécutive.
Comme cela a déjà été
évoqué, dès 2023 les refinancements des opérations de financement d’actifs avec
bris de covenants ou arrivées à maturité constituent le gros du travail des
prêteurs.
Les financements de
nouvelles opérations d’acquisitions et de promotion sont moins nombreux dans un
contexte de moindre dynamisme de ces marchés, alors même que les refinancements
et restructurations de crédits en portefeuille sont rendus nécessaires du fait
de la nouvelle donne sur les taux d’intérêt et les valeurs depuis le démarrage
de la crise de l’inflation et la remontée des taux d’intérêt.
« En 2024, suite à
nos échanges avec les contributeurs, nous estimons que la part des
refinancements devrait être comprise entre 50 et 80%. Ces projections
concordent avec l’estimation que nous avons des dettes qui arriveront à
échéance en 2024, 2025 et 2026. Si elles constituent des volumes conséquents,
elles sont tout à fait absorbables par les prêteurs dans la durée. Pour autant,
tant que les opérations ne sont pas cédées ou sorties des bilans des banques,
elles continueront de peser sur leurs encours avec un montant qui atteindra
11,2 milliards d’euros pour les crédits arrivant à maturité en 2026, soit 15%
des encours de financement d’actifs et de corporates », poursuit
Christopher Puyraimond.
Les caractéristiques
des crédits nouveaux ou refinancés demeurent celles d’un marché extrêmement
sécurisé tandis que l’on constate que les marges ont globalement augmenté
pendant la période de hausse des taux d’intérêts afin de maintenir la
rentabilité des encours.
L’étude pointe
également la situation paradoxale des grands fonds de dettes en Europe qui, en
toute logique, devraient profiter d’une période où les banques sont contraintes
par des réglementations plus fortes en Europe (Comités de Bâle) et d’un grand
besoin de refinancement.
Or, on constate plutôt, déjà en 2023 et sans doute encore plus en 2024, un recul de ces acteurs qui ont du mal à lever des fonds nouveaux pour leurs activités auprès des institutionnels européens. Il faut espérer que d’ici 2 à 3 ans, ces acteurs puissent retrouver des capacités nouvelles.