À compter de février 2025, les alliances maritimes subiront une réorganisation, en grande partie due à l'annonce de la coopération Gemini, un partenariat stratégique entre Maersk et Hapag-Lloyd, respectivement classés deuxième et quatrième sur le marché mondial du transport maritime conteneurisé.
Si Premier Alliance
(ONE, HMM, Yang Ming) et MSC continueront de desservir en direct les ports
français, ce n’est pas le cas de Gemini qui proposera uniquement des services
shuttle à destination et au départ du Havre et de Marseille-Fos, alimentant des
ports principaux ou hubs situés sur le Range Nord ou la Méditerranée.
Ces choix affaiblissent
l’attractivité des ports français. La connectivité maritime constitue en effet
un levier commercial essentiel, offrant des liaisons rapides et sécurisées. En
supprimant ces liaisons, on augmente le risque de défaillances dans la correspondance
entre les navires feeder ou shuttles et les navires-mères (mother vessel), tout
en allongeant les temps de transit (durée d'un voyage maritime).
Les ports français,
perdants dans l’organisation des services de la coopération Gemini
En Europe du Nord, la
coopération Gemini profite principalement aux ports britanniques et allemands.
Les quatre services Asie-Europe du Nord desserviront les ports de Felixstowe,
Rotterdam, Bremerhaven, Wilhelmshaven, ainsi que Tanger et Algésiras.
Des services de
navette/shuttle assureront les connexions avec Anvers, Le Havre, Gdansk,
Göteborg et Aarhus. Ainsi, deux services shuttle relieront le Havre à Tanger,
Algesiras, Anvers et Rotterdam toutes les semaines.
En Méditerranée, les
ports de Barcelone, Tanger Med et Algésiras bénéficieront d'une connectivité
accrue, tandis que celle du port de Fos sera réduite. Désormais, Fos ne sera
plus desservi que par un service hebdomadaire de navette (E7), reliant le port aux
navires-mères à Barcelone, Tanger Med et Algésiras. De plus, Marseille-Fos sera
exclu des lignes principales reliant la Méditerranée à l'Amérique du Nord.
Une situation stable
pour Premier Alliance et MSC
Contrairement à Gemini,
Premier Alliance et MSC maintiennent leurs services directs vers la France.
En ce qui concerne
l’Asie-Nord Europe, 4 escales (FP1, FE4, FE5 et FE6) sont prévues au Havre sur
les 6 services proposés. Ainsi, la configuration prochaine double le nombre
d’escales au Havre pour MSC. Cela générera des volumes croissants en
transbordement, qui devront être distingués des flux traditionnels. Le
transbordement concerne en effet des flux qui n’alimentent pas l’hinterland,
puisqu’il s’agit d’un transfert de marchandises entre deux navires maritimes.
Sur les quatre lignes
Asie - Méditerranée de Premier Alliance, deux services (MS2/Lynx et MD4/Dragon)
toucheront Fos chaque semaine. Les capacités déployées sur ce port resteront
globalement les mêmes, avec des navires transportant entre 12 000 et 15 000
EVP.
Vers une perte de
compétitivité ?
Malgré l'augmentation
des escales pour MSC au Havre et à Marseille-Fos, la stratégie de Gemini, axée
sur le modèle hub and spoke, affaiblit la connectivité directe des ports
français. Cela constitue une menace pour leur compétitivité. Les chargeurs,
particulièrement attentifs l'offre d'escales, considèrent déjà cet aspect comme
un enjeu majeur pour les ports français, comme le montre le baromètre AUTF
2024.
La connectivité est
mesurée par le Liner Shipping Connectivity Index (LSCI) produit par l’UNCTAD,
qui prend notamment en compte :
• Le nombre de connexions directes, pour lesquelles un
transbordement n’est pas nécessaire, ce qui en fait la connexion la plus rapide
et la moins risquée ;
• Le nombre d’escales hebdomadaires : plus il y a de départs
navires d’un port, moins le temps d’attente est important pour le chargeur ;
• Le nombre de compagnies de lignes régulières
fournissant des services : plus les chargeurs ont le choix, moins ils sont
confrontés aux impacts négatifs des marchés oligopolistiques et monopolistiques
(ex : prix élevés et qualité de service dégradée).
La France se distingue
déjà par un indice de connectivité plus faible (264 points début 2024) que ses
principaux concurrents, tels que l’Allemagne (305 points), l’Espagne (403
points), l’Italie (282) ou la Belgique (338).
Dans ce contexte de reconfiguration des alliances, les ports français devront redoubler d'efforts pour optimiser leur performance et rester compétitifs sur la scène internationale.