Par Benjamin Boutin*, maître de conférences associé à
l’Institut international pour la Francophonie - Université Lyon-III.
À une semaine du Sommet
de la Francophonie, l'Institut Terram publie une étude intitulée Francophonie
des territoires : ancrage local, rayonnement international, par Benjamin
Boutin.
Rassemblant 321
millions de locuteurs sur les cinq continents, la Francophonie se construit au
niveau international mais aussi à l’échelle locale. Cette « Francophonie des
territoires » est la plus proche de nous, la plus visible et tangible. En
France, où se tient en octobre 2024 le XIXe Sommet de la Francophonie, tout un
écosystème d’organismes agit au niveau local pour promouvoir la Francophonie et
en faire un levier de cohésion, d’intégration, de culture, d’attractivité,
d’éducation et de solidarité.
En métropole et en
Outre-mer, des communes, des départements, des régions, mais aussi des
entreprises, des associations et des universités portent cette Francophonie de
proximité. Ces acteurs de terrain jouent un rôle clé au niveau local, tout en
coopérant avec la Francophonie internationale. D’aucuns organisent des
manifestations autour du français et des cultures francophones, en particulier
des festivals prisés qui attirent un public varié, contribuant à l’animation
culturelle des territoires, à leur attractivité touristique ainsi qu’à leur
prospérité.
Les enjeux de la
Francophonie des territoires
À travers une diversité
d’événements et de réseaux, la Francophonie des territoires vit et rayonne.
Elle fédère des publics, mobilise des artistes et des intellectuels,
décloisonne nos imaginaires, crée du lien social, rapproche de la culture des
citoyens qui en sont parfois éloignés. Elle représente un atout majeur pour le
secteur touristique, tant pour l’Hexagone que pour les territoires ultramarins,
contribuant à renforcer l’image de la France comme destination culturelle
incontournable. De surcroît, la Francophonie des territoires offre des vitrines
à nos artistes ; elle stimule l’économie de la Culture, particulièrement les
entreprises culturelles et créatives, filière de premier plan de l’économie
française qui représente 84 milliards d’euros de revenus.
Par ailleurs, en
matière de cohésion sociale, la Francophonie des territoires contribue à trois
grands objectifs républicains, en dialogue avec les langues régionales : la
lutte contre l’illettrisme, l’intégration des nouveaux citoyens et l’égalité
des chances. Pour les nouveaux arrivants, l’appropriation du français constitue
un facteur clé d’intégration. Partout sur le territoire, des associations
socio-éducatives de lecture, d’écriture, de théâtre et d’art oratoire
contribuent à faire du français un outil de réussite éducative et
professionnelle.
Ce patrimoine
linguistique comprend aussi les 75 langues régionales de France, parlées par 3
millions de locuteurs en métropole et par 2 millions de locuteurs Outre-mer.
Ces langues font partie de l’identité de nos territoires et doivent être
transmises aux nouvelles générations. Leur enseignement ne concerne aujourd’hui
que 120 000 élèves.
De manière générale, la société française est assez peu sensibilisée à l’importance de la diversité linguistique et aux principaux enjeux de la Francophonie. Son histoire et son actualité sont très peu enseignées en France. La Francophonie souffre d’un manque de visibilité dans l’espace public et médiatique. Elle est concurrencée par un emploi excessif d’anglicismes, dénoncé par l’Académie française. Elle est parfois mise à mal par des préjugés et des confusions tenaces. Pour assurer son avenir, elle doit renforcer son attractivité auprès de la jeunesse.
Comme le
déclare Amin Maalouf, « il est essentiel que les jeunes générations
aient la certitude qu’elles peuvent accéder, en langue française, à tout ce que
produit le monde moderne, et dans tous les domaines ».
Nombre d’acteurs de la
Francophonie des territoires font beaucoup avec peu. La question des moyens ne
doit pas être éludée. L’une des solutions pour mobiliser des moyens matériels
et humains réside dans la coopération publique-privée et associative. En effet,
les synergies d’associations, d’entreprises, de syndicats et de collectivités
territoriales apparaissent particulièrement porteuses pour la Francophonie des
territoires, comme on le voit par exemple dans le département de l’Allier. Pour
susciter une volonté d’engagement de la part de nouveaux acteurs, notamment des
jeunes, il est nécessaire d’agir en réseau, d’informer, de coordonner,
d’impliquer la population, de donner des responsabilités à la société civile.
Il incombe également aux élus de soutenir la Francophonie des territoires et de
la penser comme un levier d’aménagement du territoire, de cohésion et de
développement, par le biais de projets structurants et d’une efficace
coopération décentralisée avec d’autres territoires francophones.
Les leviers à activer
Afin de renforcer la
Francophonie des territoires, cette étude présente un certain nombre
d’organismes, de bonnes pratiques et de stratégies gagnantes. Elle émet de
recommandations, aux acteurs publics, privés et associatifs. Elle appelle à
donner plus de visibilité à la Francophonie dans l’espace public, notamment
dans les médias. Par une mobilisation plus forte des acteurs, en particulier
des élus locaux, par leur appropriation du concept de Francophonie des
territoires, par l’implication du monde économique et par une exemplarité de
l’État, la Francophonie sera perçue de plus en plus comme un atout d’ouverture
sur le monde pour notre pays.
En somme, la
Francophonie des territoires représente un écosystème d’opportunités, un
ferment d’internationalisation et de partage dans un monde interconnecté. Elle
permet en effet de bâtir des ponts entre les peuples, de favoriser des
coopérations et une certaine solidarité, dans un aller-retour permanent et
fécond entre l’international et le local. Cela est aussi vrai en métropole que
dans les Outre-mer, où le français représente une langue de contact avec
plusieurs collectivités voisines ou plus lointaines, ce qui facilite la
coopération et génère de la solidarité et des projets en commun.
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* Benjamin Boutin, maître de conférences associé à l’Institut international pour la Francophonie (université Lyon III), est l'auteur d’articles, de tribunes, d’études ainsi que d’une bande dessinée sur la Francophonie, chercheur associé à l’Institut Prospective et Sécurité en Europe, il enseigne également à l’université du Luxembourg ainsi qu’à Sciences Po Aix. Fondateur de Francophonie sans frontières, responsable associatif, il est membre de l’équipe de France auprès du G20 des Entrepreneurs et membre d’honneur de l’Association pour la diffusion internationale francophone de livres, ouvrages et revues.