Malakoff Humanis : Qui sont les salariés de la « génération sandwich
» et quels enjeux pour les entreprises, leurs dirigeants et la société ?
A quelques jours de la
journée nationale des aidants, une étude menée par la business school en
partenariat avec le groupe de protection sociale lève le voile sur une
population souvent invisibilisée : les salariés pivots*, ou « génération
sandwich »*. Pourtant, 62% jugent que ce rôle d’aidant auprès de plusieurs
générations a un impact sur leur capacité à gérer leur charge de travail. C’est
aussi un enjeu d’égalité, les femmes étant sur-représentées dans cette
population. L’originalité de l’étude réside aussi dans le fait d’avoir
interrogé, en miroir, les dirigeants d’entreprise, sur leurs besoins et les
solutions qu’ils sont prêts à mettre en œuvre.
Salariés pivots ou «
génération sandwich »* : de qui parle-t-on ?
Ce sont des salariés
entre 45 et 64 ans (moyenne d’âge 51 ans) qui apportent une aide pour les actes
de la vie quotidienne et/ou un soutien, financier, matériel ou moral de manière
significative à plusieurs générations simultanément. Ils apportent une aide pour les actes de la
vie quotidienne d’au moins
3 heures par semaine et/ou un soutien financier ou
matériel à plusieurs générations en même temps tout en continuant à travailler.
Selon une récente étude de Santé publique France (2023), les adultes entre 40
et 55 ans peuvent assumer jusqu’à 8 rôles simultanément.
*Afin d’éviter des
redondances, les deux appellations sont utilisées pour caractériser les
salariés.
Un enjeu de société :
l’émergence d’une nouvelle génération sandwich
De nouveaux profils se
dessinent pour caractériser les piliers de l’entraide familiale : c’est un
sujet méconnu mais un enjeu de société grandissant pour les entreprises. En
effet, la génération sandwich n’est plus uniquement caractérisée par les
seniors, ex-baby-boomers qui ont longtemps été au carrefour des solidarités
familiales. Une nouvelle population plus jeune, en activité, prise en étau
entre des enfants (jeunes ou adultes) et un parent en perte d’autonomie font
désormais partie de cette nouvelle génération.
Plusieurs explications,
la France vieillit et elle vieillit vite.
En raison du vieillissement de la population, la hausse des maladies
chroniques et l’allongement du temps de travail, les salariés de cette
génération sont toujours plus nombreux. D’ici 2060, le nombre de personnes en
perte d’autonomie va doubler d’après l’Insee et la Dress : plus que jamais ces
salariés seront mobilisés.
Un enjeu de
reconnaissance : près d’un salarié sur trois ne se définit pas comme aidant
L’étude montre que 31%,
soit près d’un tiers des salariés de la génération sandwich, ne se reconnait
pas en tant qu’aidante ou aidant, bien qu’ayant à première vue toutes les
caractéristiques. Un constat en partie lié à des représentations souvent préconçues
des aidants traditionnels, dont ils se démarquent à certains égards. Plus
jeunes (78% ont moins de 54 ans), ils ont des enfants à charge (pouvant être
adultes), sont moins nombreux (environ 900 000), et leurs parents sont plus
jeunes et statistiquement moins dépendants pour le moment.
Autre élément
significatif, la largeur des situations auxquelles sont confrontées les
personnes aidées vont au-delà de la maladie, du handicap ou de la perte
d’autonomie (souvent retenues pour définir les aidants). En effet, il peut
s’agir d’avoir à gérer un enfant avec des troubles (déscolarisation, trouble
DYS, etc…), une maladie ou un handicap qui ne sont pas encore reconnus.
Les femmes, premières à
en subir les conséquences professionnelles
La génération sandwich
est majoritairement féminine (54%). Or, 57% des salariés pivots ont un statut
d’employés, ce qui creuse encore les inégalités femmes-hommes en entreprise. En
effet, 62% des salariés pivots jugent que leur situation a un impact sur leur
capacité à gérer la charge de travail.
38% considèrent qu’elle a des conséquences
en termes d’évolution de la carrière professionnelle, et
36% sur la possibilité
de se former, tandis que 29% estiment que la capacité à trouver un emploi en
est affectée.
Un impact fort sur la
santé physique et mentale
56% des salariés pivots
déclarent un impact négatif sur leur moral au quotidien, et un sur deux sur
leur santé mentale. D’un point de vue physique, là aussi on retrouve une
proportion similaire (48%) de salariés dont le corps pâtit de leur rôle
d’aidant. Des statistiques qui soulignent encore la vulnérabilité de cette
partie des travailleurs, et le poids de leur rôle privé sur leur bien-être en
entreprise, et la réalisation de leurs missions professionnelles.
Les besoins des
salariés pivots
Actuellement, seuls 38%
des salariés pivots se sentent soutenus par leur entreprise. Parmi les mesures
les plus attendues, 63% souhaiteraient bénéficier d’un aménagement ponctuel de
leurs horaires de travail, quand 42% aimeraient pouvoir télétravailler.
Côté management, 6
salariés pivots sur 10 souhaiteraient un accompagnement à la réintégration des
salariés ayant connu une longue absence. 4 salariés pivots sur 10 attendent
également une meilleure vigilance des managers sur les signes de déséquilibre.
En matière d’attentes
d’ordre financières, un tiers aimeraient bénéficier de mutuelles avantageuses
pour les familles.
Plus d’un dirigeant sur
deux favorable à des mesures dédiées
Le sujet n’est pas dans
l’angle mort des dirigeants : une majorité d’entre eux (59%) pense en
effet que le sujet sera significatif d’ici 5 à 10 ans, bien que 29% ignorent si
des salariés sont concernés dans leur entreprise.
Autre signe
encourageant, les chefs d’entreprise sont pleinement conscients du lien entre
la performance économique et sociale de l’entreprise. En effet, ils
reconnaissent les multiples bénéfices à accompagner les salariés pivots :
- en matière qualité de vie et de santé
au travail (78%),
- d’engagement des salariés (76%)
- d’image de l’employeur, en lien avec
la responsabilité sociétale (69%)
- et de climat social (68%).
Ainsi, 54% des
dirigeants sont favorables à la mise en place d’actions spécifiques. Une
proportion faiblement majoritaire qui met aussi en lumière leur manque
d’informations et de ressources pour passer davantage à l’action. En effet, 55%
aimeraient bénéficier d’un interlocuteur dédié au sein de la mutuelle
collective. 54% aimeraient connaître des bonnes pratiques mises en place dans
d’autres structures, et
1 sur 2 aimerait une sensibilisation des salariés aux
difficultés rencontrées par les salariés pivots.
46% citent le besoin de former
leur personnel RH.
La double
méconnaissance des salariés concernés en entreprise évoquée plus haut, et ce
déficit de ressources, explique pourquoi 49% des dirigeants d’entreprise n’en
font pas aujourd’hui un sujet prioritaire.
Des mesures
prioritaires alignées avec les besoins des salariés pivots
Pour autant, on
constate que les quatre solutions prioritaires les plus identifiées par les
dirigeants répondent bien aux besoins exprimés par les salariés pivots. En
effet, 80% citent l’aménagement ponctuel des horaires de travail. Ils sont
aussi 56% à estimer qu’il faut intégrer des mesures à destination de cette
catégorie de salariés dans les accords d’entreprise, leur accordant ainsi des
droits spécifiques. Enfin, 54% jugent essentiel la sensibilisation des
responsables hiérarchiques, et 52% citent la mise en place de solutions
d’accueil pour les enfants de la génération sandwich.
Pour Nils Poussielgues,
Responsable du centre de recherche-action sur les Vulnérabilités à Audencia, « l’étude, par sa
double approche innovante auprès des salariés et des dirigeants, permet de
dépasser le simple constat, et de rapprocher les besoins de la génération
sandwich avec les solutions que les dirigeants sont prêts à mettre en œuvre.
Elle vise ainsi à faire avancer cet enjeu d’une meilleure justice sociale au
sein des entreprises, car les dirigeants reconnaissent pleinement son impact
positif sur la performance, la santé au travail et l’image de l’entreprise ».
Pour Anne-Sophie Godon-Rensonnet, Directrice de l’Accompagnement social et de la prévention en entreprise chez Malakoff Humanis, « ce sujet d’étude avec Audencia répond à notre ambition de garder un temps d’avance sur l’accompagnement des proches aidants en analysant cette évolution démographique et sociologique importante qui vient mettre à jour de nouvelles formes de fragilités. Mieux les connaître c’est nous permettre de mieux soutenir les salariés aidants dans leur diversité et d’outiller les entreprises, dirigeants, RH, managers dans leur politique RSE et de QVCT. »