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[Tribune] Quand l’IA crée ses propres photos et vidéos, l’être humain doit redoubler d’esprit critique

Avec le déploiement de photos et de vidéos générées par l’IA, nous venons de franchir un nouveau cap dans notre rapport aux fake news. L’esprit critique de l’être humain reste la réponse première, alors que paraît le rapport final des Etats généraux de l’information.

 

L’analyse d’Arnaud Marquant, Directeur des opérations de KB Crawl SAS


C’est une bataille qui fait rage et dont on n’a pas forcément anticipé l’ampleur. Depuis plusieurs années, les fake news ont progressivement envahi notre espace informationnel, jusqu’à générer des effets majeurs sur les opinions publiques et nos dynamiques démocratiques. Avec une intelligence artificielle désormais en capacité de produire des photos et des vidéos ex nihilo, il semble que nous ayons franchi un nouveau palier.

 

Le poids des mots, le choc des fake news

 

Comment départager le vrai du faux ? Pendant longtemps, même si le trucage était possible, la photo et la vidéo ont tenu lieu de preuve, à telle enseigne qu’un slogan célèbre pouvait affirmer le concept publicitaire du « poids des mots et du choc des photos ». En 2024, si les photos peuvent toujours choquer, ce n’est pas forcément pour nous éclairer sur la réalité factuelle du monde dans lequel nous sommes plongés. Depuis le déploiement des intelligences artificielles génératives auprès du grand public, il est en effet possible de créer des images à partir d’une simple description. On ne compte ainsi plus, sur le marché, le nombre de générateurs d’images gratuits ou payants (Dall-E 3, Canva AI, Midjourney, Imagen by Google Cloud…).

 

La nouveauté : des moyens massifs de communication qui démultiplient les fake news

 

Certes, depuis l’essor des outils de communication au XIXe siècle, puis plus récemment avec le déploiement de la société de communication, des phénomènes comparables à ceux des fake news prolifèrent. Millénaires, les fausses nouvelles font échos aux manipulations de discours en tous genres, qu’ils soient politiques ou plus récemment publicitaires. En réalité, le vrai changement ne porte pas tant sur la dimension qualitative de ces fake news que sur sa dimension quantitative. Il y a toujours eu des personnes pour croire que la terre était plate ou que l’homme n'avait jamais marché sur la lune. La nouveauté vient des moyens massifs de propagation de ces fausses nouvelles, démultipliés par la puissance combinée des réseaux sociaux et des algorithmes. Il suffit ainsi que vous ayez cliqué une fois sur une fausse nouvelle pour qu’instantanément celle-ci vous revienne en boucle dans les jours suivants, recouvrant un grand nombre d’informations qui, elles, sont véritables. Ce matraquage, cette « narration de la répétition » forment plus qu’un écran de fumée entre le citoyen et l’information : ils finissent par ériger des murs opaques.

 

De tels effets pervers ont été analysés par de nombreux chercheurs, notamment ceux du CNRS. Ils renvoient très directement à la capacité collective que nous avons afin de poser un regard critique sur les informations qui nous parviennent. Dans le cas spécifique des images générées par l’IA, une chose est d’ores et déjà certaine : il n’est plus possible de prendre pour argent comptant la véracité d’une photo ou d’une vidéo, sauf à s’en remettre aux sources mêmes de ces éléments, dont l’éthique – notamment journalistique – doit tout à la fois être établie et irréprochable. Il s’agit également d’ériger en priorité l’éducation à l’esprit critique et aux médias, comme le suggère justement la première des 15 mesures affichée par la restitution récente des Etats généraux de l’information.

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