3 limites et une jurisprudence récente très éclairante, par Emilie
Meridjen, associée en charge du département social du cabinet Sekri Valentin
Zerrouk
3 limites à la liberté
d’expression des salariés
La liberté d’expression
et le respect de la vie privée des salariés sont bien évidemment sacralisés. En
revanche, ils ne peuvent pas tout dire et ne doivent pas porter atteinte au
respect de la personne d'autrui et à la dignité humaine, ni à l'ordre public.
Les 3 limites : la
jurisprudence considère qu’un abus est caractérisé lorsqu’un salarié est amené
à tenir des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs à l’encontre de
l’entreprise, de ses dirigeants ou encore, de ses collègues de travail. Il s’expose ainsi à
une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.
L’un des points de
vigilance pour le salarié est la démarcation entre la sphère privée, au sein de
laquelle il peut (à peu près) tout dire, et la sphère publique, où il doit à
son employeur une loyauté sans faille.
Limite sphère privée et
sphère publique
Sont considérés dans la
sphère privée, des propos tenus à un groupe privé avec un nombre restreint de
personnes, empêchant un public large de pouvoir y accéder (par des accès
restreints via un administrateur, par une politique de confidentialité stricte et
restreinte…). Beaucoup de jurisprudences sont venues confirmer ce point
notamment pour Facebook.
Utiliser linkedin,
c’est communiquer dans la sphère publique
Nous sommes nombreux à
constater sur Linkedin, réseau social professionnel par excellence, de plus en
plus de publications « personnelles », avec des prises de position politiques
plus ou moins provocatrices voire clivantes… Or dans la plupart des cas, le
profil de l’auteur mentionne spécifiquement l’entreprise dont il est le
salarié. Or les propos tenus peuvent être préjudiciables à l’image de marque et
à l’activité de l’entreprise concernée.
Un arrêt de la cour
d’appel de Douai du 31 mai 2024 est venu poser un cadre très éclairant sur la
liberté d’expression des salariés sur Linkedin :
• Linkedin propose de faire des publications,
ce qui induit la notion de « public »
• Linkedin est connu de tous comme un réseau
social professionnel
• Linkedin a des publications qui se partagent
très largement
• Linkedin mentionne l’appartenance des
salariés à leur entreprise dans 99% des cas
« Afin que les salariés puissent s’exprimer en toute connaissance de cause sur les réseaux sociaux et que les employeurs puissent faire respecter l’image de leur entreprise, il est recommandé d’établir, par un dialogue constructif, une charte sur-mesure qui puisse rappeler les grands principes de l’usage des réseaux sociaux protégeant bien sûr la liberté d’expression des salariés, mais fixant également des limites justifiées et proportionnées aux intérêts de l’entreprise. Le salarié n’a pas les mêmes obligations de modération sur Linkedin ou sur un groupe fermé de 4 personnes ! », conclut déclare Emilie Meridjen.