Le point de vue de
Cyril Ferey, operating partner chez I&S Adviser
Respecter les normes
ESG va devenir une obligation pour un grand nombre de PME en 2025.
Au-delà des
contraintes réglementaires et coûts associés, cela peut les conduire à
travailler sur de nouveaux leviers de création de valeur, à préparer des plans
de dérisque et à s’inscrire dans le moyen-long terme, une échelle qui a été
souvent mise de côté du fait du contexte de croissance et de stabilité des
prix.
ESG rime encore trop
souvent avec contrainte dans l’esprit des dirigeants français. Certes les
directives européennes 2022/2464 et CSRD (Corporate Sustainability Reporting
Directive) seront très prochainement appliquées en France à un nombre élargi
d’entreprises, avec leurs lots d’indicateurs à produire (plus de 1000 pour la
CSRD). Certains dirigeants ont même estimé que cette tâche nécessiterait la
mobilisation de 2 personnes à temps plein pendant 3 à 4 mois.
Au-delà des
contraintes, les normes ESG offrent des opportunités significatives pour les
entreprises. En intégrant ces normes, les entreprises peuvent non seulement
améliorer leur efficacité opérationnelle, mais aussi adopter une vision à long
terme qui complète la gestion à court terme. Les normes ESG servent de guide
pour identifier des leviers qui renforcent l'attractivité de l'entreprise,
particulièrement dans le contexte actuel de « guerre des talents », en devenant
réellement plus responsables et durables.
L’application des
normes ESG peut ainsi ouvrir de nouvelles voies de croissance et d’innovation,
en transformant des obligations réglementaires en avantages concurrentiels et
en stimulant la création de valeur durable.
Agir sur la RSE booste
son attractivité sur le marché de l’emploi
Prenons des exemples
concrets. Pour produire certains indicateurs ESG, l’entreprise a besoin de
rendre sa production et son organisation du travail plus durable et plus
respectueuse de l’environnement. Elle peut par exemple, utiliser des énergies
renouvelables en plus des énergies fossiles, diminuer sa consommation d’énergie
globale, produire moins de déchets, minimiser l’impact de ses activités sur
l’environnement. Si l’entreprise est en mesure de montrer des résultats
observables et mesurables de ces actions, alors elle a de fortes chances de
séduire davantage les hauts potentiels de la jeune génération
- mais aussi des
moins jeunes - qui en ont fait un critère majeur de leurs choix professionnels.
Cela est particulièrement important pour capter certaines compétences-clés dont
elle a besoin, et surtout pour les fidéliser.
Réduire l’empreinte
carbone renforce la rentabilité, l’agilité et la capacité d’innovation
Autre exemple : réduire
son empreinte carbone. Bien souvent, dans un premier temps, cette décision
coûte plus qu’elle ne rapporte. En décidant de travailler en priorité avec des
partenaires locaux, les coûts des achats sont assez fréquemment supérieurs à
ceux qu’ils étaient auprès de fournisseurs
extra-européens. Toutefois
l’équilibre peut être rétabli en jouant sur d’autres dimensions qui, à long
terme, favorisent une rentabilité plus robuste.
Parmi les facteurs qui
jouent en faveur de cette rentabilité : les acteurs locaux sont plus rapides à
répondre à la demande, permettant ainsi des coûts de support moins élevés et
une promesse client plus fiable grâce à des délais de livraison plus courts et
plus sûrs. La flexibilité et la réactivité des fournisseurs locaux sont
également très précieuses si l'entreprise doit ajuster ses capacités de
production dans des délais serrés. En outre, les partenaires locaux peuvent
aider à résoudre des problèmes de production ou à innover, par exemple en
proposant des matériaux alternatifs aux performances équivalentes. Ils
contribuent aussi à minimiser les risques de contrefaçon des produits, souvent
observés dans des pays plus risqués sur ces questions. De plus, ces
fournisseurs, qui doivent eux-mêmes répondre à des critères ESG, s'engagent à
assurer la réparabilité des produits et la disponibilité des pièces détachées,
garantissant ainsi la fiabilité des capacités de production et de livraison sur
le long terme.
Quand les normes ESG
conduisent à élaborer les plans de dérisque
En agissant sur les
différentes dimensions de l’ESG, l’entreprise finit par adopter une démarche de
mitigation des risques. Cette démarche qui était au cœur des approches
industrielles des années 70-80, notamment dans l’industrie et particulièrement
dans le nucléaire et qui conduisait à élaborer des plans A, B et C, avait
cependant été dé-priorisée au fil des années de croissance et du développement
des activités de services.
Or identifier les
risques et leur portée est fondamental. Par exemple, très peu d’entreprises
veillent à avoir des accès séparés aux données en fonction de leur rôle au sein
de l’organisation. Les normes ESG imposent des critères de transparence et de
traçabilité sur le sujet, ce qui in fine amène l’entreprise à avoir une
démarche responsable sur ce sujet. En se protégeant, elle réduit la
vulnérabilité de son système d’information face aux intrusions.
Se conformer aux normes ESG conduit les entreprises à reconsidérer les risques, leur anticipation et leur gestion. Se doter de ce type de plan de dérisque renforce la capacité de rebond et de résilience de l’entreprise face à un imprévu, de quelque nature qu’il soit, et contribue à accroître sa pérennité.
Trois points
d’attention pour se lancer
On le voit, travailler sa conformité avec les normes ESG peut donc directement servir des enjeux de développement. Trois points d’attention pour conclure : tout d’abord, ne pas se contenter d’afficher des indicateurs attrayants mais lancer ce chantier ESG en repensant la stratégie de l’entreprise et en définissant des priorités. Ensuite, se concentrer sur les critères ESG les plus pertinents pour l'entreprise plutôt que de tenter de couvrir plus de 1 000 critères. Enfin, élaborer des projections, une vision stratégique et une mise en perspective. Sur chacun de ces points, comme sur beaucoup de sujets, un dirigeant accompagné en vaudra deux. C’est encore plus vrai quand il mise sur un copilotage par un operating partner, qui n’est ni plus ni moins qu’un entrepreneur ayant déjà géré le développement d’une entreprise à moyen terme et ayant donc dû faire des arbitrages pour atténuer les risques et assurer la pérennité.