Par Virginie Wallut, Directrice de la recherche et de
l'ISR Immobilier, La Française Real Estate Managers
Au premier semestre
2024, le marché immobilier européen a montré des signes de reprise, avec
notamment une hausse du volume d'investissement sur un an. Cette reprise du
marché immobilier européen s'est amorcée dans un contexte d'anticipation de
l'assouplissement monétaire de la BCE.
En juin, le BCE a
procédé à sa première baisse de taux depuis septembre 2019, réduisant ses taux
directeurs de 25 points de base. Cette décision marque un tournant dans la
politique monétaire et alimente les perspectives de reprise du secteur
immobilier.
Reprise contrastée du
marché de l’immobilier d’entreprise en Europe
Alors qu’en France les
marchés immobiliers restent suspendus à l’évolution du contexte politique
français et à ses conséquences sur les taux souverains français, les volumes
d’investissement en Europe affichent une hausse de 11% sur un an, au premier
semestre 2024. Si ces volumes restent modestes comparés à la moyenne décennale,
la hausse des volumes marque toutefois un changement majeur de l’orientation
des marchés immobiliers en Europe. La situation est toutefois très contrastée
selon les pays. Ainsi, si les pays ayant fortement corrigé en 2023 tels que le
BeNeLux, l’Allemagne et le Royaume-Uni affichent des hausses respectives des
volumes d’investissement de 73%, 23% et 9%, la France, elle, accuse un retrait
de 25% sur la même période.
Toutes les typologies d’actifs
ont connu une hausse des volumes d’investissement au premier semestre 2024 avec
en tête le tourisme (+62%), suivi par la logistique (+7%), la santé (+4%) et
enfin les bureaux et les commerces (avec +1% respectivement). Toutefois, les
actifs « core » (centraux et répondant aux derniers standard environnementaux) et
de diversification (logistique, santé, tourisme et résidentiel géré) restent
les plus recherchés.
Bureaux : des taux
de rendement globalement stables pour les meilleurs actifs
Au deuxième trimestre
2024, les taux de rendement prime sont restés globalement stable, offrant une
meilleure visibilité aux investisseurs quant à l’atterrissage des valeurs.
À la fin juin 2024, le
taux de rendement prime pour les bureaux dans les principales capitales
européennes se situe dans une fourchette allant de 4 à 5%. Cette relative
stabilité marque un tournant après une période d’ajustements significatifs. Les
métropoles régionales, quant à elles, affichent des taux plus élevés, dépassant
souvent les 6%, reflétant une prime de risque accrue pour ces marchés
secondaires.
Le marché des bureaux
présente toutefois un tableau contrasté. Alors que les zones périphériques
continuent de subir des ajustements de valeurs à la baisse, les emplacements
centraux bénéficient d’un regain d’attractivité. En Europe, ces localisations
prime, caractérisées par un faible taux de vacance et une demande soutenue des
utilisateurs, pourraient même connaître une légère compression des taux de
rendement d’ici fin 2025. Cependant, il est peu probable que ces taux
retrouvent les niveaux observés début 2022, marquant ainsi une nouvelle
normalité du marché.
Taux de vacance :
trajectoires divergentes selon marché
La demande placée de
bureaux en Europe a, une nouvelle fois, progressé légèrement pour le deuxième
trimestre consécutif. Sur le premier semestre, elle a augmenté de 3% par
rapport à l'année précédente, bien qu'elle reste inférieure de 20% à la moyenne
des dix dernières années.
Cette demande est
principalement motivée par la volonté de rationaliser les coûts immobiliers et
d'adapter les espaces de travail aux nouveaux usages. Cependant, les évolutions
par marché tendent à diverger. Par exemple, la demande placée à Édimbourg et Hambourg
a chuté de 28 et 20% respectivement, tandis que Dublin et Munich ont enregistré
une hausse notable de 61 et 27%.
A l'exception de
l'Europe du Sud (Madrid, Barcelone, Milan) où la croissance économique soutient
le marché immobilier, l'activité locative demeure en deçà de sa moyenne à long
terme. Le taux de vacance a augmenté de 2% sur un trimestre, portant la hausse
annuelle à 14%. L'offre de bureaux est rare dans les quartiers centraux, mais
le taux de vacance continue d'augmenter en périphérie, où l'offre est
principalement constituée d'actifs de seconde main. La demande se concentre sur
des bâtiments modernes, écoénergétiques et offrant des services de qualité,
facteurs de soutien des loyers prime. Ces loyers, qui ne concernent qu'une
partie limitée du marché, ont augmenté en moyenne de 6% sur un an et de 31% sur
dix ans. Cette forte hausse pose la question de la viabilité de tels niveaux de
loyers dans les marchés où ils ont le plus progressé, comme à Berlin (+91%),
Munich (+61%) et Madrid (+66%).
En conclusion, malgré
des évolutions structurelles et les incertitudes économiques, le marché
immobilier européen montre des signes timides de reprise qui semblent indiquer
le commencement d’un nouveau cycle. La hausse des volumes d'investissement
devrait, à terme, entraîner une hausse des valeurs, qui interviendra lorsque
les investisseurs gagneront en visibilité sur le rythme d’assouplissement de la
politique monétaire de la BCE.
Par ailleurs, l'adaptation du marché aux nouvelles exigences, notamment en termes de qualité environnementale et de flexibilité des espaces, démontre sa capacité à évoluer face aux changements structurels. La demande soutenue pour des actifs de qualité dans les localisations centrales souligne l'importance croissante de la sélectivité dans les stratégies d'investissement.