L’analyse de Thomas Abinal, co-fondateur et directeur
général de Monetivia
Dans un contexte
économique encore chahuté et malgré un taux d’inflation en baisse (estimé à
2,5% pour juin 2024 contre 5% en 2023), la problématique du pouvoir d’achat des
seniors reste d’actualité, notamment du fait de la hausse des coûts de
l’énergie et de la propriété immobilière (charges de copropriété, taxe
foncière, rénovation énergétique) et compte tenu des coûts additionnels liés à
l’allongement de l’espérance de vie (frais d’adaptation du logement, frais
médicaux, coût de la prise en charge de la dépendance…). Alors que les banques
restent réticentes à l’octroi de prêts aux plus de 60 ans, les seniors peuvent
tirer profit de leur patrimoine immobilier (résidence principale ou résidence
secondaire, bien locatif) pour augmenter leur revenu disponible à la retraite
(la pension de retraite moyenne est de 1 500€). Cependant, face à la diversité
des solutions de monétisation existantes (vente en viager, vente en
nue-propriété, vente à terme…), les seniors peuvent facilement se perdre ! Tout
comme l’achat de sa résidence ou tout investissement immobilier, il n’existe
pas de solution universelle, mais plutôt une solution adaptée à chaque senior
en fonction de ses objectifs patrimoniaux et de ses besoins individuels
spécifiques.
Quel type de jouissance et pour quelle durée ?
Lorsqu'il s'agit de
choisir la meilleure option pour monétiser un bien – i.e. le vendre tout en
continuant à en jouir - la décision doit premièrement tenir compte de l'usage
du bien souhaité par le vendeur dans le futur : souhaite-t-il y rester le plus
longtemps possible, autrement dit à vie ? Ou bien souhaite-t-il rester y
habiter seulement pour une durée fixe, avec ensuite une solution de relogement
nécessaire s’il s’agit de la résidence principale ? Le vendeur souhaite-t-il
par ailleurs avoir la liberté de pouvoir louer son bien dans le futur ou bien
est-il prêt à renoncer à cette prérogative ?
La vente en viager et
la vente en nue-propriété avec usufruit à vie offrent la possibilité de rester
dans le bien pour une durée indéterminée, répondant ainsi aux besoins de ceux
qui désirent maintenir leur résidence principale à long terme.
A l’inverse, la vente à
terme et la vente en nue-propriété avec usufruit temporaire permettent
seulement une occupation pour une période déterminée, nécessitant à terme de
quitter les lieux, ce qui est plus facile dans le cas d’une résidence
secondaire ou d’un bien locatif.
Par ailleurs, la
faculté ou non de pouvoir mettre le bien en location peut constituer un facteur
crucial pour beaucoup de vendeurs. Seule la vente en nue-propriété, qu'elle
s’accompagne de la conservation d’un usufruit temporaire ou à vie, permet au
vendeur de conserver le droit de louer son bien, ce qui est évidemment un plus
sur le plan économique. Cela peut être avantageux pour ceux qui voyagent
fréquemment ou ne séjournent pas 100% du temps sur place. C’est surtout un
droit supplémentaire qui a une valeur intrinsèque (le revenu locatif potentiel)
qui pourra être monnayée le moment venu. Ainsi, un senior qui garde un usufruit
sera mieux armé sur le plan patrimonial s’il doit un jour quitter les lieux
pour aller en EHPAD. En effet, il pourra alors soit mettre son bien en
location, soit le céder au nu-propriétaire, en partant d’une valeur économique
qui se référera aux loyers encaissables sur le marché (qui sont indexés sur
l’inflation).
Quel besoin de liquidités ? Priorité à un revenu régulier maximum ou bien à l’obtention d’un capital important ?
Sachant que près des
trois quarts des seniors sont propriétaires de leur résidence principale - un
tiers étant même en possession d’au moins un autre actif immobilier- les
solutions de monétisation du patrimoine immobilier ont naturellement le vent en
poupe auprès de cette catégorie de la population. Elles diffèrent néanmoins en
termes économiques.
Un senior cherchant à
maximiser son revenu mensuel pourra se tourner vers une vente en viager occupé.
En effet, dans ce format de vente, en contrepartie de l’usage de son bien
jusqu’à son décès, le vendeur reçoit lors de la vente un capital initial minime,
complété par une rente viagère, synonyme de paiement échelonné dans le temps
jusqu’à son décès, versée par l’acheteur et calculée en fonction de son
espérance de vie.
La vente à terme, quant
à elle, se caractérise aussi par un paiement échelonné dans le temps, ce qui
fournit par construction un revenu régulier au vendeur.
A l’inverse, pour ceux
qui privilégient l’encaissement d’un capital plus significatif - afin par
exemple de faire un placement, acheter un bien immobilier, financer des
travaux, réaliser des voyages ou faire des donations à ses enfants - le choix
de vendre son bien en nue-propriété paraît plus approprié. Dans ce cas, le prix
de vente est en effet versé en une seule fois le jour de la transaction.
Quels coûts et charges restent à financer dans le futur ?
La question de la
répartition, entre le vendeur et l’acheteur, des taxes et des charges à payer
dans le futur peut également être prise en compte dans le choix d’une solution
de monétisation, même si sur le plan économique cela est neutralisé par un ajustement
du prix de vente en conséquence.
Dans une vente en viager ou à terme, le vendeur ne paie plus la taxe foncière et ne supporte qu'une partie des charges de copropriété, celles dites « locatives ». Cela peut offrir une tranquillité d'esprit supplémentaire aux vendeurs, même si fort logiquement cela se traduit par un prix de vente inférieur au départ.
A l'inverse, dans une
vente en nue-propriété, le vendeur devenu usufruitier continue à payer la taxe
foncière et les charges de copropriété, hormis les « grosses réparations »
définies par l’article 606 du Code civil. En contrepartie, le prix de vente au
départ est donc supérieur, les investisseurs étant des êtres rationnels qui
seront plus généreux au départ s’ils ont moins de charges à acquitter dans le
futur.
Quel niveau de risques financiers et quelle fiscalité supporter ?
Choisir la solution de
monétisation la plus adaptée à un senior doit également prendre en compte le
niveau de risques qu’il est prêt à assumer sur le plan financier. En effet,
chaque dispositif comporte des implications financières et fiscales qui nécessitent
une attention particulière.
Par exemple, dans un
viager traditionnel avec paiement du prix sous forme de rente viagère, ou bien
dans une vente à terme, une grande partie des paiements est différée. Le
vendeur faisant donc crédit à l’acheteur, il s’expose à un risque élevé
d’impayés si l'acheteur ne respecte pas ses engagements, sachant que la
solvabilité d’un acquéreur peut varier dans le temps. Une clause résolutoire
peut certes être anticipée pour annuler la vente dans ce cas, mais elle
implique un risque élevé de contentieux, ce qui n’est pas franchement
souhaitable pour une personne âgée.
A l’inverse, dans le
cas d’une vente en nue-propriété ou d’un viager sans rente, 100% du prix est
versé immédiatement, ce qui annule tout risque d’impayés.
Le risque de brader son
bien pour le vendeur est également élevé dans le cas d’une vente en viager du
fait d’une forte exposition à l’aléa viager que constitue la longévité du
vendeur. En effet, en cas de décès prématuré, le prix réellement encaissé se limitera
au maigre bouquet reçu initialement, augmenté de quelques mois ou années de
rente. Dans les cas les plus critiques, il peut en pratique se limiter à
10%-20% de la valeur du bien, ce qui est synonyme de destruction de valeur
importante pour le patrimoine familial du vendeur. Ce risque est en revanche
limité lors d’une vente à terme car les paiements dus dans le futur le restent
en cas de décès du vendeur. Il est également limité dans une vente en
nue-propriété, car 100% du prix est payé lors de la vente.
Dans ces deux derniers
formats, le risque de perte économique liée au décès est réduit à la seule
non-occupation du bien pour cause de décès, alors même qu’une occupation de X
années a été prise en compte initialement pour le calcul du prix de vente. À cet
égard, il faut noter que certaines formules permettent de sécuriser encore
davantage le patrimoine du vendeur sur le plan financier en indemnisant ses
ayants-droits si la durée d’occupation prévue dans le calcul du prix de vente
initial n’a pas été 100% consommée. C’est le cas par exemple du Contrat
Monetivia, qui par ailleurs sécurise aussi l’acquéreur si jamais la durée
d’occupation prévue dans le calcul du prix de vente initial est dépassée (et ce
grâce à une assurance souscrite auprès de l’assureur Allianz).
Enfin, sur le plan
fiscal, il faut noter des différences significatives selon les solutions. Les
paiements sous forme de rente viagère, malgré des abattements importants, sont
fiscalisés au titre de l’impôt sur le revenu. Tandis que dans la vente en nue-propriété
il n’y a aucune fiscalisation du prix de vente dans le cas d’une résidence
principale - le vendeur subira en revanche dans les deux cas une fiscalisation
de sa plus-value s’il s’agit d’une résidence secondaire, en bénéficiant du
régime classique des abattements pour durée de détention.
En résumé, le choix de la solution de monétisation la plus adaptée à un propriétaire senior doit tenir compte non seulement des objectifs d’occupation du bien mais aussi des aspects financiers et fiscaux, ainsi que des objectifs de protection du patrimoine du vendeur et de ses proches.