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[Etude] Institut Terram - Les très petites entreprises : une force économique pour le développement des territoires

Par Nicolas Portier, consultant indépendant et enseignant au sein de l'École urbaine de Sciences Po Paris

 

Réévaluer et documenter les TPE, un besoin nécessaire

 

Aujourd’hui diluées dans les statistiques des micro-entreprises, les très petites entreprises (TPE) doivent redevenir un sujet d’étude spécifique afin de mieux saisir leurs dynamiques globales et leur hétérogénéité, en observant leurs évolutions sur une longue période et leurs diverses contributions aux économies territoriales.


En se concentrant sur les TPE qui emploient de 1 à 9 salariés, l’étude les distingue des formes les plus
« ubérisées » et précaires de l’économie contemporaine. Elle met en exergue la contribution de ces TPE au développement local et au renouvellement des tissus économiques en soulignant 3 caractéristiques :

• les TPE sont très connectées à l’économie de proximité, dite « présentielle », centrée sur la consommation locale ;

• la répartition géographique des TPE est ubiquitaire, leur poids dans l’emploi s’avérant même proportionnellement plus élevé dans les ruralités et les petites agglomérations que dans les métropoles, de même qu’il est plus significatif dans la moitié sud du pays ;

• le tissu des TPE, relativement stable, même s’il est constamment renouvelé par le turn over des créations et liquidations, joue un rôle de couche protectrice pour les économies locales et contribue à amortir les chocs des crises.

 

Les TPE, championnes de créations d’emplois dans les territoires

 

La contribution des TPE à la création d’emplois (en solde net) est très intense. L’étude note même une
« surperformance » dans la création d’emplois par rapport aux autres catégories d’entreprises :

• une étude appliquée au tissu économique français dans la décennie qui a suivi la crise financière (2008-2017) montre que les TPE forment, de très loin, la catégorie la plus créatrice d’emplois (plus de 220 000), suivie par celle des entreprises de taille intermédiaire (environ 60 000). Les PME connaissent une légère érosion du nombre de salariés, alors que les grandes entreprises perdent plus de 240 000 emplois ;

• selon les données les plus récentes de la Dares, en 2022, 3,6 millions de salariés travaillaient dans
1,24 million de TPE sur le périmètre de l’étude, en forte progression au cours de la décennie. Elles représentent 82,1% des entreprises employeuses en France ;

• le poids des TPE dans l’emploi au sein des différentes branches de l’économie est également variable : il est inférieur à 10% des effectifs de l’industrie, du transport, de la logistique, de la finance et de l’assurance, où prédominent de grands acteurs, alors qu’elles emploient plus de 20% des salariés dans le commerce, près de 30% au sein des activités immobilières, 35% des salariés dans la construction et
39% dans l’hébergement-restauration.

 

Une contribution essentielle des TPE à l’emploi local dans les espaces ruraux

 

Certains territoires connaissent des taux de concentration de l’emploi extrêmement élevés dans les entreprises de moins de 10 salariés. Au sein de communautés de communes telles que celles de Cambremer en Normandie, de la Montagne d’Ardèche en Auvergne-Rhône-Alpes, du Mont-Lozère en Occitanie, du Cap Corse dans l’île de Beauté, le pourcentage d’emplois porté par les plus petits établissements excède le seuil de 60%, soit trois fois plus que la moyenne nationale. À l’échelle nationale, les très petites entreprises concentrent 31,5% des emplois des intercommunalités de moins de
20 000 habitants, de profil rural et peu dense.

 

Les TPE créatrices d’emplois au fil du temps

 

En première année de vie, trois quarts des nouvelles entreprises sont sans salarié mais elles ne sont plus qu’une sur deux dans ce cas au bout de dix ans. Ces TPE recruteuses, au cœur de notre étude, s’affirment avec le temps.

 

Les TPE de 4 salariés ou plus sont ultra minoritaires dans leur phase de création, de l’ordre de 3%, alors qu’elles seront cinq fois plus nombreuses au terme d’une décennie.

 

Les TPE, des entreprises agiles et robustes

 

La force économique de la TPE est celle de l’échange direct entre dirigeants et salariés, de la rapidité de décision, de la motivation des équipes. Ce sont la simplicité et la réactivité attendues de l’organigramme
« à plat ». La TPE est marquée par de fortes relations interpersonnelles et cultive souvent un esprit familial, sans nécessairement emprunter au registre paternaliste. Le tutoiement est fréquent, la flexibilité valorisée. La division des tâches est plus évolutive, moins formalisée que dans les grandes structures.  Dans les enquêtes, de nombreux salariés plébiscitent également la convivialité des plus petites entreprises, la responsabilité accrue des personnels, la solidarité des équipes, l’accessibilité et l’engagement fort des dirigeants…La TPE est valorisée pour son aspect polyvalent mais aussi pour sa capacité créative. Beaucoup d’entre elles sont de jeunes structures (44% ont moins de cinq ans), ouvertes à de nouveaux modèles. Le temps d’absorption de nouveaux process, notamment numériques, peut se montrer extrêmement court une fois la décision prise.

 

La résilience des entreprises s’est avérée de fait extrêmement forte en sortie de confinements, conjurant les prophéties pessimistes. Même les très jeunes entreprises ont fait preuve de robustesse.

 

Pistes de réflexion pour renforcer le dynamisme des TPE sur les territoires

 

En conclusion, l’étude formule un certain nombre de recommandations pour réévaluer le rôle des TPE, mieux les accompagner dans les phases post-création et optimiser leurs capacités contributives au développement économique local :

•   améliorer les savoirs sur les TPE, notamment en perfectionnant les outils de suivi statistiques ;

•   décentraliser les mécanismes de soutien et d’accompagnement ;

•   enrichir les offres de services-supports aux TPE ;

•   prendre en compte l’extrême diversité des modèles de TPE et des projets entrepreneuriaux. La volonté de limiter le saupoudrage des aides publiques ne doit pas se transformer en favoritisme au profit d’une petite élite entrepreneuriale connectée aux lieux de décision. Cet accompagnement doit également viser à faciliter la transformation d’autoentreprises en véritables projets entrepreneuriaux « recruteurs » ;

•   déverrouiller l’accès à la commande publique ;

•   conforter le maillage des réseaux d’accompagnement ;

•   organiser les solidarités inter-strates ;

•   favoriser les communautés d’entrepreneurs par du clustering ;

•   encourager les dynamiques néo artisanales à travers des TPE de production.

 

Ce regard porté sur les TPE et leurs dynamiques récentes a permis d’en réévaluer les divers apports. Bien que très hétérogènes dans leurs profils, leur positionnement sectoriel, leur modèle d’affaires ou leur profitabilité, elles constituent le catalyseur de la job machine et le creuset d’innovations multiformes (technologiques, commerciales, organisationnelles…).

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