Les comportements de leadership des managers peuvent-ils atténuer le stress des candidats minoritaires lors d'un entretien d'embauche ?
Une étude menée par
Urszula Lagowska, enseignante-chercheur à NEOMA Business School explore ici
cette question.
Les résultats montrent que l'approche des managers peut modérer l'effet des
stéréotypes, un facteur souvent signalé comme un frein à l'embauche par les
candidats issus de milieux minoritaires. Alors que les entreprises cherchent à
diversifier leurs équipes, cette étude met en lumière l'importance du style de
leadership dans la perception des candidats quant à leur avenir au sein de
l'organisation.
Motiver
les troupes : à chacun son style de leadership
Il
n'y a pas d'équipe sans leader. Cette personne joue un rôle clé en mobilisant
son entourage pour mener à bien les projets d'une entreprise. Deux approches du
leadership, basées sur les valeurs morales, se distinguent dans la littérature
scientifique.
La
première, le leadership « éthique », est incarnée par un dirigeant qui cherche à
améliorer le comportement moral de ses subordonnés. Ce type de leader établit
des règles éthiques claires et utilise un système de récompenses et de
sanctions pour encourager le respect de ces normes. Chaque membre de l'équipe
travaille ainsi pour le bien collectif. « Le leader éthique est un
modèle moral, influençant les autres par son intégrité et son engagement envers
des principes élevés », souligne Urszula Lagowska.
L'autre
approche est celle du leadership « authentique ». Ce leader est guidé
par une boussole morale interne et met l'accent sur le développement personnel
de ses collaborateurs. Il valorise la conscience de soi, l'apprentissage par
l'expérience et la fidélité à ses propres valeurs. « Le leader
authentique encourage les subordonnés à être fidèles à eux-mêmes, favorisant un
environnement de transparence et de croissance personnelle », ajoute
Urszula Lagowska. Ces deux styles offrent des voies différentes mais
complémentaires pour motiver et guider une équipe vers le succès.
Dans
la tête des candidats minoritaires
Les
chercheurs se sont intéressés aux performances des candidats issus de milieux
minoritaires lors d'entretiens d'embauche, en présence des deux types de
managers identifiés. Ils rappellent que ce contexte est propice à l'expression
de la menace du stéréotype, qui se manifeste par la crainte des personnes
minoritaires d'être perçues à travers le prisme de préjugés liés à leur groupe
d'appartenance, et surtout, de confirmer ces stéréotypes. Cette menace du
stéréotype peut déclencher des réactions physiologiques de stress, comme une
augmentation de la pression artérielle et du taux de cortisol. « La menace
du stéréotype peut réduire les ressources cognitives des candidats, les amenant
parfois à se désintéresser du poste », soulignent les chercheurs. Cet effet
de stress peut même dissuader certains candidats de postuler, par peur d'être
injustement traités. « Ce phénomène est une barrière silencieuse mais
puissante à l'inclusion, décourageant les talents divers de se présenter dans
des organisations où ils craignent d'être jugés sur des stéréotypes plutôt que
sur leurs compétences », ajoute Urszula Lagowska.
Entretien
d’embauche : les effets méconnus du leadership
En
général, tous ceux qui ont passé un entretien d'embauche ont ressenti du stress
en fonction de l'attitude des recruteurs. Pour les candidats issus de
minorités, conscients des stéréotypes négatifs à leur égard, comment le type de
leadership du dirigeant ou du chef d'équipe contribue-t-il à augmenter ou à
réduire la menace du stéréotype ? Pour répondre à cette question, les
chercheurs ont mené des expériences de terrain, suivant les performances de
résidents noirs de favelas brésiliennes lors d'entretiens d'embauche avec des
entreprises majoritairement blanches. Leurs résultats montrent que lorsqu'un
dirigeant blanc adopte un leadership éthique, axé sur les normes de la
communauté, cela contribue à réduire la menace ressentie par les candidats
noirs. « Les normes éthiques offrent une certaine équité et prévisibilité
dans la gestion d'équipe, ce qui rassure les candidats noirs sur le fait qu'ils
seront jugés de manière juste, indépendamment de leur origine », selon les
chercheurs. En revanche, lorsqu'un dirigeant est noir, c'est l'approche
authentique qui réduit la menace du stéréotype. « Les candidats noirs
peuvent s'identifier au manager et se sentir motivés par la perspective
d'établir une relation privilégiée avec lui, basée sur la reconnaissance de
valeurs et d'expériences partagées », expliquent les chercheurs. Cette
identification aide à diminuer le stress lié aux stéréotypes et encourage les
candidats à s'engager pleinement dans le processus de recrutement.
Quand
optimisation ne rime pas avec diversification
Ces
travaux offrent une nouvelle piste aux entreprises souhaitant instaurer des
conditions équitables de recrutement, favorisant ainsi la performance des
minorités raciales. Les chercheurs suggèrent aux organisations désireuses de
diversifier leur personnel d'ajuster subtilement le comportement de leurs
dirigeants lors des processus de recrutement. Cela permettrait aux candidats
minoritaires de prendre des décisions de carrière sans être freinés par des
préoccupations liées à leur identité. « Les ajustements dans le comportement
des dirigeants peuvent créer un environnement plus inclusif, permettant aux
candidats minoritaires de se sentir évalués sur leurs compétences plutôt que
sur leur identité, » expliquent les chercheurs. Plus largement, ces
recherches remettent en question l'utilisation d'outils de recrutement
automatisés. Bien que de nombreuses entreprises utilisent ces solutions pour
optimiser leur processus de sélection et éviter les accusations de partialité,
une approche relationnelle adaptée au profil des candidats semble plus efficace
dans une perspective de diversification. « Les outils automatisés manquent
souvent de nuance et ne peuvent pas capturer les subtilités des interactions
humaines nécessaires pour réduire la menace des stéréotypes, » soulignent
les chercheurs.
Enfin, bien que ces travaux se concentrent sur les minorités raciales et ethniques, la menace du stéréotype affecte également d'autres groupes sociaux, tels que les femmes et les immigrés. « Les effets du leadership sur ces groupes restent à analyser, mais il est probable que des stratégies similaires pourraient aider à atténuer les impacts négatifs des stéréotypes, » concluent les chercheurs.