Par Bertrand Desmier, Senior Adviser RSE
chez Tennaxia
Après maints
rebondissements et controverses, le Parlement européen avait finalement adopté
la version finale de la directive CSDDD le 24 avril 2024. Une adoption validée
in fine par le Conseil de l’Union européenne le 24 mai dernier, et qui vient
d’être publiée le 5 juillet au Journal Officiel de l’Union européenne. Elle
renforce le contenu de la loi française sur le devoir de vigilance de 2017
qu’elle va remplacer.
Objectif de la
directive sur le devoir de vigilance
L’objectif principal de
la directive vise à ce que les entreprises soumises, ainsi que leurs
partenaires en amont et en aval, prennent des mesures concrètes pour prévenir
les violations des droits humains définis par les grands textes internationaux
(Principes directeurs de l’OCDE, et Déclaration tripartite de l’OIT) et la
dégradation de l’environnement.
On parle ici des
incidences réelles ou potentielles des activités des entreprises éligibles
(environ 5 400), de leurs filiales et des opérations réalisées par leurs
partenaires commerciaux dans les chaînes d’activités. La directive entend ainsi
promouvoir une économie mondiale plus équitable et plus durable ainsi qu’une
gouvernance d’entreprise responsable.
Champ d’application et calendrier de la directive sur le devoir de vigilance
La directive s’applique
aux entreprises européennes et aux sociétés mères qui emploient plus de
1 000
personnes et réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros.
Elle concerne également les franchises dans l’UE qui enregistrent plus de 80
millions d’euros de chiffre d’affaires au niveau mondial, dont au moins 22,5
millions d’euros proviennent de redevances.
Comme pour la CSRD, la
Directive sur le devoir de vigilance (CSDDD) comporte un volet
extraterritorial ; ainsi, les entreprises non européennes qui atteignent ces
seuils de chiffre d’affaires dans l’UE seront également soumises à la
directive.
Seront concernées :
- À partir de 2027,
les entreprises de plus de 5 000 ETP, avec un CA mondial supérieur à 1 500 M€
- À partir de 2028, les entreprises de
plus de 3 000 ETP avec un CA mondial supérieur à 900 M€
- À partir de 2029, les entreprises de
plus de 1 000 ETP avec un CA mondial supérieur à 450 M€
Obligations de la
Directive sur le devoir de vigilance
Comme pour la CSRD, les
entreprises soumises sont invitées à davantage intégrer les questions de
durabilité dans la gouvernance de l’entreprise. Ainsi, le devoir de vigilance
devra être inscrit dans leurs politiques de gouvernance et leurs systèmes de gestion
des risques.
Les entreprises devront
cartographier les risques sociaux et environnementaux, mettre en place les
plans de prévention et d’atténuation appropriés. Elles auront également à créer
des procédures d’alerte afin de s’assurer que l’ensemble des acteurs de leur
chaîne de valeur y aient accès. Elles devront aussi rendre compte de
l’efficacité de leurs politiques de vigilance en publiant des informations
transparentes et publiques.
Les entreprises devront
adopter et mettre en œuvre un plan de transition pour l’atténuation du
changement climatique qui vise à garantir la compatibilité de leur modèle avec
la transition vers une économie durable et avec la limitation du réchauffement
climatique à 1,5°C conformément à l’accord de Paris.
Contrôle et sanctions
de la Directive sur le devoir de vigilance
Chaque État membre
désigne une ou plusieurs autorités de contrôle chargées de surveiller le
respect des obligations de la directive transposée dans le droit national et
d’imposer des sanctions. Quant aux sanctions pécuniaires encourues, un plafond
maximal de 5% au moins du chiffre d’affaires net mondial est prévu. Les
entreprises seront responsables des dommages causés par le non-respect de leurs
obligations en matière de devoir de vigilance et devront indemniser
intégralement leurs victimes.
Si des entreprises ne
se conformaient pas à la décision imposant une sanction pécuniaire dans le
délai imparti, elles pourraient alors faire l’objet d’une déclaration publique
indiquant la responsabilité de l’entreprise à l’égard de l’infraction et la nature
de cette dernière.
Complémentarités entre
la CSRD et la Directive sur le devoir de vigilance (CSDDD)
La Directive sur le
devoir de vigilance CSDDD (Corporate Sustainability Due Dilligence Directive)
et la CSRD sont deux piliers du Pacte Vert européen. Elles ont pour objectif
commun de renforcer la responsabilité des entreprises en matière de durabilité sur
l’ensemble de la chaîne de valeur. Si leurs champs d’application et leurs
exigences diffèrent, leurs objectifs sont finalement complémentaires.
La CSRD vise à
renforcer la transparence des entreprises soumises sur leur engagement en
matière de durabilité, en fournissant les données et informations matérielles
qui vont permettre à leurs parties prenantes, intéressées ou affectées, de
mieux évaluer leur performance durable, sans imposer de règles de mise en
œuvre.
En revanche, la CSDDD
se concentre sur la façon dont les entreprises concernées traitent leurs
incidences sur les droits de l’homme et l’environnement. Elle les oblige à
s’engager sur un processus de diligences raisonnables afin d’identifier,
prévenir, atténuer et mettre fin ou minimiser leurs impacts négatifs réels ou
potentiels, le tout assorti de sanctions pour le moins substantielles.
Les rapports de
durabilité à publier, selon le cadre fixé par la CSRD, encapsuleront les
réponses apportées aux exigences de la CSDDD.
Pour conclure, les États membres devront adopter et publier, au plus tard le 26 juillet 2026, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive.