Extrait de l’Analyse
& Synthèse
Une progression modérée
des bilans bancaires
Après une croissance de
2,8% en 2022, le total de bilan prudentiel agrégé des six principaux groupes
bancaires français a enregistré une progression de 1,4% en 2023 pour s’établir
à 8 508 Mrds€.
Cette progression est
notamment liée :
- Aux encours de
crédits aux ménages et aux entreprises non financières, qui ont continué à
croître en 2023, mais moins rapidement que les dépôts de ces contreparties.
- À l’augmentation des
encours de titres de dettes détenus, qui ont progressé de 14,5%.
- À un refinancement de
marché qui se substituent aux TLTROS (Targeted Long-Term Refinancing Operations
– TLTRO) : l’année 2023 a été marquée par le remboursement des ressources
obtenues par les banques dans le cadre des opérations de refinancement à long terme
de la Banque centrale européenne. Ce poste a diminué de 54%, remplacé notamment
par des émissions de titres (+250 Mrds€). Ce remplacement a en revanche un coût
en termes de charges d’intérêts, qui pèsent sur la marge nette d’intérêts.
Une contraction de la
marge nette d’intérêt qui pèse sur les revenus des banques
Après une année
historique en 2022, avec un Produit Net Bancaire (PNB) de 151,9 milliards
d’euros, les banques françaises enregistrent un recul de leurs revenus de 3,3%,
le PNB s’établissant à 146,9 Mrds€. Cette diminution provient
principalement de la faiblesse de la Marge Nette d’Intérêts (-8,6%) qui recule
à 63,9 Mrds€.
Différents effets
conjoncturels et structurels se sont conjugués :
- Effets conjoncturels
: inflation et hausse rapide des taux d’intérêt qui ont pesé sur la demande de
nouveaux crédits à l’actif et entraîné des arbitrages entre dépôts à vue et
dépôts rémunérés au passif, en dépit du gel du taux du Livret A ; remplacement
des TLTROs par des émissions de titres de dettes plus coûteuses ;
- Effets structurels :
majorité de prêts à taux fixe à l’actif, qui ne bénéficient de la hausse des
taux qu’à mesure que l’encours de crédit, fonction de la demande, se renouvelle
; au passif, poids important de l’épargne réglementée dont la rémunération a
augmenté.
La diversification des
sources de revenus des banques françaises a toutefois permis de limiter
l’impact de la baisse de la MNI sur le PNB.
Avec des charges
d’exploitation maîtrisées et un coût du risque faible, la baisse du PNB est le
principal facteur explicatif des faibles niveaux des indicateurs de rentabilité
En dépit du contexte inflationniste, les charges d’exploitation restent maîtrisées et n’augmentent que très peu (+0,4% sur un an) à 105,5 Mrds€. Elles représentent 1,24% du bilan moyen, une proportion plus faible que celle des pays de la zone Euro.
Le coût du risque reste
faible à 10,02 Mrds€ et s’inscrit en baisse de 6,8%. Cette faiblesse du coût du
risque s’explique en partie par l’octroi de crédits majoritairement à taux fixe
ce qui protège les emprunteurs des variations de taux et préserve en partie
leur solvabilité.
Les premiers signes de
dégradation de la qualité des actifs apparaissent sur le portefeuille des
sociétés non financières
La dégradation de l’environnement macro-économique et du contexte international, l’inflation et la remontée des taux au cours de l’année 2023, se sont traduits par des premiers signes de détérioration de la qualité des actifs. Plusieurs caractéristiques du marché français permettent néanmoins de limiter les risques d’augmentation des défauts, en particulier la proportion importante de prêts à taux fixes, qui protège les emprunteurs dans un contexte de hausse des taux.
Le montant d’encours de prêts non performants (non-performing loans – NPL) progresse par rapport à 2022 (+1,5%). Le taux de NPL augmente ainsi légèrement à 1,94% fin 2023. Cette hausse est portée par les encours aux sociétés non financières (SNF), dont le taux de NPL monte à 3,58% sous l’effet de la normalisation, c’est-à-dire le retour à des niveaux pré-Covid, des défaillances d’entreprises.
Malgré cette légère
dégradation, au global, le taux de NPL des banques françaises se maintient au
niveau de la moyenne européenne.
Une situation
prudentielle toujours solide, en solvabilité comme en liquidité.
Le ratio de solvabilité
des fonds propres de base de catégorie 1 (common equity tier 1, CET1) des six
principaux groupes bancaires français s’élève à 15,5% à fin 2023 ; il est en
augmentation par rapport à fin 2022. Les banques françaises continuent
d’afficher un ratio CET1 relativement élevé par rapport à leurs pairs
étrangers. Au global, la marge en capital qui résulte de l’application de
l’ensemble des exigences réglementaires et dont disposent les grandes banques
françaises reste confortable, à 5,1%. Les banques françaises respectent les
exigences en matière de ratios de capacité totale d’absorption des pertes. Les
six principaux groupes bancaires français ont également présenté une situation
de liquidité résiliente au cours de l’année 2023, malgré les défaillances des
banques régionales aux États-Unis et celle de Crédit Suisse.
Des risques financiers
toujours prégnants en 2024
Les revenus des principales banques françaises au premier trimestre 2024 confirment la tendance observée en 2023 : toujours contrainte par la faiblesse de la demande de nouveaux crédits et le coût des passifs, la marge nette d’intérêt n’augmente pas. En revanche, les commissions progressent encore et les résultats des activités de marché sont élevés.
Aussi, la croissance du PIB français devrait rester faible (moins de 1%) comme en 2023. Cette croissance limitée pour la seconde année consécutive pèse sur la soutenabilité de la dette des agents non financiers – entreprises et état notamment. Les signes de dégradation de la qualité des crédits bancaires aux SNF se confirment au premier trimestre 2024.
La récente baisse annoncée par la BCE des taux directeurs pourrait jouer un rôle positif sur la reprise de la demande de crédits, favoriser ainsi le renouvellement des encours et la hausse de la marge nette d’intérêts. Ces perspectives sont néanmoins soumises aux aléas géopolitiques qui constituent une source d’incertitudes très forte tout en exacerbant le risque de menaces d’attaques cyber.
Au-delà des risques conjoncturels et cycliques, les banques doivent également poursuivre leurs efforts pour mieux prendre en compte les risques financiers structurels liés aux transitions numérique et climatique.