Résumé
Dans le contexte de
poursuite de la remontée des taux d’intérêt, le marché de l’immobilier français
a poursuivi son repli en 2023 :
• la majeure partie de la hausse des taux de
marché s’est répercutée sur les taux des crédits à l’habitat, qui ont atteint
4,04% en décembre 2023 (+1,92 pt par rapport à décembre 2022), leur plus haut
niveau depuis mars 2012 ;
• la production annuelle de crédits à l’habitat
s’est élevée à 152,9 Mrds€ en 2023, soit une baisse de 41,1% par rapport à 2022
;
• les encours de prêts à l’habitat en France
ont enregistré une croissance de 0,9% sur l’année, contre 5,5% un an plus tôt
;
• les prêts ayant pour objet l’acquisition
d’une résidence principale restent largement prédominants : ils ont représenté
78,9% des nouveaux crédits (hors prêts relais) en 2023.
Le début de l’année
2024 est marqué par des évolutions plus favorables. Les taux d’intérêt des
nouveaux crédits à l’habitat s’inscrivent en nette baisse, soit 3,83% en mai
2024, en repli de 0,34 pt par rapport au point haut atteint en janvier 2024,
tandis que l’ajustement des prix de l’ancien en France métropolitaine se
poursuit. Un redémarrage progressif de la production de nouveaux crédits à
l’habitat s’observe ainsi à partir du mois d’avril.
Le niveau d’endettement
des ménages français décroit pour la première fois depuis près de 25 ans mais
se maintient à un niveau élevé et supérieur à ceux des autres pays européens :
en décembre 2023, il atteint 97% du revenu disponible brut, un chiffre en
baisse de 5 pts par rapport à décembre 2022 mais qui reste nettement supérieur
à la moyenne de la zone euro (88%).
Les évolutions de ce
niveau d’endettement comme le relâchement des conditions d’octroi ont motivé le
Haut conseil de stabilité financière à transformer, à partir de janvier 2022,
la recommandation émise fin 2019 en une norme macro prudentielle contraignante.
Cette mesure a permis d’améliorer plusieurs facteurs de risque mesurés à
l’octroi. Les données collectées par l’ACPR montrent en effet que la part
des crédits les plus risqués dans la production nouvelle se maintient à des
niveaux inférieurs à ceux observés en 2020 :
• la part des prêts aux ménages dont le taux
d’effort excède 35% s’élève à 14% en 2023, un pourcentage en légère hausse de
0,3 pt par rapport à 2022 mais toujours très inférieur au niveau observé en
2020 (29,3%) et ce malgré la hausse des taux d’intérêt ;
• la part des prêts dont la maturité excède 25
ans s’élève à 6,7% en 2023, un pourcentage en légère hausse de 0,7 pt par
rapport à 2022 mais toujours nettement inférieur au niveau observé en 2020
(10,7%).
Ainsi, la part des
prêts qui dépassent les seuils fixés par la décision du HCSF s’élevait
globalement à 15,4% au T4 2023, un pourcentage sensiblement inférieur à la
marge de flexibilité de 20% admise par la décision.
Les critères d’octroi
moyens des nouveaux crédits accordés en 2023 présentent en outre les
caractéristiques suivantes :
• Le montant moyen des prêts a reculé de 6,3%
sur un an pour atteindre 196 800€, reflétant la baisse de la capacité
d’emprunt d’une partie des emprunteurs.
• La durée moyenne s’est stabilisée, avec une
légère hausse de 1,8 mois à 22,3 ans.
• Le taux d’effort moyen a augmenté, de 0,7 pt
à 30,7%, traduisant la progression de la charge d’intérêt.
• La baisse du montant moyen des prêts,
combinée à la stabilisation de la durée moyenne, se traduisent par une baisse
assez nette du taux d’endettement (-6 mois à 4,6 années de revenus), cet
indicateur n’intégrant toutefois pas la charge d’intérêt.
Sur les premiers mois de 2024, on observe une poursuite de la baisse du montant moyen de prêt, du taux d’endettement moyen et de la LTV moyenne, tandis que l’évolution des autres indicateurs (durée moyenne, taux d’effort) marque également une inflexion à la baisse. Ainsi, entre le T4 2023 et le T1 2024 (données trimestrielles) :
• le montant moyen des prêts continue de
reculer, de 4,9% à 175 500€.
• la durée moyenne recule légèrement à 22,1 ans,
soit -0,7 mois.
• le taux d’effort moyen recule de 0,2 pt à
30,7%, tandis que la part des prêts dont le taux d’effort excède 35 % est
quasi stable de +0,1 pt à 15,3%.
• le taux d’endettement comme la LTV moyenne
s’inscrivent en baisse, respectivement -1,4 mois à
4,3 ans et -1,7 pts à 75,8%.
Le marché français des
crédits à l’habitat bénéficie de fondamentaux qui restent sains ; en
particulier :
- Ces crédits sont presque exclusivement
octroyés à taux fixe (99% de la production en moyenne en 2023), limitant ainsi
les risques liés à la remontée des taux sur la solvabilité des emprunteurs.
- La politique d’octroi repose en outre sur l’appréciation de la solvabilité de l’emprunteur et non sur la valeur de marché du bien financé, limitant ainsi les phénomènes d’amplification financière. L’encadrement du taux d’effort à l’octroi par le HCSF pour 80% de la production permet en outre de limiter les pressions dans ce domaine.
- La quasi-totalité de l’encours (97 %)
bénéficie d’une garantie, notamment de type caution ou hypothèque, permettant
de limiter les pertes pour les banques en cas de défaut de l’emprunteur ; la
part de l’hypothèque est très minoritaire, ce qui réduit les risques
pro-cycliques de contagion entre une éventuelle détérioration rapide de la
solvabilité des emprunteurs et les prix de marché.
- Au total, les risques demeurent contenus,
comme en témoigne la faible sinistralité des crédits.
L’exploitation des reportings mis en place à la demande du HCSF pour suivre la tarification du crédit immobilier fait apparaître des marges à l’octroi, telles que déclarées par les établissements négatives mais qui se sont redressées en 2023. Cette évolution s’explique par la hausse plus marquée des taux des crédits octroyés, qui sont passés en moyenne de 1,79% au T4 2022 à 3,72% au T4 2023. Ce redressement s’est poursuivi au T1 2024 où l’on observe un retour à des marges à l’équilibre pour la première fois depuis 2 ans.