Le groupe Altares, expert historique et référent de la donnée d’entreprises, publie les chiffres des défaillances d’entreprises en France pour le 2e trimestre 2024. Le nombre d’ouvertures de procédures de sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire de ce printemps est élevé (16 371), très au-dessus de la moyenne observée de 13 700 sur les décennies 2000 et 2010.
Ce nombre découle d’une
conjoncture ralentie et du rattrapage d’une partie des défauts évités pendant
la crise sanitaire grâce aux aides. Pour autant, la hausse des sinistres
décroit et retombe à +23% contre +35% il y a un an (et même +49% en juin 2022).
Cette décélération est très marquée dans plusieurs activités du B2C.
Si trois quarts des
défauts concernent des microentreprises de moins de 3 salariés, la tendance la
plus forte est observée chez les PME de 50 à 99 salariés dont les défaillances
augmentent deux fois plus vite que la moyenne. A noter qu’en dehors des trois
plus gros employeurs, le nombre d’emplois menacés tombe à 52 700 soit seulement
1 400 de plus (+2,7%) qu’un an plus tôt.
- Les employeurs de 50
à 99 salariés plus vulnérables sur ce T2.
- Le bâtiment toujours
en très grande difficulté.
Mais …
- Le point haut semble
atteint, le reflux se confirme au fil des mois.
- Le commerce de détail
d’habillement ou la boulangerie repassent au vert, la restauration se
stabilise.
Thierry Millon,
directeur des études Altares, rappelle : « Le premier trimestre signait l’amorce
d’un ralentissement de la hausse des défauts, le deuxième la confirme. Une
partie seulement des entreprises, alors épargnée grâce aux aides, est
aujourd’hui rattrapée par le train des faillites. Ce 2e trimestre 2024 en est
encore l’illustration avec « seulement » 2 600 procédures de plus que la
moyenne long terme. Cette situation confirme le scénario d’un plateau avec une
conjoncture qui peine à retrouver un second souffle mais qui va redescendre
progressivement. Une stabilisation se dessine sur les trois derniers mois avec
5 500 procédures mensuelles. Les activités liées à la consommation, qui avaient
connu des pics de défaillances parfois historiques comme dans la coiffure,
inversent enfin la tendance. Néanmoins, la crise de l’immobilier pèse sur de
nombreux acteurs, en particulier dans la construction. Le gros-œuvre et le
second-œuvre concentrent ainsi à eux-seuls une procédure sur cinq. »
Un trimestre au plus
haut mais des prémisses d'un retour possible à la normalité
16 371 entreprises sont
tombées en défaillance entre le 1er avril et le 30 juin 2024 ; seuls les 2e
trimestres 2009 (crise financière) et 2013 (crise des dettes souveraines)
avaient également franchi la barre des 16 000 défauts. La hausse est ramenée à
+23% alors qu’elle était deux fois plus rapide à fin juin 2022 (+49%) et encore
très forte il y a un an (+35%).
Avec 416 jugements
enregistrés ce trimestre, le nombre de procédures de sauvegarde est en retrait
de 3,5%.
A l’inverse, les
redressements judiciaires (4 817) sont en hausse (+39%) et concentrent
désormais près de 30% des jugements, retrouvant ainsi les taux d’avant Covid.
Le rythme ralentit en
revanche pour les ouvertures de liquidation judiciaire dont le nombre (11 138)
augmente de 18,9% et représente 68% des défaillances, loin des 75% qui
prévalaient durant la crise sanitaire.
En données glissées sur
12 mois, la barre des 61 000 cessations de paiement a été franchie en mai et
celle des 62 000 le sera en juillet.
Nombre de défaillances
d’entreprises par type de procédure par trimestre
(Données arrêtées au 1er juillet de chaque année)
La situation s’améliore
pour les ETI et PME à l’exception notable de celle de 50 à 99 salariés.
Les trois quarts des
défaillances (12 000) concernent des microentreprises de moins de 3 salariés
qui enregistrent une augmentation des défauts de 26,4%. Ces structures, dont
près d’un quart se situe dans la restauration ou le second œuvre du bâtiment, ne
sont pas particulièrement récentes. Ainsi, plus de six sur dix ont été créées
avant le 1e confinement sanitaire.
Les PME de 50 à 99
salariés sont en revanche sévèrement touchées. Elles affichent une augmentation
très rapide du nombre de défauts (+48%) et elles subissent également une forte
poussée des liquidations judiciaires (+91%), 30% de ces 80 PME se concentrent
dans deux activités, le transport routier de marchandises et la sécurité
privée.
La situation se détend
sensiblement pour les PME de taille plus importante et les ETI. 45 structures
d’au moins 100 salariés ont fait défaut, un nombre en retrait de près de 17%
par rapport au 2e trimestre 2023. Peu nombreuses, ces sociétés menacent néanmoins
près de 25 000 emplois (environ un tiers de la totalité des emplois menacés ce
trimestre).
En effet, 69 500
emplois sont menacés ce trimestre, un nombre important en augmentation de 25%
sur un an. Un chiffre qui s’explique par l’ouverture de procédures collectives
sur trois sociétés de plus 1000 salariés.
Les plus jeunes
entreprises résistent mieux que leurs ainées.
A peine plus d’une
entreprise défaillante sur dix a été créée il y a moins de 3 ans. 1839
structures de cette tranche d’âge ont défailli, un nombre en augmentation de «
seulement » 11%.
Dans les autres
tranches, la tendance varie peu autour de +25%. Les entreprises de plus de 15
ans sont marquées par une hausse des défaillances de plus de 27% sur un an. Et
ce sont les entreprises créées depuis plus de 50 ans qui sont les plus
impactées (+37% ; 107 entreprises).
Davantage d’activités
basculent dans le vert, surtout dans le B2C, mais la construction reste très
impactée.
Les activités dans le
vert ou mieux orientées
1/ Dans le B2C, les
défaillances reculent pour plusieurs activités
• Plus
de 250 boulangers ont encore défailli ce trimestre mais ce chiffre est en recul
de 1,2% confirmant la trajectoire plus favorable amorcée en début d'année 2024.
• La
restauration traditionnelle reprend son souffle avec 777 procédures ouvertes
(+1,3%) ce deuxième trimestre, soit seulement une dizaine de plus qu’un an plus
tôt. La situation ne s'inverse en revanche pas dans la restauration rapide qui
compte 824 jugements (un nombre en augmentation de 27,6%).
• Moins
d'une trentaine de supermarchés ont fait défaut, c'est 45% de moins sur un an.
• L'amélioration
se dessine ce 2e trimestre dans le commerce de prêt-à-porter qui enregistre à
peine plus de 250 procédures un nombre en retrait de 7,7%.
• La
coiffure poursuit son long rétablissement mais compte encore près de 300
procédures soit 5,7% de plus sur un an. La situation est plus tendue pour les
salons de beauté qui comptent 168 procédures, en augmentation de 18,3%.
• Avec
moins de 40 procédures ouvertes la parfumerie au détail semble plus épargnée
(-20,8%).
• L’action
sociale et la santé humaine évoluent également favorablement. C'est notamment
le cas dans les activités d'aide à domicile ou les crèches. La situation est en
revanche plus tendue dans les activités d'infirmiers.
• Les
activités récréatives sont dans le vert notamment les activités liées au sport
dont les centres de culture physique.
2/ Le B2B aussi compte
quelques activités dans le vert.
• 26
entreprises de mécanique industrielle ont fait défaut, c’est 2 entités de moins
qu’il y a un an. Le recul est du même ordre dans l’installation de machines ou
de structures métalliques.
• Dans
les services aux entreprises la situation se détend pour les agences de
publicité (72 ; -11%) et de relations publiques (41 ; -2%).
Les services
d'aménagement paysager comptent toujours plus d'une centaine de procédures
(106) mais ce nombre recule de près de 4%.
Les activités encore à
la peine voire en fortes difficultés
• Dans
l’agriculture, les tensions se concentrent dans la culture de la vigne (50 ;
+78%) et de l’élevage de vaches laitières (25 ; +150%).
• Dans
le commerce de détail, la situation reste compliquée ce trimestre pour le
véhicule automobile (300 : +30%), le meuble (85 ; +60%), la pharmacie (30 ;
+76%). Dans le commerce de gros, la plupart des activités sont dans le rouge,
notamment la boisson (34 ; +79%) ou le mobilier domestique (16 ; +45%).
• L’industrie
manufacturière dérape sensiblement dans la récupération de déchets triés (17
sociétés ; +89%) mais aussi la fabrication de matériel médico-chirurgical et
dentaire (29 ; +61%).
• Les
services informatiques se tendent dans le conseil en systèmes et logiciels
informatiques (111 ; +59%)
• Les
transports routiers de fret interurbains (183 ; +39%) comme de fret de
proximité (261 ; +43%) sont nettement dans le rouge.
• Dans
les services aux entreprises, le nombre de défaillances augmente encore
rapidement dans le nettoyage courant des bâtiments (177 ; +34%) ou la sécurité
privée (110 ; +45%)
• Mais c’est la construction qui présente les tendances les plus lourdes et dans un plus grand nombre d’activités. Ainsi, la maçonnerie a-t-elle ravi à la restauration le fauteuil de leader des défauts du trimestre. 850 maçons sont tombés ce trimestre, c’est 38% de plus qu’au cours du 2e trimestre 2023.
Dans
le gros œuvre, la construction de maisons individuelles a enregistré 274
procédures (+ 54,8%). Le second œuvre n’est pas épargné. Les travaux
d'installation électrique offrent la meilleure résistance (299 ; +10%), mais
les autres activités subissent fortement la conjoncture. C’est le cas notamment
des travaux de plâtrerie (215 ; +50%), de menuiserie bois et PVC (260 ; +60%)
ou de travaux d'installation d'équipements de climatisation (163 ; +87%).
Les Travaux Publics
sont alignés à la moyenne générale (210 ; +23,5%).
Les agences immobilières (290) enregistrent toujours des tendances lourdes (+58%).
De meilleurs signaux
mais une trajectoire encore compliquée.
Thierry Millon conclut : « Ce trimestre a été un des plus lourds qu’a connu notre économie. Cependant, les signaux positifs observés au cours du premier trimestre sur le B2C s’amplifient ce printemps. Ainsi est-il possible d’envisager un ralentissement plus franc des défaillances dans les mois à venir. Néanmoins, la faiblesse de la conjoncture handicape les sociétés fragilisées par une dette Covid non entièrement réglée. Si les PME et ETI présentent globalement une vulnérabilité moindre que lors des mois précédents, les PME restent en fragilité. Car certaines PME de taille « moyenne » présentent des structures financières insuffisantes pour pouvoir rivaliser sur les appels d’offres ou financer leurs développements. Dans une économie en panne, il est difficile de tenir pour ces employeurs de nos territoires. L’hypothèse des 64 000 défauts pour 2024 partagée en début d’année reste à ce stade envisageable. »