Par Virginie Saks et François Verrecchia, co-fondateurs de Compagnum, dirigeants engagés membres des Centre des jeunes dirigeants et Forces Françaises de l’Industrie, intervenants à l’université de Paris et l’institut Léonard de Vinci.
La montée des extrêmes témoigne d'une France profondément divisée et fracturée.
- Fracture, d’abord, entre la France des métropoles et les villes moyennes qui voient une percée sans précédent du Rassemblement national, symbole d'un exécutif jugé lointain et "hors sol".
- Fracture, ensuite, au sein même des bureaux de vote où le
Rassemblement National et le LFI sont arrivés en tête.
Ce sont deux visions de
la France irréconciliables, sur le travail, sur le pouvoir d'achat, sur nos
frontières, sur l'Europe... Des citoyens qui semblent ne plus avoir rien en
commun, avec la crainte d'une implosion sociale sur fond d'agressivité et de désespérance.
Ou alors trouver la force d'apaisement des territoires ?
Une seule réponse : au
sein de l’entreprise. Jamais le rôle de cohésion sociale de l'entreprise sur
son territoire n'a été aussi fort ; l’entreprise offre de la stabilité et du
sens à l’échelle locale.
Stabilité : de la TPE au grand
groupe, l'entreprise a besoin de stabilité pour prospérer. Inlassablement, elle
tend ainsi vers un apaisement propice à l'activité et à l'entente sociale. Sens
: chaque collaborateur y trouve son utilité, y reçoit la reconnaissance de ses
pairs et y trouve l'estime du travail accompli. Grâce à des politiques
volontaristes, elle donne les moyens à ses collaborateurs d’être des acteurs du
changement et de l’apaisement.
"Qu'est-ce qu'on
est bien dans l'entreprise !", clamait alors le 10 juin Emery
Jacquillat, président de la Communauté des Entreprises à Mission.
Cohésion territoriale,
oui, mais à une seule condition : que les entreprises endossent cette
responsabilité. Parmi les ETI, 80% d’entre elles estiment devoir agir au niveau
local : mécénat, formation des jeunes et des seniors, protection de la
biodiversité locale… Selon l’Admical, association experte en mécénat
d’entreprise, 87% des ETI mécènes privilégient ainsi le soutien à des actions
menées sur leur territoire d’implantation. La fondation Nature et Découverte,
par exemple, sélectionne chaque année une centaine de projets locaux ; chaque
magasin choisit son projet local qu’elle soumet ensuite à ses clients via
l’Arrondi en caisse.
Du côté des grands
groupes, certains affichent un impact majeur sur les territoires ; par exemple, LVMH
contribue à la protection de savoir-faire industriels locaux avec
l’installation continue de nouveaux ateliers dans de nombreux territoires en
France (Indre, Ardennes, Drôme, Maine-et-Loire, Limousin, Dordogne). Le groupe
AXA soutient l’association Fratries pour proposer des logements en coliving
pour les personnes en situation de handicap et jeunes actifs. Idem du côté des
start-up qui ont pris conscience de l’attente des territoires : Start
industrie, fédération des start-up industrielles, affirme que 2⁄3 d'entre elles
se situent hors de l’Ile-de-France. En Isère, des entreprises de la start-up au
grand groupe (Verkor, Soitec, Schneider…) ont créé le fonds de dotation Sésame
qui œuvre pour la réinsertion professionnelle au niveau local.
Ces initiatives sont
louables ; mais elles sont insuffisantes. En réalité, rares sont les entreprises
qui affichent une réelle stratégie vis-à -vis de leur territoire. Pourtant, il
s’agit tout autant d’un engagement social que d’un outil stratégique de
production sur lequel il faut investir : les infrastructures du territoire
(mobilité, immobilier, traitement des eaux usées…) sont des leviers de
compétitivité, le bassin d’emploi local permet de faire face au déficit
structurel de main d'œuvre. De même, le territoire infra-national est rarement
détaillé dans les politiques RSE ; tout au plus est-il le terrain d’actions
sans chercher à répondre à un enjeu local spécifique. Or les sujets ne manquent
pas : maintien de l’emploi, sobriété foncière, énergie locale, préservation de
l'eau, réemploi, démocratie locale… avec des actions générant des résultats
tangibles et mobilisateurs à l’extérieur comme à l’intérieur de l’entreprise.
Alors, espérons que
l’actuelle déroute démocratique fera l’effet d’un choc des consciences pour
passer la seconde. L’entreprise n’a d’autre choix que de s’engager davantage
pour la cohésion des territoires afin d’assurer sa propre pérennité.
L’entreprise devra assumer une stratégie de responsabilité territoriale,
méthodique, avec un diagnostic territorial, de nouveaux plans d’actions adaptés
et des méthodes de concertation citoyenne. Une nouvelle brique “territoire”
dans leur budget et leur plan stratégique, avec de nouveaux codes de
communication pour donner confiance à des milliers de riverains.
Plutôt que de se désoler de nos territoires, montrons plutôt aux Français ces milliers d’entreprises ont choisi la France. Entreprendre en France est un engagement éminemment citoyen, qui garantit la qualité de vie quotidienne de quelque 70 millions de Français au cœur des territoires. Entreprises, engagez-vous (plus) pour vos territoires !