L’analyse de Laurent
Chaudeurge, Porte-Parole de la Gestion de BDL Capital Management
A partir de décembre
2024, à la suite de la loi « industrie verte », les contrats d’assurance-vie en
gestion pilotée (30-35% des encours) seront tenus d’intégrer au moins 1% de
fonds non cotés dans leurs allocations. Ce pourcentage minimum augmentera ensuite
progressivement.
1% est un montant avant
tout symbolique, mais le symbole est important car il reflète un état d’esprit
qui s’est propagé auprès des décideurs politiques : « il faut favoriser le non
coté car c’est lui qui finance les entreprises ». En somme, le politique
réserve la spéculation aux marchés côtés, et l’investissement aux marchés non
cotés.
Cette vision des choses
est fausse et affaiblit le développement d’un capitalisme transparent et
démocratique. Délaisser l’investissement coté c’est à la fois priver de
financement des entreprises de croissance, favoriser l’opacité plutôt que la
visibilité et réduire la liquidité de l’épargne des citoyens français.
Ceux qui voient les
variations des cours de bourse comme le simple reflet d’un casino géant se
trompent lourdement. Les marchés cotés sont les premiers fournisseurs de
financement de l’économie, avec un horizon d’investissement à long terme, une
transparence et une liquidité inégalées.
Par le mécanisme des
introductions en bourse et des augmentations de capital, les marchés cotés
financent les besoins des entreprises, petites ou grandes, de la même manière
que le fait le non coté. Mais il existe une différence importante, ce
financement n’est pas conditionné à une date butoir, à l’inverse du non coté où
les participations sont souvent détenues pour 5 à 7 ans. Contraint par cet
horizon de temps raccourci, le non coté augmente l’endettement des entreprises
et les incite à faire des choix entre la pérennisation de l’outil industriel et
la hausse de la rentabilité à court terme.
Les marchés cotés sont
aussi plus transparents et plus exigeants car ils imposent des contraintes de
reporting beaucoup plus importantes que dans le non coté. En cela, ils offrent
à l’épargnant ce qui se fait de mieux en termes de diversification, de visibilité
et de liquidité de l’épargne.
Ce dernier point est
crucial et toujours sous-estimé. Les cours de bourse qui varient tous les jours
reflètent la possibilité, pour l’épargnant, d’acheter ou céder tout ou partie
de ses participations à tout instant. Si un besoin urgent survient, l’épargnant
reçoit du jour au lendemain ses liquidités pour y faire face. C’est l’avantage
unique des marchés cotés. Cet avantage est ignoré la plupart du temps mais sa
valeur est inestimable en période de crise. Récemment, on l’a vu sur le marché
immobilier avec les SCPI. Alors que chacun pensait pouvoir récupérer ses
liquidités aisément, beaucoup se retrouvent bloqués indéfiniment.
Le propos n’est pas
d’encenser le coté et de décrier le non coté. Il est simplement de dénoncer des
contre-vérités pour que les pouvoirs publics prennent les bonnes décisions
quant aux choix à faire pour l’épargne des français et pour le financement de nos
entreprises et de nos priorités stratégiques.
En réalité, le vrai
débat n’est pas coté vs non coté mais est actions vs obligations. A peine 5% de
l’épargne des français est investie en actions cotées, alors que c’est de loin
la meilleure classe d’actifs à long terme. C’est quatre fois moins qu’aux
Etats-Unis. On se demande pourquoi, sur longue période, les Américains
s’enrichissent plus vite que nous mais la réponse est claire : le citoyen
américain finance la croissance des entreprises américaines pendant que le
citoyen français finance le déficit budgétaire de l’Etat français.
Les pouvoirs publics ont donc un conflit d’intérêt majeur. Alors qu’ils devraient inciter les Français à placer une partie beaucoup plus importante de leur épargne en actions, ils ne peuvent le faire car ils fragiliseraient le financement des 3 100 milliards de dette de l’Etat Français. Pour résoudre ce dilemme et conserver les apparences, ils annoncent que 1% de l’épargne devra être placée dans les entreprises non cotées. Mais il ne faut pas s’y tromper, cette décision symbolique ajoute de la dette privée et de l’illiquidité dans le système, envoie un mauvais message concernant la fonction des marchés cotés et ne règle en rien le problème de l’épargne des Français.