La prévention et le réemploi : « les grands oubliés » de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire.
La
prévention de la production de déchets et le réemploi sont les « grands oubliés
de la mise en œuvre de la loi AGEC » selon la récente mission d’information
portant sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020
relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi
AGEC.
Les rapporteurs de
cette mission, les députés Véronique Riotton et Stéphane Delautrette
considèrent en effet que « la loi AGEC, [qui a] souvent été considérée comme
ambitieuse et pionnière […], doit pourtant encore faire ses preuves ».
Il leur semble donc indispensable de développer « une vision globale et partagée visant la prévention » et qui s’appuierait entre autres sur la réduction des mises en marché, la réparation pour allonger la durée de vie des produits et le réemploi.
L’Union pour le
Réemploi Solidaire salue ce rapport qui fait écho aux différentes propositions
en matière de réemploi et prévention portées par les acteurs du réemploi
solidaire.
1. Réguler les mises en
marché
Il est aujourd’hui
indispensable de réguler les mises en marché, en particulier de produits de
mauvaise qualité ayant une durée de vie restreinte afin d’encourager le
développement des filières de seconde vie des objets. Tant que les produits
neufs mis sur le marché seront vendus à des prix dérisoires, les équipements de
seconde main ne pourront être compétitifs, et les structures spécialistes de la
vente d’objets issus du réemploi peineront toujours à trouver un modèle
économique durable.
2. Allouer plus de
moyens aux acteurs du réemploi solidaire
La pérennisation du
modèle économique des acteurs du réemploi solidaire est un levier essentiel à
la généralisation du réemploi et de la réutilisation. Ces acteurs historiques,
à l’origine de ces filières, contribuent chaque jour à sensibiliser les citoyens
à la réduction des déchets et prennent en charge tout type de produits donnés
par les habitants, qu’ils soient en bon ou en mauvais état, et peu importe leur
valeur. La création des fonds réemploi par la loi AGEC, exclusivement fléchés
vers les acteurs de l’économie sociale et solidaire, constitue une réelle
avancée pour structurer ces activités mais les moyens alloués restent encore
loin des montants nécessaires au maintien et au développement de ces activités.
L’Union pour le Réemploi Solidaire soutient donc pleinement la proposition
faite par les rapporteurs de cette mission de consacrer au moins 10% des
éco-contributions aux fonds réemploi.
3. Repenser la
gouvernance des filières REP
Les rapporteurs
recommandent de revoir la gouvernance des filières REP en redonnant un rôle de
planification à la Commission inter filières REP, et en mettant en place une
instance indépendante de contrôle et de régulation des filières REP en charge
de contrôler l’atteinte des objectifs fixés par les cahiers des charges et de
prononcer les sanctions adéquates d’autre part. Il est urgent que des sanctions
réellement incitatives soient appliquées pour inciter les éco- organismes à
respecter les obligations fixées par la loi ainsi que les objectifs fixés dans
leur cahier des charges, en particulier la dépense effective des 5% minimum
orientés vers les fonds réemploi en ce qui nous concerne.
4. Soutenir les besoins
en formation des métiers de la réparation et du réemploi
Le rapport préconise de
réaliser un travail conjoint avec France Travail et les opérateurs de la
formation pour mieux faire connaître les métiers de l’économie circulaire au
public et créer davantage d’offres de formation. Il invite à flécher une partie
des montants des fonds réparation pour cofinancer la formation au métier de
réparateur. A l’heure où une grande part des salariés des structures de
réemploi solidaire sont des salariés en parcours d’insertion (majoritairement
sans qualification), cet enjeu est d’autant plus prégnant.
L’Union pour le
Réemploi Solidaire se félicite de ces recommandations dans la mesure où :
- Le réemploi est
intrinsèquement lié à la réparation qui se développe de plus en plus dans les
structures du réemploi solidaire ;
- L’Union travaille à
la création de l’Ecole nationale du réemploi solidaire qui visera à proposer
une offre commune de formations aux différents métiers du réemploi solidaire :
collecte, tri, remise en état, vente et sur l’ensemble des filières de biens de
consommation.
5. Garantir l’accès à
des gisements de produits de qualité
L’Union pour le
Réemploi Solidaire s s’inquiète néanmoins de la faible importance accordée à la
nécessité de garantir aux acteurs du réemploi solidaire ayant une utilité
sociale avérée et un ancrage territorial fort des gisements de qualité. Souvent
conventionnées au titre de l’insertion par l’activité économique, ces
structures ont besoin de produits de qualité pour équilibrer leurs modèles
basés sur l’accompagnement de publics précaires. Dans un contexte de
concurrence croissante sur les marchés de seconde main des produits, ceux de
bonne qualité sont de plus en plus revendus par lots et captés par les acteurs
lucratifs. Or, les structures du réemploi solidaire, qui sont pour la plupart non lucratives, ne disposent pas des ressources financières pour accéder à ces
gisements, et risquent alors de ne récupérer que les produits à faible valeur
ajoutée. Afin de leur permettre de continuer à opérer des activités de
prévention des déchets sur l’ensemble des produits, il est donc essentiel de
leur garantir un accès à des produits de qualité.