La nouvelle campagne de visites mystère réalisée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) entre septembre 2023 et mars 2024 auprès de conseillers des établissements bancaires fait le constat d’un recueil encore parcellaire des préférences de durabilité des clients. Ceci peut s’expliquer par le fait que cette campagne est intervenue un an après l’entrée en application de l’obligation de recueillir les préférences des clients en matière de durabilité (août 2022), mais au moment de l’entrée en vigueur des orientations de l’ESMA venant en préciser les modalités (octobre 2023).
L’AMF
mène depuis 2010 des campagnes de visites mystère, en agences bancaires ou en
ligne, afin d’observer les pratiques de commercialisation des instruments
financiers, ainsi que la bonne application de la directive sur les marchés
d’instruments financiers (MIF 2) visant à renforcer la protection des
investisseurs. Ces visites sont réalisées par un institut d’études spécialisé,
à partir d’un scénario défini par l’AMF. Elles ne correspondent pas à un
exercice de contrôle, mais constituent un outil de veille et d’amélioration des
pratiques exercées. Cette dernière campagne porte sur la connaissance du client
et plus spécifiquement sur le recueil de ses préférences en matière de
durabilité au travers de la qualité du questionnement, du conseil délivré ainsi
que de la nature des produits proposés.
Dans
le cadre de cette campagne, 182 visites mystère ont été réalisées dans 12
grandes banques de réseau. Deux profils d’épargnants se sont présentés en
agences bancaires : un profil potentiellement intéressé par la réalisation d’un
investissement durable, ainsi qu’un profil exprimant spontanément son désir
d’investir de façon durable. Dans les deux cas, le visiteur mystère disposait
d’une épargne financière dont le montant était compris entre 60 000 et 105 000
euros, était à la recherche d’un conseil en investissement et prêt à prendre
des risques pour valoriser son capital dans les dix ans à venir en choisissant
un placement durable.
Intervenue au moment où la réglementation venait d’être précisée, cette campagne de visites mystère fait le constat principal d’une majorité de conseillers bancaires encore peu à l’aise avec le recueil des préférences de durabilité, insuffisamment recueillies auprès du client et expliquées :
-
les préférences de durabilité, si le client en exprime, doivent être
précisément et obligatoirement collectées sur trois axes : la taxonomie, le
règlement européen SFDR pour Sustainable Finance Disclosure Regulation et les «
principales incidences négatives » définies comme les effets négatifs sur les
facteurs de durabilité liés aux décisions d’investissement et aux conseils
fournis. Ces préférences ont été expliquées lors d’un entretien sur deux, le
plus souvent de manière succincte. Leur recueil par le biais d’un
questionnement sur chacun de ces trois axes, a été observé lors de moins d’un
entretien sur cinq ;
-
lors de plus d’un entretien sur deux, les visiteurs mystère ont estimé que les
conseillers rencontrés ont manqué de clarté et de pédagogie, et que dans deux
cas sur trois ils ne connaissaient pas suffisamment le thème de la finance
durable.
Au
total, sur les 182 visites mystère effectuées, 72 ont abouti à une proposition
commerciale et 22 à une souscription.
S’agissant
des rendez-vous ayant abouti à une proposition commerciale :
-
dans près de 70% des cas, les conseillers ont axé leurs propositions sur des
fonds actions labellisés ISR, sans faire de réelle distinction entre les deux
profils de prospects ;
- dans près de 40% des cas, les visiteurs mystère ont estimé que le produit proposé correspondait à leurs préférences en matière de durabilité ;
-
deux conseillers sur trois ont mentionné, le plus souvent spontanément, le
fonctionnement et les caractéristiques des produits durables.
S’agissant
des souscriptions :
-
dans plus d’une visite sur dix, le prospect est devenu client et a souscrit un
produit ;
- dans 9 cas, le conseiller a incité le visiteur mystère à faire seul son choix d’investissement sur internet à partir d’une liste de fonds disponibles ;
- sur les 13 visites avec souscription et conseil, le rapport d’adéquation, obligatoire lorsque le professionnel a recommandé des placements, a été remis lors de 6 rendez-vous.
Au-delà
du recueil des préférences de durabilité, une proportion importante de
conseillers bancaires n’a pas interrogé le visiteur mystère sur les aspects
financiers de façon complète pour établir son profil, alors que la connaissance
de la situation du client constitue une obligation depuis plusieurs années.
Ainsi, par exemple, deux conseillers sur trois l’ont interrogé sur ses projets
et objectifs financiers et un sur deux sur son expérience ou ses connaissances
financières.
La
formation des conseillers bancaires est un élément clé de la mise en œuvre de
la réglementation ainsi que de l’amélioration de la qualité du conseil fourni
aux clients. Il est de la responsabilité des établissements bancaires de
veiller à la bonne compréhension de ces sujets par leurs conseillers. Afin
d’accompagner la place financière, l’AMF met à disposition, dans le cadre de la
certification professionnelle, un module sur la finance durable qui vise à
développer un socle de compétences commun des conseillers et à les mettre en
capacité de collecter les préférences de leurs clients en matière de
durabilité.
Avec l’objectif de permettre une amélioration des pratiques, l’AMF a entamé une série de rencontres avec chacun des établissements visités pour revenir sur les résultats de cette campagne, proposer des axes d’amélioration et évoquer les éventuelles difficultés rencontrées.