CAC 40 : en 2022, les entreprises ont versé près de 4 fois de plus de dividendes à leurs actionnaires qu’elles n’ont investi dans la transition écologique.
Par Alexandre Poidatz, responsable de plaidoyer secteur privé et climat pour Oxfam France et auteur du rapport
Chiffres clés du rapport
- En 2022, les entreprises non financières du CAC 40 ont versé près de 4 fois de plus de dividendes à leurs actionnaires qu’elles n’ont investi dans la transition écologique.
- En 2022, le CAC 40 affichait un niveau moyen d’investissements verts à 11%, soit bien moins que la moyenne européenne à 15%.
- Les entreprises du CAC 40 sont collectivement sur une trajectoire de réchauffement planétaire de 2,7°C.
- Les 4 entreprises non financières les moins alignées avec l’Accord de Paris : TotalEnergies, Safran, Airbus et ArcelorMittal. Celles qui sont le plus susceptibles de respecter l’Accord de Paris : Alstom et Legrand.
- Les 3 entreprises françaises (non financières) avec la plus grande empreinte carbone : Stellantis, TotalEnergies et Airbus.
Privilégier les investissements verts à la rémunération exagérée des actionnaires
Pour la première fois, Oxfam a pu collecter les investissements verts du CAC 40. En 2022, le CAC 40 affichait un niveau moyen d’investissements verts à 11%, soit bien moins que la moyenne européenne à 15%. Pourtant, en parallèle, les bénéfices du CAC 40 ont explosé en quelques années.
Le manque d’investissement s’explique par un modèle court-termiste qui profite majoritairement aux actionnaires et délaissent des investissements tournés vers la transition. En 2022, les entreprises du CAC 40 ont versé près de
4 fois plus de dividendes (et rachats d’actions) à leurs actionnaires qu’elles n’ont investi dans la transition écologique. Bien au-dessus de cette moyenne, les entreprises de l’agroalimentaire telles que Danone, Pernod Ricard et Carrefour ont respectivement versé 420, 41 et 22 fois plus de dividendes à leurs actionnaires qu’elles n’ont investi dans la transition écologique.
Selon Alexandre Poidatz, responsable de plaidoyer secteur privé et climat pour Oxfam France et auteur du rapport « Les multinationales n’ont plus le choix : soit elles continuent de rémunérer excessivement les actionnaires, qui ont touché 76 % de leurs bénéfices en 2022, soient elles choisissent d’allouer leurs investissements au plus grand enjeu du siècle, la lutte pour la survie de la planète ».
Des solutions possibles et accessibles
Afin d’engager la transformation nécessaire, juste et durable de notre société, Oxfam France propose de faire porter le coût de la transition par le plafonnement des dividendes versés aux actionnaires et leur réorientation vers les investissements verts. En 2022, 32% des dividendes et rachats d’actions versés aux actionnaires du CAC 40 auraient suffi à couvrir leurs besoins en investissement dans la transformation écologique.
Certaines entreprises montrent la voie, comme le Crédit Mutuel et la MAIF qui, depuis 2023, consacrent respectivement 10 à 15% de leurs bénéfices à la transition écologique et sociale, grâce à une innovation nommée dividende écologique et sociétal.
Les entreprises du CAC 40 toujours pas alignées sur l’Accord de Paris
Le rapport révèle également une évolution de la transparence du bilan carbone des entreprises du CAC 40. Alors qu’en 2020, seules 10 entreprises fournissaient un rapport exhaustif de leur bilan d’émissions de gaz à effet de serre, désormais plus de 37 entreprises le font. Si la transparence du bilan est un élément nécessaire, il n’est absolument pas suffisant pour engager une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Stellantis, TotalEnergies et Airbus représentent le top 3 des entreprises françaises non-financières avec la plus grande empreinte carbone.
Afin de mieux comprendre les efforts fournis par les entreprises, et dépasser la photographie statique de l’impact climatique d’une entreprise (la quantité de gaz à effet de serre émis à un moment donné), Oxfam France utilise la note d’alignement sur l’Accord de Paris fournie par Carbon4 Finance.
Malgré les avertissements répétés des scientifiques et la trajectoire d’1,5°C préconisée par l’Accord de Paris, les entreprises du CAC40 nous mènent vers un réchauffement à +2,7°C. Un tel niveau de réchauffement exposerait
2,1 milliards de personnes à des températures extrêmes.
Les 4 entreprises non financières les moins alignées avec l’Accord de Paris sont TotalEnergies, Safran, Airbus et ArcelorMittal. Celles qui sont le plus susceptibles de respecter l’Accord de Paris sont Alstom et Legrand.
Pour Alexandre Poidatz : « le CAC 40, qui a délibérément choisi de précariser des millions de travailleurs à travers le monde depuis 40 ans, ne doit pas utiliser les prochaines années pour externaliser sa responsabilité environnementale et climatique. »
Oxfam France demande au gouvernement de :
- mettre en place une éco-responsabilité contraignante pour les grandes entreprises : une stratégie climat 1,5°C alignée avec une trajectoire mondiale de réduction des émissions de GES en valeur absolue
(scopes 1-2-3) dès l’année 2024 et d’au moins 50% d’ici 2030, mais variable selon le secteur d’activité de l’entreprise.
« Il est temps que l’Etat rééquilibre sa place face au Marché, en conditionnant les aides publiques aux entreprises et l’accès aux marchés publics aux investissements dans la transition et cette stratégie climat alignée avec une trajectoire mondiale 1,5°C », conclut Alexandre Poidatz.
Oxfam France exhorte également les entreprises à :
- Encadrer la part des bénéfices allouée aux actionnaires via notamment la mise en place d’un dividende sociétal ou écologique, en suivant l’exemple des dividendes sociétal et écologique mis en place pour le Crédit Mutuel et la MAIF, pour consacrer une partie des bénéfices des entreprises à la transition écologique et sociale.