Être ingénieur d’un monde en métamorphoses : Face aux urgences écologiques, que signifie désormais la performance ?
- L’ingénieur de demain plus en lien avec la société
- 2 350 élèves de l’Institut Mines-Télécom ont participé au Forum 2024
- Sensibilisation à la résilience climatique et écologique
- Conférence sur les notions de performances dans un contexte d’urgence
L’Institut Mines-Télécom a organisé la 4e édition de son Forum sur la transition écologique. Cet événement rassemble chaque année les élèves des écoles de l’Institut Mines-Télécom et de ses écoles partenaires afin de réfléchir au rôle de l’ingénieur dans un monde transition.
Cette année, l’Institut Mines-Télécom s’est associé à l’ONG Green Cross France et Territoires, pour aborder la question de la performance dans un contexte d'urgences écologiques grandissantes. Les élèves ont assisté à une conférence abordant notamment la méthode d’analyse reposant sur le concept de limites planétaires. Ils ont également travaillé sur des cas pratiques issus d’expérience terrain. Résilience des territoires, transformation des modèles économiques, dépollution, catastrophes climatiques, les élèves ont expérimenté les différentes facettes du (futur) métier d’ingénieur avec pour point commun : la nécessité de concertation et de dialogue avec toutes les parties prenantes.
Les 2 350 participants et participantes ont pu s’interroger sur la performance dans un contexte d’urgences écologiques croissantes, à travers l’analyse de l’actualité, et les retours d’expériences de l’ONG Green Cross France et Territoires. Son directeur, Nicolas Imbert (auteur de l’ouvrage « Plaidoyer pour un monde (plus) durable », et la chargée de projet Lucile Pillot, ont abordé le concept des limites planétaires au service de la transformation des territoires et les leviers permettant d’identifier le greenwashing.
L’innovation utile et responsable
Les intervenants ont posé la question de la mise en place concrète d’un nouveau rapport à la performance, à travers efficience globale et actions locales dans une approche court et long terme. Ils ont mis en perspective performance, maturité technologique et prospective. Ils estiment qu’il est essentiel d’évaluer les solutions immédiatement disponibles et celles dont la maturité technologique pourrait prendre des décennies et ce, en prenant en compte les besoins des populations. Le rapport à l’innovation évolue, elle doit être pensée pour être : décarbonée, diversifiée, déconcentrée l’échelle des territoires, démocratique. Il s’agit ainsi de ne pas reproduire les erreurs du passé où l’innovation n’était pas projetée dans un cadre global d’analyse ; par exemple le Concorde était performant en termes de vitesse mais néanmoins énergivore et peu confortable. En outre, son acceptabilité sociale était absente, les villes ne voulaient pas accueillir l’avion sur leur territoire (à cause des nuisances sonores et des dangers potentiels) limitant la capacité de l’appareil à relier les villes entre elles.
Les conférenciers ont également soulevé la question de la responsabilité notamment aux vues de la règlementation environnementale et sociale. Ils s’interrogent, au-delà de l’éthique, l’ingénieur ne devra-t-il pas exercer son devoir de vigilance au risque d’engager sinon, sa responsabilité à l’image de ce qui est arrivé au moment de l’affaire du « Dieselgate » ?
La méthode d’analyse des limites planétaires
Dans ce contexte, l’ingénieur devra appréhender une multitude de critères (pas uniquement technologiques) dans ses projets. Les intervenants de Green Cross ont ainsi présenté des concepts structurants, comme celui des limites planétaires, pour identifier les leviers du passage à l’action à mettre en place. Le concept des limites planétaires est une méthode d’évaluation et de suivi des changements environnementaux provoqués par l’homme et susceptibles de menacer la stabilité des écosystèmes. Il repose sur neuf limites planétaires en mettant en évidence des signaux d’alerte afin de mettre en place les conditions pour préserver un « espace de vie sûr pour l'humanité ».
Nicolas Imbert a démontré que le cadre d’analyse des limites planétaires peut être adapté aussi bien aux territoires qu’à certaines activités, pour en évaluer ses impacts environnementaux. Il souligne que cette approche vient intégrer les analyses comptables, dont les critères extra-financiers sont de plus en plus importants et deviennent des outils de pilotage de transformations des entreprises. La directive Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) harmonise le reporting de durabilité des entreprises et la qualité de leurs données ESG (environnementales, sociales et de gouvernance). La directive Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDD) impose quant à elle, un devoir de vigilance aux entreprises sur leur chaîne d’activité, afin d’identifier, de prévenir et de remédier aux incidences négatives pour les droits humains et environnementaux. Les esprits évoluent déjà et certaines entreprises refusent aujourd’hui de répondre aux appels d’offre dont l’utilité est discutable ou dont l’impact environnemental est trop élevé. Cette approche est vouée à devenir la norme avec la mise en place de critères extra-financiers prenant en compte l’impact environnemental.
L’association conclue que ces outils de mesure et retours d’expérience mettent en évidence que la performance a évolué dans sa définition, ses modes d’évaluation, et même les leviers pour l’atteindre. La performance d’une entreprise ne se mesure plus désormais uniquement sur les résultats financiers ou sur la qualité de l’offre de produits. Elle est économique, écologique et sociale.
A l’issue de la conférence mêlant interprétation des dernières données scientifiques, analyse de l’actualité et retours d’expériences, les élèves ont été invités à jouer à des jeux sérieux afin de réfléchir au rôle de l’ingénieur pour comprendre les vulnérabilités et définir des pistes de résilience.
Jeux sérieux autour de la résilience
Ils avaient au choix plusieurs mises en situation afin d’apprendre à être « l’ingénieur de demain » plus en contact avec les populations pour co-construire des solutions. Les groupes ont rendu au total 131 travaux portant sur des cas pratique aussi variés que :
- « Réparer Porquerolles après la tempête »
- « Préserver le littoral pour mieux se protéger en Bretagne Nord »
- « Mettre en place les priorités dans une station de ski ».
- « Construction d’une offre touristique pour une semaine en montagne » dans un contexte de forte augmentation des coûts de l’énergie.
- « Transformation énergétique de Dunkerque ».
- « Pollution : sortir le plastique de l’océan »
- « Bâtir et opérer le logement social. Transformer les métiers d’un opérateur HLM »
- « Industries extractives et consommation de produits technologiques : Réemploi et seconde main ».
Acheminer de l’aide par voilier vers Porquerolles, organiser des événements touristiques de manière à répartir l'afflux de visiteurs sur l'année en Bretagne, aménager les abords des lacs artificiels pour maximiser leur utilisation et développer d’autres activités en Montagne, installer des filets de rétention dans les embouchures de fleuves pour limiter le plastique dans les océans, proposer une réduction de charges contre participation à l’entretien pour les résidents en logement social à Tahiti,… les élèves ont proposer de multiples solutions. Au travers de ces cas pratique, ils ont pu réfléchir à des approches intégrées de résilience territoriale, appréhender des outils pour agir sur la gestion de l’urgence, les cycles de l’eau, la biodiversité, les mobilités…, et ce dans une approche plus globale s’inscrivant dans l’économie circulaire et de fonctionnalité
Antoine Fricard, Chargé de mission transition écologique à l’Institut Mines-Télécom, rappelle : « A travers ce forum nous cherchons à sensibiliser nos élèves à leur futur rôle d’ingénieur. Ils seront confrontés à un monde vulnérable où leurs décisions devront répondre à une performance triple : économique, sociale et écologique. Cette approche pluridisciplinaire correspond à l’ingénieur à la française qui doit renforcer ses compétences en sciences sociales afin de développer une vision systémique des projets complexes auxquels ils seront amenés à participer. »