Des volumes en baisse, mais des tendances renforcées
Le succès des stratégies value-add dans un marché en contraction
« Enregistrant 1,4 milliard d’euros, ce premier trimestre 2024 se situe bien en dessous de la moyenne décennale de 4,6 milliards d’euros, et réalise une performance comparable à celle du premier trimestre 2010 » indique Antoine Grignon, Directeur du département Capital Markets chez Knight Frank. Les grandes transactions, dont le montant dépasse 100 millions d’euros continuent de se raréfier, avec seulement 3 deals signés au cours du trimestre, contre 8 lors de la même période en 2023 et 14 en 2022. « Le montant moyen des acquisitions est légèrement inférieur à 15 millions d’euros ce trimestre, alors qu’il dépassait les 20 millions d’euros il y a à peine deux ans, et excédait les 25 millions d’euros en 2019 » détaille Antoine Grignon. Ceci traduit d’une part la baisse de la discrétion sur le marché des investisseurs institutionnels aux stratégies d’investissement core, positionnés historiquement sur de gros volumes et d’autre part la baisse des prix généralisée à l’ensemble des classes d’actifs. « À l’inverse, on observe des montants importants levés pour des stratégies value-add, notamment par des investisseurs dits privés, qui continuent de profiter d’une souplesse financière permise entre autres grâce à un moindre recours au financement bancaire » ajoute Antoine Grignon. Ces derniers s’attribuent ainsi près du quart des volumes investis durant ce trimestre.
Les bureaux, ou le phénomène de Flight-to-quality
Totalisant difficilement 430 millions d’euros investis, soit 31% de l’ensemble des volumes d’investissement en immobilier d’entreprise au cours du premier trimestre, c’est la première fois que la part des immeubles tertiaires passe sous le seuil des 50%. « Les investisseurs se montrent très sélectifs, privilégiant plus que jamais la centralité. En effet, sur le sol français au 1er trimestre, 45% des engagements en bureaux se concentrent dans le quartier central des affaires parisien » analyse Antoine Grignon. Des signatures d’immeubles emblématiques dans ce même quartier d’affaires sont d’ailleurs attendues dans les prochains mois, illustrant la confiance d’investisseurs aux profils variés pour des immeubles de bureaux dans ce marché structurellement sous-offreur. On pourra citer en exemple la réitération à venir de l’ensemble Opéra Gramont, valorisé plus de 100 millions d’euros, à l’issue d’une commercialisation dont Knight Frank fut partie prenante.
La part grandissante des centres commerciaux et Retail Park au sein de l’immobilier de commerce
« Après une année 2023 plutôt dynamique, portée par le marché de l’investissement et par les ventes à utilisateurs d’adresses de prestige parisiennes, les investisseurs restent intéressés par l’immobilier de commerce tout en restant sélectifs dans le choix des dossiers » précise Antoine Grignon. Ainsi, parmi les 440 millions d’euros investis en immobilier de commerce au premier trimestre, plus de 200 millions d’euros concernent le centre commercial O’Parinor acquis par Sofidy et Klépierre, transaction menée par Knight Frank notamment. D’autres processus importants concernant des Parcs d’Activité Commerciale et des Centres Commerciaux pourraient également se finaliser dans les prochains mois. Cela confirme l’appétit des investisseurs pour des biens disposant d’une importante zone de chalandise et abritant des enseignes en phase avec les nouveaux modes de consommation. Toutefois, les volumes globaux peineront à décoller sans transaction d’envergure au cœur des principales artères parisiennes.
Confirmation de l’attrait des investisseurs pour les actifs industriels
Les 520 millions d’euros investis au cours du premier trimestre représentent une hausse annuelle de +2%, permettant aux actifs industriels de s’attribuer la part belle des montants engagés en immobilier d’entreprise en France à hauteur de 37%. « Cette tendance devrait se maintenir pour l’exercice en cours si l’on se réfère aux nombreux processus de commercialisation de plateformes et portefeuilles logistiques déjà enclenchés » avance Antoine Grignon. Knight Frank recense ainsi près d’un milliard d’euros de deals amenés à se finaliser dans les mois à venir. Alors que plusieurs investisseurs institutionnels réallouent progressivement une part plus importante à l’immobilier au sein de leurs stratégies d’investissements, les entrepôts logistiques semblent présenter tous les atouts afin de capter ces flux de capitaux. Cet engouement permet de stopper la décompression du taux prime d’entrepôts logistiques, qui se stabilise à son niveau de fin d’année 2023.
Assouplissement monétaire, diversification des engagements et évolution du cadre règlementaire
À mesure que l’inflation se tasse, les banques centrales distillent des informations encourageantes quant à l’évolution des taux, dissipant progressivement les incertitudes financières pesant sur les volumes d’investissement en immobilier d’entreprise. Même si la progression croissante des tensions géopolitiques ainsi que les enjeux liés à l’élection présidentielle américaine pourraient perturber le déploiement de capitaux d’investisseurs internationaux, Antoine Grignon rappelle que « Néanmoins, ces derniers se montrent enclins à réinvestir le marché français, preuve en est le quasi-milliard d’euros de deals bouclés, ou en passe de l’être, pour des actifs hôteliers parisiens ». Une diversification des allocations stratégiques qui se vérifie chez tous les types d’investisseurs, comme le prouve les 1,4 milliard d’euros déjà investis en immobilier résidentiel français. « Une diversification qui pourrait de plus en plus se manifester à travers la transformation de bureaux obsolètes en logements, alors que l’Assemblée nationale adoptait le 7 mars dernier la proposition de loi visant à faciliter ces reconversions » conclut Antoine Grignon.