Le point de vue de Bernard Cohen-Hadad, Président du Think Tank Etienne Marcel
S’il crédite le nouveau gouvernement d’un volontarisme politique affiché pour libérer les énergies entrepreneuriales, le président fondateur du think tank Etienne Marcel pointe qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
Chaque formation d’un gouvernement est une pièce de théâtre, avec sa scène d’exposition, son nœud dramatique, ses péripéties, son dénouement. La dernière représentation, certes avec un entracte agricole – du reste bien géré – a été la plus longue de la Ve République. Le décalage entre les vieilles méthodes de la politique à l’ancienne et l’exigeante complexité de la vie économique est parfois vertigineux. La pièce s’achève par un gouvernement de 35 ministres et secrétaires d’État, plus jeune et francilien que la moyenne.
Des paroles de délivrance
Dans sa déclaration de politique générale, le nouveau Premier ministre a affiché son volontarisme dans le domaine économique. Il a pris à son compte plusieurs des priorités « émancipatrices » de ses organisations représentatives. D’abord la valeur travail, alors que les entreprises peinent encore à recruter. Le travail doit mieux payer que l’inactivité. La reprise d’emploi doit être encore plus persuasive. Alors qu’ils chancellent sous le poids des normes et des réglementations, la volonté de « débureaucratiser » la vie du pays est aussi très importante pour les entrepreneurs. Le coût annuel de la paperasse et de la complexité est estimé à 60 Md€ par le ministre de l’Economie lui-même. Cette attente de simplification est forte, dans tous les secteurs économiques.
Le gouvernement veut aussi réconcilier la croissance et le climat, avec une politique écologique plus positive et incitative, moins punitive et sans alternative. Conscient de la crise profonde du secteur immobilier, le Premier ministre souhaite par ailleurs un « choc de l’offre » pour relancer ce secteur essentiel pour le pays, ainsi que pour l’emploi au travers de la mobilité professionnelle.
Les actes pour délivrer
Le nouveau gouvernement doit maintenant délivrer. Dans la continuité des ordonnances travail de 2017, la prochaine réforme du droit du travail doit poursuivre la libération de la création d’emplois. Le projet de loi simplification ou « Pacte II » doit être rapidement adopté et mis en œuvre. Le « test PME », par lequel les entreprises pourront tester de nouvelles normes avant leur entrée en vigueur définitive, marquerait un tournant significatif.
La volonté de « désmicardiser » la France ramène à la question du coût du travail. Le salaire net perçu par le salarié s’éloigne tant du salaire super brut payé par l’employeur… Le coût du travail met aussi en jeu la compétitivité des entreprises et le chômage pour les emplois peu ou pas qualifiés. La mise en conformité du droit français avec le droit européen pour permettre l’acquisition de congés payés pendant les arrêts maladies n’irait alors pas vraiment dans le bon sens : il faut intervenir au niveau de l’Union européenne. Enfin, les entreprises doivent dorénavant bénéficier d’un accompagnement proportionné et du temps nécessaire pour s’adapter aux transformations induites par les nécessités de la décarbonation de l’économie.
Combler les angles morts
Si le travail et la croissance sont des leviers nécessaires pour résorber la dette, ils ne sont pas suffisants. La réduction du déficit budgétaire et de la dette publique – y compris sous l’angle assumé de la souveraineté financière – nécessite de réduire certaines dépenses. La voie sans issue du déficit explique bien sûr en partie le surcoût du travail évoqué. Une réforme de la fonction publique est indispensable. Mais dans ce domaine, la volonté d’agir est plus incertaine.
L’horizon des valeurs européennes et olympiques ouvre enfin des fenêtres d’opportunités – économiques, politiques, d’image. Si l’Europe ne doit pas être le bouc émissaire de nos propres erreurs, le modèle économique, social et entrepreneurial français n’en doit pas moins être défendu, avec pugnacité, dans le cadre de la recherche d’une plus grande autonomie stratégique. Ce qui doit interroger la France sur son tropisme à « être plus royaliste que le roi » dans la surtransposition des directives européennes.
Quant aux JOP de Paris 2024, ils vont contribuer de façon exceptionnelle au rayonnement du pays et de son énergie économique et entrepreneuriale, d’abord en termes d’attractivité, ensuite, c’est souhaitable et possible, en termes d’influence.
Au final, une forme de délivrance des PME, ne serait-ce que face aux contraintes bureaucratiques et normatives, sera l’un des meilleurs baromètres du défi que s’est assigné à lui-même et pour la France Gabriel Attal : « des résultats, des résultats, des résultats ».