Une nouvelle étude compare les engagements des signataires des PRI aux scores ESG réels de leur portefeuille.
Au cours de la dernière décennie, on a ainsi assisté à une augmentation spectaculaire des investissements ESG. Cette ruée est en partie une réponse aux fraudes et scandales financiers de ces dernières années.
En parallèle, de nombreux investisseurs ont affiché leur adhésion aux principes d’investissement ESG en signant des engagements tels que les Principes pour l’investissement responsable (PRI), le réseau mondial d’institutions signataires sous la conduite des Nations Unies, qui représente actuellement plus de 120 000 Mrds$ d’actifs sous gestion. La croissance accélérée des PRI et d’autres initiatives ESG a conduit de nombreux observateurs du secteur à anticiper la généralisation des investissements ESG dans un avenir relativement proche.
Mais en dépit de toutes ces avancées, les investissements ESG arrivent aujourd’hui à un tournant. De nombreuses questions se posent quant à la manière dont les investisseurs institutionnels mettent en œuvre les principes ESG. Des questions telles que : Les investisseurs institutionnels qui s’engagent publiquement à investir de manière responsable le font-ils réellement dans la pratique ? En outre, ces pratiques se traduisent-elles par des résultats ESG souhaitables pour les portefeuilles ? Ces questions méritent que l’on s’y intéresse, car après tout, l’objectif de l’investissement responsable - allouer des capitaux à des entreprises qui rendent le monde plus durable - n’est possible que si les investisseurs respectent ces engagements.
Une nouvelle recherche intitulée Do Responsible Investors Invest Responsibly ? (Les investisseurs responsables investissent-ils de manière responsable ?) apporte quelques éléments de réponses à ces questions.
Pedro Matos, professeur associé à Darden School of Business (University of Virginia) avec ses collègues*, ont étudié différents portefeuilles d’actions à travers le monde afin de comparer les investisseurs institutionnels signataires des PRI à leurs homologues non-signataires. Ils ont également examiné un ensemble de données unique sur les rapports PRI qui leur a permis de classer les signataires en trois groupes : intégration ESG complète, partielle ou nulle. « A travers cette recherche, nous souhaitions savoir si les institutions signataires des PRI « joignaient le geste à la parole » en ce qui concerne l’intégration des facteurs ESG à leurs portefeuilles d’actions », souligne le chercheur de la Darden School of Business.
Europe et États-Unis : deux approches différentes
L’étude a comparé les déclarations des signataires des PRI (en termes d’intégration ESG divulguée dans leurs rapports annuels) aux scores ESG réels de leur portefeuille (qui quantifient la mesure dans laquelle les titres de leur portefeuille reflètent leurs engagements ESG). En d’autres termes, dans quelle mesure les actions incluses dans le portefeuille d’une institution signataire des PRI sont-elles durables par rapport à leurs homologues non-signataires ? Grâce à cette approche, les chercheurs ont constaté que les investisseurs responsables (institutions signataires des PRI) investissent réellement de manière plus responsable que les institutions non-signataires des PRI. « Enfin, nous avons conclu qu’à l’échelle mondiale, en dehors des États-Unis, les signataires ayant intégré, même partiellement, un cadre ESG à leurs portefeuilles d’actions actifs obtiennent un meilleur score ESG que les non-signataires des PRI », analyse Pedro Matos.
Cette étude a également mis en lumière des approches intéressantes d’incorporation ESG dans le monde entier. Par exemple, les stratégies de « filtrage » ESG (c’est-à-dire le fait de favoriser ou d’exclure des actions en fonction de critères ESG) sont plus couramment utilisées en Europe, tandis que les stratégies d’« intégration » ESG (c’est-à-dire l’inclusion de facteurs ESG dans l’analyse financière, la construction de portefeuille et la gestion des risques) sont plus populaires aux États-Unis et dans d’autres régions du monde.
Greenwashing généralisé aux États-Unis
Nos recherches ont également montré qu’en dehors des États-Unis, les sociétés d’investissement joignent généralement le geste à la parole lorsqu’il s’agit de respecter leurs engagements en matière d’investissement responsable. En revanche, aux États-Unis, nous avons observé une rupture significative : nous n’avons pas constaté d’amélioration des scores ESG des portefeuilles des signataires des PRI, y compris pour les entreprises qui déclarent une intégration ESG complète.
En effet, les sociétés d’investissement américaines signataires des PRI mais qui n’ont pas mis en œuvre les facteurs ESG ont obtenu en moyenne de moins bons résultats ESG que les sociétés d’investissement américaines non-signataires.
« Je crains que cela ne soit le signe d’un greenwashing généralisé aux États-Unis et j’ai émis l’hypothèse que nos résultats pourraient être dus à une combinaison de facteurs tels que : des incitations commerciales plus importantes pour devenir signataire des PRI ; l’incertitude réglementaire quant à la compatibilité de l’investissement ESG avec les « obligations fiduciaires » qui lient les gestionnaires d’actifs ; et un marché moins mature et donc moins de pression pour la mise en œuvre des ESG aux États-Unis. »
Aller au-delà des simples références ESG
Dans l’ensemble, les résultats de cette étudie soulignent, notamment aux États-Unis, que les investisseurs particuliers ont tout intérêt à ne pas se contenter du seul label « signataire des PRI ». Cela signifie qu’il convient d’exercer une diligence raisonnable supplémentaire lors de l’évaluation d’un gestionnaire d’investissement potentiel.
« Je conseille aux investisseurs d’aller au-delà des simples références ESG et d’essayer d’évaluer le degré de convergence entre les engagements de leur gestionnaire d’actifs en matière d’investissement responsable et leurs actions. Cette approche, outre son intérêt pour les investisseurs individuels, permettrait peut-être d’instaurer un débat moins politisé sur l’investissement ESG, tant aux États-Unis que dans le reste du monde », conclut Pedro Matos.