Par Thibault de Saint Vincent, Président de Barnes, première société internationale d’immobilier résidentiel haut de gamme.
Les Français ont eu un bien étrange spectacle au cours de la période de fêtes qui vient de s'écouler: entre les habituelles actualités sur les choix gastronomiques des familles, sur les cadeaux les plus prisés ou encore sur les augmentations prévisibles au 1er janvier, c'est une figure du cinéma national, Gérard Depardieu, qui a défrayé la chronique. Comme tout grand acteur, il n'a pas manqué sa prestation : Néchin d'abord, village naguère inconnu de Belgique, s'est acquis grâce à lui une notoriété au moins communautaire, avant que notre Premier ministre n'use de mots exceptionnellement durs pour condamner l'exil fiscal de celui qui, Obélix à l'écran, amoureux de la bonne chaire, incarnait jusqu'alors la France dans ce qu'elle a de plus viscéral. Enfin, dernier acte, le Président Poutine soi-même a trouvé une solution aux tourments fiscaux de Gérard Depardieu, et lui a donné la nationalité russe. Notre homme s'acquittera dans sa nouvelle patrie d'un impôt forfaitaire de 13% sur ses revenus. The end.
Ce qui est ennuyeux avec cette histoire, c'est qu'elle met au niveau de l'anecdote microéconomique, quelle que soit l'immensité du talent de Monsieur Depardieu, ce qui a une ampleur macroéconomique. On a peu dit que l'acteur était aussi, de longue date, un chef d'entreprise estimable, créateur d'emplois et de valeur ajoutée. On a montré le luxueux intérieur de son hôtel particulier parisien, révélé ses amitiés slaves, et le monde s'est simplement coupé en deux : ceux qui l'approuvaient par admiration et ses détracteurs inconditionnels.
Barnes, spécialisé dans ce qu'il est convenu d'appeler l'immobilier résidentiel haut de gamme, vient de réaliser une étude sur les évolutions de ce marché spécifique en France. Ses enseignements sont nombreux : la dégradation des conditions économiques a beaucoup affecté le nombre des transactions de plus d'un million d'euros, malgré l'attrait que continue d'exercer notre capitale, mais aussi nos régions les plus prisées, la Normandie, le Pays Basque ou la Côte d'Azur. La clientèle française de l'immobilier de luxe est en outre nettement moins présente qu'elle l'a été : alors qu'elle représentait près de la moitié des acquéreurs en 2011 encore, elle n'en constitue plus qu'un quart.
Où vont donc les capitaines d'industrie, les cadres dirigeants des entreprises, les sportifs de haut niveau, les plus hauts revenus, les plus grosses fortunes de notre pays mais aussi petits entrepreneurs et commerçants ? Ailleurs que chez eux: en Suisse, en Belgique, dans certaines villes phares des Etats-Unis (New York ou Miami), à Londres aussi, au Maroc, au Canada ou encore en Israël. On ne peut nier désormais qu'il y ait un véritable phénomène économique et que les choix de localisation de résidences principales ou même de résidences secondaires se fassent de plus en plus au détriment de la France.
Lorsqu'on interroge nos clients dans nos différents bureaux, avec le degré de confidentialité et de confiance qui caractérise nos relations avec eux, on entend que l'alourdissement massif et ciblé de la fiscalité mais plus généralement le mépris des entrepreneurs, qui se sentent rejetés par la société française est la principale cause des décisions d'expatriation immobilière.
Au même moment où se jouait le film dont Gérard Depardieu tenait le premier rôle, les Français apprenaient aussi que le Conseil constitutionnel invalidait plusieurs dispositions de la loi de finances. Là encore, les projecteurs se sont tournés vers la mesure emblématique des 75% d'imposition au-delà d'un million de revenus par an, mise à bas par la décision du juge constitutionnel.
En clair, la question de la limite décente de l'impôt a bel et bien été posée par le Conseil constitutionnel, et elle est notamment posée dans l'ordre des comparaisons entre Etats à l'échelon de l'Europe et à l'échelon du monde. La France, où l'on parle beaucoup de compétitivité, a déjà perdu sur le terrain de la compétitivité fiscale attachée à la propriété immobilière. Il est encore temps que gouvernement et parlement corrigent cette erreur, en ne négligeant pas les indices que l'observation de l'immobilier de haut de gamme nous fournit.