Le programme de travail 2024 repose sur la cartographie des risques du système financier français, établie par l’ACPR et la Banque de France. Il intègre les priorités de contrôle du Mécanisme de surveillance unique (MSU), du Conseil de résolution unique (CRU), de l’Autorité bancaire européenne (ABE) et de l’Agence européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) auxquelles contribuent les agents de l’Autorité.
« En 2023, les banques et assurances françaises se sont montrées résistantes face aux épisodes de crises bancaires, aux différents chocs macroéconomiques, géopolitiques. Notre programme de travail a pour objectif de maintenir cette solidité à travers une vigilance renforcée sur l’ensemble de risques pesant sur le système financier. Parmi les priorités de notre feuille de route, outre cet aspect plus conjoncturel, figurent des dimensions liées aux transformations structurelles que connait le secteur financier, telles que la gestion des risques cyber et climatique. À ce titre, l’intégration des plans de transition des banques dans la réglementation prudentielle et la supervision est l’un de nos chevaux de bataille. L’Autorité continuera de participer activement aux réflexions en cours au sein des groupes de travail de l’ABE afin de déterminer le contenu de ces plans et comment ils seront intégrés dans l’exercice d’évaluation annuel des banques (SREP). La publication cette année des résultats des stress-tests climatiques assurance menés à l’ACPR permettra une nouvelle mesure de l’impact du risque climatique sur la capacité des assureurs à y faire face et à s’interroger sur l’assurabilité et la réassurance des risques », commente Nathalie Aufauvre, Secrétaire générale de l’ACPR.
Quatre grands axes de travail ont été définis et adoptés par le Collège de supervision
- Axe 1 : Maintenir et renforcer la sécurité et la solidité des secteurs de la banque et de l’assurance face aux risques macroéconomiques, financiers et géopolitiques
Face aux risques liés au niveau et aux variations des taux d’intérêt, aux tensions inflationnistes et à la volatilité du prix des actifs immobiliers et financiers, l’Autorité sera attentive à la gestion actif/passif des établissements bancaires. Elle suivra les impacts de ces risques sur les spécificités du modèle français (épargne réglementée, crédits immobiliers à taux fixes) et poursuivra le suivi de l’application des normes du HCSF sur les conditions d’octroi des crédits immobiliers.
Dans le contexte du remboursement des TLTRO, l’ACPR s’intéressera au risque de liquidité et de refinancement des établissements bancaires, ainsi qu’à la diversification et à la stabilité de leurs dépôts.
Dans le secteur de l’assurance, la gestion du risque de taux et des écarts de duration actif/passif fera toujours l’objet d’un suivi rapproché. En assurance vie, l’Autorité étudiera les évolutions de la rémunération servie au titre de 2023, et notamment la redistribution progressive de la provision pour participation aux bénéfices constituée ces dernières années afin de maintenir une rémunération attractive pour les épargnants. L’ACPR surveillera l’évolution des rachats en assurance vie, contenus en 2023, et ses effets sur la solvabilité et la liquidité des organismes. En assurance non-vie, l’ACPR s’intéressera à la prise en compte de l’inflation dans les modélisations des engagements, ainsi qu’à la rentabilité des organismes.
Du fait de la baisse de la valeur de certains actifs immobiliers, l’ACPR sera attentive au risque de rachat par les assurés des unités de compte ayant pour sous-jacent des parts de fonds immobiliers.
La capacité des TPE/PME à trouver des sources de financements fera également partie des sujets suivis en 2024.
Face à une dégradation des perspectives d’activité et à une remontée du nombre de faillites d’entreprises, l’Autorité mènera une évaluation de la qualité des actifs des banques, de leurs pratiques de provisionnement et du risque de crédit. Leurs expositions aux secteurs identifiés comme vulnérables, notamment l’immobilier commercial et la finance à effet de levier, ainsi qu’aux acteurs exposés aux risques de contreparties et d'appels de marges, comme ceux du marché de l’énergie ou des matières premières, seront analysées avec attention.
Dans le secteur de l’assurance, la vigilance portera sur les organismes les plus exposés à la conjoncture, notamment dans le secteur de la caution (assurance-crédit, garanties de bon achèvement) ainsi que les secteurs de la santé et de la prévoyance qui pourraient être affectés par un recul des cotisations.
Face aux risques géopolitiques, l’Autorité poursuivra son évaluation des expositions du secteur financier aux différentes zones de tensions ainsi qu’aux pays émergents.
- Axe 2 : Remédier aux vulnérabilités structurelles et être proactif dans l’identification, la prévention et la supervision des risques nouveaux et en développement
Dans le cadre de son engagement face au changement climatique, l’Autorité poursuivra son action en faveur du développement des plans de transition et de leur intégration à la réglementation prudentielle à travers sa participation aux groupes de travaux de l’ABE. Dans ce contexte, l’Autorité participera à l’exercice « fit for 55 » qui mobilisera l’ensemble du système financier européen. Les équipes de l’Autorité poursuivront leur suivi des engagements climatiques publiés par les institutions financières dans le cadre de la loi Énergie-Climat et du règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation). L’année 2024 sera marquée par les résultats du 2nd exercice de stress-test climatique, dédié aux organismes d’assurance, et la publication de travaux sur leur gouvernance de ce risque. Les experts de l’ACPR contribueront également aux travaux internationaux sur le changement climatique et la biodiversité.
Le programme de travail maintient le suivi des risques associés aux nouvelles technologies au centre de ses priorités. Les experts de l’Autorité mettront en œuvre le règlement DORA (Digital Operational Resilience Act) qui prévoit notamment un contrôle des prestataires externes de services de cloud computing et d’open banking, considérés comme critiques. Ils étudieront les coûts et bénéfices de la transformation numérique des systèmes d’information, ainsi que les risques opérationnels liés aux applications ayant recours à l’intelligence artificielle et à la blockchain. Le risque cyber et la sécurité des systèmes d’information continueront de faire l’objet d’un suivi soutenu dans un contexte de sophistication et d’augmentation des attaques touchant le système financier.
L’ACPR continuera de suivre les travaux réglementaires en cours au niveau international : pour le secteur bancaire, la transposition de Bâle III et pour le secteur des assurances, les textes d’application de la révision de la directive Solvabilité II et de la directive concernant le redressement et la résolution des entreprises d’assurance et de réassurance. Plusieurs sujets transversaux mobiliseront les équipes de l’ACPR comme les négociations des projets de directives DSP3 et Open finance, la mise en œuvre des règlements MiCA et DORA en lien avec l’AMF, la transposition de la nouvelle directive sur les gestionnaires de crédit en cours de transposition ou encore le règlement EMIR III.
- Axe 3 : identifier et remédier aux risques d’inconduite et maintenir les dispositifs LCB-FT à un niveau de haute qualité
En matière de protection de la clientèle, l’Autorité poursuivra ses actions de prévention des arnaques financières, en lien avec l’AMF et les pouvoirs publics, et en faveur de l’amélioration de la prise en charge des opérations de paiement contestées.
Dans le cadre de la lutte contre l’écoblanchiment, les équipes de l’ACPR contrôleront l’intégration des préférences « ESG » (environnementales, sociales et de gouvernance) lors de la vente des produits financiers et l’emploi des arguments durables dans les publicités.
L’ACPR veillera à ce que la conception et la commercialisation des produits bancaires et d’assurance respectent les intérêts de la clientèle. En assurance-vie et non vie, un regard attentif sera porté à l’intérêt économique des produits pour les clients (Value for Money) et au niveau de frais appliqué. La mise en œuvre de la réglementation en matière de déshérence, concernant les comptes et coffres forts inactifs en banque fera également l’objet de travaux en 2024.
En vue de la création de la future Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux (Anti-Money Laundering Authority, ou AMLA), l’ACPR travaillera à la finalisation des nouvelles réglementations européennes en matière de LCB-FT et poursuivra sa collaboration avec les autres superviseurs européens.
L’Autorité accompagnera les évolutions des dispositifs LCB-FT, à travers notamment le déploiement des nouveaux outils de suivi. Elle mènera une campagne de contrôle dédiée au secteur des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), tout en poursuivant ses travaux sur les dispositifs automatisés de surveillance des transactions (y compris chez les nouveaux acteurs de la finance désintermédiée, ou DeFi[9]) et en renforçant son approche de supervision fondée sur les risques. Elle conduira également une analyse approfondie de la pratique dite des « IBAN (français) virtuels » utilisée par certains prestataires de services de paiement opérant en France par le biais du passeport européen.
- Axe 4 : poursuivre la modernisation et accroître l’efficacité de l’ACPR et contribuer au plan stratégique de la Banque de France
L’ACPR continuera de mettre l’innovation au profit de ses outils de supervision afin d’accroître l’efficacité de ses contrôles et de préparer les méthodes de supervision de demain. L’amélioration de la qualité des données et la valorisation de leur exploitation par les équipes demeurera au cœur des préoccupations. Un autre enjeu fort en 2024 sera le maintien de l’attractivité de l’ACPR à travers notamment le recrutement de talents dans différents domaines : risque climatique, protection de la clientèle, cybersécurité, data science, risques de marché et de contrepartie.
Trois grandes priorités ont été définies et adoptées par le Collège de résolution :
- Priorité 1 : S’inscrire dans la stratégie 2028 du Conseil de résolution unique (CRU)
L’ACPR contribuera aux priorités 2024 du CRU qui vont notamment porter sur des exercices de test de la capacité des banques pour la fourniture à temps des données de haute qualité pour la valorisation, des exercices de liquidité en soumettant le modèle commun de liquidité du CRU et de la BCE, des tests des capacités de renflouement interne (dont « bail-in » coordonné pour les groupes mutualistes) et des travaux sur la séparabilité.
Dans le même temps, il s’agira pour l’ACPR de se préparer à la mise en œuvre de la stratégie 2028 que le CRU annoncera le 13 février 2024, notamment en participant au développement et au renforcement des outils d’analyse de la résolvabilité, avec des analyses approfondies (« deep dive »), des exercices de tests (« dry run ») et des contrôles sur place.
- Priorité 2 : Renforcer l’expertise en matière de résolution assurance
Dans le cadre de sa compétence en matière de résolution assurance, l’ACPR actualisera les premiers plans préventifs de résolution adoptés fin 2022 et début 2023.
L’ACPR poursuivra le développement de ses méthodes de mise en œuvre des outils de résolution en approfondissant les questions de test d’intérêt public et de choix du (des) point(s) d’entrée pour la stratégie de résolution.
Dans le prolongement de ces travaux, l’ACPR réalisera des analyses horizontales des plans préventifs de rétablissement transmis par les groupes d’assurance, sur les parties relatives aux fonctions critiques, à leur séparabilité et aux différentes interconnexions afin d’identifier les bonnes pratiques qui pourront être communiquées aux groupes d’assurance.
- Priorité 3 : Poursuivre une stratégie d’influence
L’ACPR poursuivra et renforcera les analyses et interactions avec les banques au travers la publication de documents de réflexion et la réalisation d’analyses horizontales, permettant de fournir aux banques des états comparatifs de leur degré de préparation à la résolution. Seront ainsi réalisées des analyses des plans de réorganisation d’activités post résolution préparées par les banques et des analyses des travaux engagés en matière de séparabilité.
L’ACPR veillera à demeurer une autorité de référence sur la résolution des chambres de compensation et des assurances, notamment par une participation active aux travaux internationaux et en développant des échanges bilatéraux avec les autorités les plus impliquées pour partager les expériences de mise en place de régimes de résolution dans ces deux secteurs.