L’analyse de Jean-François Guillaumin, country Manager France de SolarisGroup.
Après avoir connu une ascension depuis les années 2000 avec l’apparition d’entreprises spécialisées dans les services de paiement en ligne (comme PayPal), les fintechs ont connu leur apogée en 2021, qui s’est traduite par un record de près de 240 Mrds$ de levée de fonds dans le monde pour plus de 7 300 opérations. En France, cela représente un très gros secteur économique, générant plus de 50 000 emplois selon les données rassemblées par France Fintech. Parmi les 900 entreprises françaises, on compte 12 licornes valorisées à plus d’1 milliard de dollar.
Mais l'année 2023 a été pleine de challenges pour tout le monde, sur fond de crises géopolitiques, de crise climatique et d'inflation, qui ont toutes contribué à une réduction significative des investissements. Dans ce contexte, les fintechs ont dû miser sur l'innovation pour rester dans la course. De nouvelles tendances ont émergé, comme la finance embarquée qui est aujourd'hui sur le devant de la scène. Mais à quoi d'autre pouvons-nous nous attendre en 2024 ?
L’innovation au cœur de la stratégie de développement
En 2023 et comme tous les ans, le cabinet EY a observé les flux et mécanismes d’implantations internationales afin d’identifier les pays qui encouragent le plus le développement des entreprises. Et, malgré un paysage européen complexe, la France se distingue par son attractivité. En effet, en France, l’écosystème fintech est très développé et arrive à la deuxième place après le Royaume-Uni. Elle tient son rang grâce à de nombreux atouts tels que les formations, un cadre réglementaire attractif et la présence d’acteur historique sur le marché (Visa par exemple), participant à ouvrir des partenariats potentiels pour les nouveaux venus.
Grâce à leurs usages diversifiés (comparaison, investissement, placement, gestion d'actifs, demande de crédit, etc.), les fintechs en France se sont développées et font désormais partie du quotidien des Français. Cependant, les levées de fonds ont fortement chuté depuis le début de l'année 2023, avec 750 M€ levés sur les 3 premiers trimestres, contre plus de 2 Mrds€ sur la même période en 2022. Malgré ces chiffres, les investisseurs sont toujours présents et confiants dans les capacités du secteur. Cependant, après des décennies de croissance, les fintechs sont entrées dans une nouvelle ère en termes de création de valeur, et elles doivent désormais continuer à innover plus que jamais pour préserver leur pertinence.
Un cadre réglementaire attractif
Les établissements exerçant une activité financière quelle qu’elle soit doivent obtenir un agrément et une licence de l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentielle et de Résolution) pour pouvoir travailler. Les fintechs, grâce à leurs propositions de services innovants via le paiement digital, participatif, l’open banking, ou encore le Banking-as-a-Service, peuvent bénéficier d’une règlementation plus souple via des statuts plus facilement accessibles que les établissements bancaires traditionnels. En 2023 cependant, l’aspect règlementaire s’est renforcé. Et cela va continuer en 2024. L’ACPR a en effet renforcé sa volonté d’avoir une visibilité totale sur ce qui se passe au niveau du consommateur final et, de ce fait, renforce ainsi ses enquêtes liées à la lutte anti-blanchiment. 2024 devrait ainsi être l’année de la DSP4 ainsi que de l’arrivée du règlement MiCA2 pour réguler des sujets comme les cryptomonnaies qui doivent se voir imposer des directives transparentes.
De nouvelles tendances à venir
Depuis quelques années, on parle beaucoup de finance dite “embarquée” (de l’anglais embedded finance). Pour résumer, elle permet à des entreprises non-financières d’’intégrer des services bancaires à leurs offres pour s’affranchir des problématiques réglementaires. De nombreuses entreprises optent pour cette solution pour apporter notamment une valeur-ajoutée à l’expérience client via des paiements sécurisés. Et ce n’est qu’un début. En effet, 2023 a vu de nombreuses entreprises de nouveaux secteurs comme la mobilité ou l’hôtellerie prendre d’assaut la finance embarquée. L’open banking est également un sujet à garder en tête pour 2024.
Star de l’année 2023, cette notion a fait la une des médias en permettant de simplifier les processus via un accès « transparent » aux données bancaires (notamment dans le cadre de demandes de crédit). En pleine effervescence, l’offre se développe et le nombre d’acteurs se multiplie notamment certains sous l’égide de grande structure comme VISA ou Mastercard.
Enfin, 2024 sera évidemment aussi l’année de l’intelligence artificielle, qui va accélérer son développement dans les fintechs. Elle va pouvoir introduire de nouvelles questions et de nouveaux risques (comme des failles de précisions, un manque de transparence ou encore des failles cybersécurité), et permettra de maximiser les opportunités de marché. L’AMF utilise par exemple des outils basés sur l’IA dans sa surveillance des marchés. De nombreux usages de l’IA existent déjà pour automatiser certaines tâches, notamment en bourse dans les activités de négociation et d’exécution d’ordre, ou encore dans la gestion des actifs et l’analyse d’informations.
2023 a sans conteste été une année tumultueuse pour les fintechs. La France reste un territoire privilégié (derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni), mais 2024 s’annonce d’ores et déjà comme une période où les entreprises de technologie financière devront faire profil bas et devront s’adapter aux nouveaux usages si elles veulent survivre. Et pour cela, il est important de continuer à développer les technologies actuelles, tout en suivant avec attention le développement des derniers arrivants comme l’intelligence artificielle.