Ensemble complexe d'impositions et de dispositifs fiscaux, la fiscalité du logement représentait 92 Md€ en 2022, perçus pour moitié par les collectivités locales. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO. Affilié à la Cour des Comptes) invite à mettre en cohérence cette fiscalité avec la valeur économique des logements.
Il relève que l'outil fiscal se prête mal à un soutien conjoncturel du secteur immobilier et ne peut suffire à lui seul à relever les défis sociaux et environnementaux du bâti. Il recommande donc de réorienter la fiscalité du logement vers davantage de neutralité, notamment en transformant certaines « niches fiscales » en dépenses budgétaires et en imposant la détention de biens immobiliers, de préférence à l'acquisition.
Le rapport du CPO est publié conjointement avec deux études inédites de l'Insee et de l'Institut des politiques publiques (IPP), sur lesquelles il s'appuie.
Le logement fait l'objet d'une imposition ancienne, aux objectifs enchevêtrés. Le logement représente à la fois l'une des premières dépenses des Français, avec une dépense courante de plus de 580 Md€ en 2022, soit plus d'un cinquième du PIB (22%), et un secteur économique d'ampleur, avec une activité immobilière représentant près de 440 Md€. Des impôts sont prélevés sur tout le cycle de vie du logement, de la construction à la cession, pour un montant total de 92 Md€ en 2022. Leur poids, parmi les plus élevés des pays développés, mais inférieur à celui rencontré aux États-Unis ou au Royaume-Uni, est concentré sur les phases d'acquisition et de détention.
Orientée historiquement vers le financement des services publics, notamment locaux, cette fiscalité s'est progressivement complexifiée avec l'instauration d'avantages en faveur de la construction, puis d'aides à l'accès au logement, et en dernier lieu, de dispositifs de soutien à la rénovation énergétique du bâti. En conséquence, les dépenses fiscales se sont multipliées, jusqu'à représenter 15 Md€ en 2022. Le CPO recommande de les borner dans le temps et de les évaluer systématiquement.
Outil majeur de financement des collectivités territoriales, la fiscalité du logement doit refléter la valeur économique des biens immobiliers
Malgré la suppression de la taxe d'habitation pour les résidences principales, la moitié des ressources fiscales des communes continue à provenir de la fiscalité du logement. Celle-ci repose désormais de façon prédominante sur les propriétaires qui acquittent notamment la taxe foncière. Alors que la part du revenu des Français consacré à leur logement s'accroît, le poids de la fiscalité au sein de cette dépense de logement reste globalement limité.
En revanche, l'absence de mise à jour récente de l'assiette de la taxe foncière conduit à sous-évaluer la valeur réelle de l'immobilier dans les communes les plus favorisées. Elle contribue à donner une dimension régressive à cette imposition, au détriment des propriétaires les moins aisés. Afin de renforcer l'équité devant l'impôt foncier, le CPO recommande de revoir la méthodologie d'estimation de l'assiette de la taxe foncière pour établir un lien plus direct avec les loyers ou les prix de marché. Ceci suppose que l'administration fiscale améliore les bases de données dont elle dispose sur les bâtiments.
L'outil fiscal n'est pas le plus adapté pour répondre à la conjoncture du marché immobilier et doit être utilisé de façon sélective face aux enjeux structurels, notamment environnementaux, du bâti en France. Alors que les dépenses fiscales sur le logement sont nombreuses (70 en 2022) et coûteuses (15 Md€ en 2022), leurs effets sur le marché du logement paraissent globalement faibles en comparaison de ceux de la conjoncture ou des taux d'intérêt. Certains dispositifs fiscaux d'incitation à l'investissement locatif peuvent contribuer même à rigidifier les prix. Ils ne devraient en conséquence pas être prorogés. L'ajustement insuffisant des prix à la baisse après la hausse des taux a contribué à la forte contraction des transactions observée en 2023.
À l'inverse, les dispositifs fiscaux incitatifs prennent encore insuffisamment en compte les nouveaux défis du bâti. En cohérence avec la lutte contre l'artificialisation des sols, le prêt à taux zéro devrait être ouvert aux travaux de rénovation dans les zones tendues et le champ géographique de la taxe sur les logements vacants largement élargi. L'outil fiscal paraît en revanche peu adapté au soutien des travaux de performance énergétique des bâtiments. Le taux de TVA réduit à 5,5% sur les travaux de rénovation énergétique ne permet pas de cibler les aides sur les travaux les plus performants et les ménages qui en ont le plus besoin. Le CPO propose de l'aligner sur le taux intermédiaire de 10% et de redéployer les recettes supplémentaires vers des aides budgétaires, plus efficaces.
Enfin, l'architecture de la fiscalité du logement pourrait être réorientée vers davantage de neutralité pour favoriser la résilience du marché du logement. En particulier, les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) renchérissent le coût des transactions immobilières. De même, les abattements de plus-values immobilières pour durée de détention peuvent alimenter des phénomènes de rétention immobilière ou foncière. Enfin, la distinction entre location vide et location meublée conduit à des distorsions en faveur notamment des meublés de tourisme classés, compliquant ainsi l'accès au logement dans les zones touristiques.
Le CPO recommande à ce titre de traiter de manière plus homogène la fiscalité du logement, d'une part, en taxant davantage la détention que les transactions via notamment une bascule des DMTO vers la taxe foncière, d'autre part, en corrigeant le traitement fiscal dans le temps des plus-values immobilières afin de tenir compte de l'érosion monétaire et des travaux d'amélioration réalisés par le vendeur et, enfin, en rapprochant puis en unifiant à terme les régimes fiscaux de la location meublée et de la location nue.