A l’occasion de l’édition 2023 de son rapport sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, l’Autorité des marchés financiers revient sur l’actualité réglementaire des derniers mois et dresse un bilan de la qualité de l’information publiée. Dans un développement consacré à l’évaluation des conseils, elle fait des recommandations pour une meilleure information du marché et avance des pistes de réflexion pour faire évoluer le code AFEP-MEDEF et son guide d’application.
L’AMF a consacré la première partie de son rapport à l’actualité et aux évolutions récentes en matière de gouvernance. Elle évoque ainsi les développements en cours, au niveau européen, concernant les obligations de reporting extra-financier des entreprises à travers la directive sur le reporting de durabilité (CSRD), qui vient d’être transposée en droit interne, et le devoir de vigilance en matière de durabilité (proposition de directive CSDD). Comme les années précédentes, des développements sont également consacrés aux assemblées générales tenues au cours de l’année écoulée, et en particulier aux résolutions climatiques.
Dans un contexte de digitalisation de l’économie et de développement international de l’engagement actionnarial, l’AMF réitère son appel à un travail en commun des différentes parties prenantes pour permettre à court terme le développement des assemblées générales hybrides en France, donnant la possibilité aux actionnaires de voter à distance et en direct. Elle rappelle, comme elle l’avait souligné dans son rapport 2021, qu’il importe que des avancées pragmatiques, en concertation avec les différentes parties prenantes, puissent permettre à court terme le développement du vote en direct sur la Place de Paris.
Dans le cadre de son analyse annuelle de l’information publiée par les entreprises, l’AMF a choisi cette année de consacrer un développement à l’évaluation des conseils. Selon le code AFEP-MEDEF, chaque conseil réfléchit à l'équilibre souhaitable de sa composition et de celle des comités qu'il constitue en son sein et s'interroge périodiquement sur l'adéquation de son organisation et de son fonctionnement à ses tâches.
Parmi les 50 sociétés de l’échantillon analysé par l’AMF, 92% ont procédé à une évaluation de leur conseil en 2022 en consacrant au moins un point de leur ordre du jour à une discussion sur son fonctionnement. La grande majorité va chaque année au-delà des dispositions du code AFEP-MEDEF, en demandant aux administrateurs de répondre à des questionnaires d’auto-évaluation ou, plus rarement, en organisant des entretiens dédiés. Toutefois, 16% ne précisent pas si elles ont évalué la contribution individuelle de chaque administrateur au cours des trois années précédentes. De plus, les suites données à ces travaux d’évaluation font souvent l’objet d’informations parcellaires.
En pratique, l’évaluation du fonctionnement du conseil par les sociétés étudiées ne concerne pas simplement l’évaluation des processus en place mais également l’évaluation de la capacité du conseil d’administration à prendre en considération les questions importantes en s’assurant que les administrateurs ont disposé d’une information et d’une formation adéquate.
Des recommandations et des pistes pour faire évoluer le code AFEP-MEDEF
Dans son rapport, l’AMF émet un certain nombre de recommandations et identifie des pistes de réflexion pour faire évoluer le code AFEP-MEDEF. Elle recommande, par exemple, aux sociétés cotées de recourir tous les trois ans, au moins, à un consultant extérieur pour l’évaluation du conseil, de veiller à l’indépendance de ce consultant au regard de la société et des dirigeants. L’AMF appelle l’AFEP et le MEDEF à faire évoluer le code pour intégrer des préconisations sur le recours à un consultant extérieur indépendant, sur la tenue d’entretiens individuels et sur la publication des questionnaires permettant aux sociétés de sélectionner les questions qu’elles jugent pertinentes pour évaluer le conseil.
Pour permettre une information de qualité des investisseurs, l’AMF met également en avant des bonnes et de mauvaises pratiques notamment pour améliorer l’information sur les résultats et le suivi des évaluations.
Faisant le constat de démissions ou départs anticipés d’administrateurs fréquents, l’AMF recommande aux sociétés de s’interroger systématiquement sur le caractère éventuellement privilégié de l’information concernant ces départs, et plus particulièrement lorsque ce départ intervient dans un contexte de désaccord stratégique. Dès lors qu’une information est susceptible d’avoir une influence éventuelle sur le cours de Bourse, elle doit être communiquée au marché dès que possible.
Au-delà de l’évaluation du conseil, le rapport de l’AMF fait mention d’un certain nombre de constats en matière de gouvernance d’entreprise et de rémunération des dirigeants. Cette année encore, l’AMF observe que certaines sociétés considèrent comme indépendants des administrateurs dont les mandats excèdent douze années d’exercice au sein du groupe, et ce sans apporter d’explication circonstanciée convaincante. Elle appelle de ses vœux une clarification du code sur la définition de l’indépendance.
Enfin, l’AMF va saisir le Haut comité juridique de la Place financière de Paris (HCJP) sur l’opportunité d’une clarification du droit concernant la possibilité et, le cas échéant, les modalités pour une société de retirer, au cours de son assemblée générale, une résolution inscrite à l’ordre du jour de celle-ci.
Tenant compte de ces travaux, l’AMF a mis à jour sa recommandation 2012-02 pour intégrer les nouvelles recommandations et pistes de réflexion émises cette année.